Olivier Cachin, conçu pour durer

On ne présente plus Olivier Cachin. Homme de médias, acteur du mouvement depuis une trentaine d’années, que ce soit en télé, radio, presse écrite ou dans ses ouvrages, il suit les évolutions du hip-hop et du rap avec son œil avisé. A l’occasion d’une de ses conférences musicales à Vitrolles, nous l’avons rencontré afin de faire le bilan de ces vingt dernières années et d’analyser le rap game actuel.

Tu es là depuis une trentaine d’années, tu animes une émission sur Mouv’, tu fais des conférences, tu as écrit un certain nombre d’ouvrages… Tu te considères comme journaliste ? Historien du hip-hop ?

Généralement journaliste et écrivain, ce qui englobe effectivement tout ça, mais de fait comme tu le fais remarquer, depuis le temps que je suis là c’est vrai qu’historien… Ce qui est sûr c’est que j’ai accompagné cette histoire-là depuis ses débuts en France car comme tu le sais c’est vraiment en 1990 que le rap français professionnel et structuré a vraiment pris son essor même si on était très très loin de ce que c’est aujourd’hui, c’est-à-dire une musique commerciale acceptée et surtout diffusée.

On est sur une industrie maintenant alors qu’avant c’était une niche.

C’est la nouvelle variété ! Même si on voit encore régulièrement que les médias préfèrent parler de trucs spectaculaires et de faits divers, on est maintenant, surtout grâce à internet, sur une diffusion beaucoup plus large de ces fameuses « musiques urbaines » comme on dit maintenant.

J’aimerais revenir sur ces deux dernières décennies. On fête les 20 ans de pas mal d’albums majeurs (Fonky Family, Busta Flex, Chroniques de Mars, NTM, Oxmo Puccino, Shurikn, Les Sages poètes de la rue, Arsenik, ATK, Ideal J, Fabe, NAP, notamment). Est-ce que d’après toi, 1998 c’est l’année bénie du rap français ?

98 c’est une année super importante comme tu le fais remarquer avec tous ces albums qui sont sortis. Maintenant on pourrait aussi avoir une analyse assez proche sur 96-97… Ce qui est sûr c’est que ce milieu des années 90, et n’en déplaise à certains, est très lié au changement de format de Skyrock parce que ça a permis une diffusion plus large à une époque où il n’y a pas internet. C’est vraiment l’essor d’un rap français qui, je te le disais, commençait à exister professionnellement en 1990 et au milieu des années 90, on est sur ce que le temps a fait, c’est-à-dire des albums classiques, des albums qui ont pour la plupart bien résisté au temps, ce qui n’était pas forcément évident pour une musique tellement basée sur l’actualité. Ça aurait pu être très démodé ! Il y a des sons qui ont vieilli mais il y a quand même quelque chose d’assez magique, cette idée que presque tout ce qui est sorti à l’époque, où il y avait moins de productions que maintenant, c’était des albums importants, des artistes majeurs, donc oui c’est un certain âge d’or.

Après il faut toujours se méfier parce que quand on dit « âge d’or », que ce soit consciemment ou pas, on se réfère à une période qui est aussi l’âge d’or de la personne en question, parce que si tu dis à quelqu’un de 15 ans « c’était l’âge d’or avant que tu sois né », il va dire « t’es gentil mais… » (rires)

On reviendra sur un éventuel nouvel âge d’or… Concernant la fin des années 90, le rap a bénéficié de l’appui, du soutien, de l’émergence de certains médias, Skyrock comme tu l’as dit parce qu’une loi a incité les radios à jouer plus de morceaux de nouveaux artistes et aussi de la presse écrite.

Ah ben oui L’Affiche, après Radikal et puis tous les autres, Groove, RER, Tracklist, Get Busy…

Si on fait un petit saut dans le temps, la période 2002-2003 jusqu’à 2009 est souvent considérée comme une période creuse dans le rap français. Est-ce que c’est le regard que tu portes ?

C’est vrai que c’est une période un peu charnière, parce qu’il y a déjà internet mais ce n’est pas la force d’entraînement que c’est devenu dans les années 2010 où ça devient complètement incontournable. C’est aussi effectivement un moment où le rap s’est pas mal radicalisé parce que je crois que, et c’est une image que j’emploie souvent, les rappeurs à cette époque-là, au début des années 2000, se sont aperçus, ont eu le sentiment que même s’il y eu Sky et la presse écrite, quoiqu’ils fassent de toute façon, ils ne seraient jamais admis dans la boite. C’était l’arabe de cité qui s’habille bien pour aller en club et à l’entrée on lui dit que c’est une soirée privée et en fait il y a d’autres mecs qui rentrent mais pas lui et visiblement pas parce qu’il est mal habillé ou pas accompagné mais parce qu’il est arabe. Et le rap c’était ça. C’était une musique blacklistée, tricard. Donc il y a une espèce de radicalisation des textes dans les années 2000, ce côté plus rap de rue qui remontait et comme internet n’était pas encore assez démocratisé, assez rapide en connexion pour compenser ce vide médiatique, c’est vrai qu’il y a eu une période creuse.

Et alors, encore une fois, ça ne veut pas dire qu’il n’y a rien eu au contraire, de toute façon il y a toujours des périodes creuses. Si tu parles à Dee Nasty, il va te parler de l’époque entre l’émission H.I.P H.O.P. avec Sydney (1984) et 1990 avec Rapattitude. Pendant 5-6 ans, tout le monde lui disait : « Mais arrête tes trucs, c’est fini, rentre chez toi, c’est terminé », donc tu avais un coté moins fort commercialement voire artistiquement, mais il y a toujours des trucs qui se sont passés.

Comme le fameux « Rap alternatif » qui s’est développé pendant cette période de vache maigre des années 2000.

Le rap de blanc…

Qui est devenu aujourd’hui le rap de iencli…

C’était vraiment, au niveau thématique et d’approche, très différent du rap de tess » ou du rap hardcore des quartiers. C’était l’idée pour TTC de mélanger avec de l’électro, ou d’avoir pour Fuzati des textes totalement neurasthéniques, avec un espèce d’humour noir très très piquant mais c’est vrai que commercialement, tout ça n’a jamais fonctionné même quand Tekilatex a essayé de faire, ce qui aurait dû être un tube, « Les matins de Paris » avec Lio.

C’est un poncif chez les rappeurs de dire de nos jours « vous n’êtes pas prêts, je suis arrivé trop tôt », mais concernant cette scène, s’ils étaient sortis dans les années 2015, ils auraient réussi à s’épanouir…

Tu sais ce qui me frappe beaucoup quand je vois le rap d’aujourd’hui, quel que soit ce qu’on puisse en penser, c’est qu’à l’époque dans les années 1990 quand t’avais les Alliance Ethnik qui faisaient « Simple et Funky » ou un Yannick qui faisait « Ces soirées-là », toutes ces tentatives d’ouverture étaient vouées aux gémonies : « C’est commercial, c’est du rap pour ceux qui lisent Voici »… Et quand tu vois maintenant comment c’est décomplexé au point de prendre n’importe quel refrain de truc tout pourri des années 80, blindé ça d’autotune, le sortir en single, tout le monde trouve ça formidable… Effectivement aujourd’hui le rap est une musique commerciale, populaire et à l’époque tous ceux qui ont essayé ont été réduits en miettes parce que la doxa c’était d’être militant, anti-FN et de dire des choses. Et c’était pas mal de faire de la musique pour dire des choses ! Aujourd’hui, quand tu dis « rap conscient » c’est presque une insulte, comme à l’époque où on disait « commercial ». Y a eu un retournement de situation…

Si on continue le déroulé chronologique, à partir des années 2010-2011, le slogan « Le rap c’était mieux avant » se diffuse. Dans le même temps, une certaine scène a permis au rap de garder la tête hors de l’eau. D’après toi, qu’est-ce qui a permis au rap français de renaître de ses cendres de cette période plutôt obscure : le rôle d’internet (myspace, dailymotion, YouTube et les sites de passionnés) ? L’émergence des classes moyennes (en tant qu’auditeurs et acteurs du mouvement) ? Et/ou l’explosion de certains collectifs comme la Sexion d’Assaut et L’Entourage ?

Moi j’en rajouterai un quatrième, c’est l’autotune. Je rigole mais l’autotune c’est quelque chose qui a démocratisé le chant et qui a mis au chômage toutes les chanteuses de R&B qui faisaient les refrains dans les années 90.

Mais l’élément le plus important, c’est l’arrivée d’internet. Ce n’est pas que ça a changé le curseur mais avant, la voie royale voire unique pour exister en tant qu’artiste, c’était les maisons de disques et donc le filtre des directeurs artistiques et ce que les majors à tort ou à raison estimaient être valides commercialement, artistiquement. Et là, effectivement avec YouTube et le SoundCloud, tout d’un coup, et c’est ce qui va arriver avec PNL, des groupes littéralement surgis de nulle part ont un public sans passer par ce filtre-là. Après on peut avoir l’avis artistique qu’on veut sur Jul, sur l’Algerino, sur PNL, mais le problème maintenant, enfin le problème, ce qui fait qu’un artiste est validé, c’est les vues qu’il va avoir. Peut-être qu’à une autre époque, un Jul n’aurait même pas réussi à trouver un contrat sur un indépendant ! On lui aurait dit : « t’es gentil mais ton truc là, avec tes mélodies, c’est nul ». Peut-être ? Mais n’empêche que ce qu’il a prouvé sans passer par ce filtre, c’est qu’il y avait un public pour ça, et même un très grand public.

C’est ça qui change, c’est que tout d’un coup, il n’y a plus besoin d’être coopté par une maison de disque, un D.A., un producteur. Des mecs dans leur chambre font leurs trucs. Et s’il y a un public pour ça, comme le prouvent les millions de vues, et ben voilà, ça va déclencher des carrières, ce qui n’aurait pas été le cas dix ans en arrière.

Tu citais justement Jul, PNL qui ont pété en 2015. Et beaucoup considèrent cette année-là, dans le rap game, comme un nouvel âge d’or, incarnait aussi par Sch, Nekfeu, Vald, Niska, Hamza, Lacrim, Gradur, Alonzo, Kaaris, notamment. Est-ce que pour toi c’est le cas ?

En termes de visibilité et de commerce, clairement ! Après au-delà des considérations artistiques, on ne peut que s’apercevoir que tous ces artistes que tu viens de citer ont un public, remplissent des salles, que ça soit avec les tournées des bars à chicha de France avec Alonzo ou des Zéniths, et puis des millions de vues sur YouTube et tout ce qui va avec… Avec l’abondance de productions qu’il y a, pour reprendre ce que je te disais tout à l’heure par rapport aux albums classiques, est-ce que les albums de tous les artistes que tu as cités sont des classiques ou resteront des classiques ? En tous cas, la musique est devenue un produit de consommation, et ça va avec la société et la façon dont on consomme la musique.

N’est-ce pas le problème !? Ce sont des artistes hyper productifs, qui pour le coup sont peut-être trop productifs. Ils arrivent à sortir 2/3 projets dans l’année… J’ai l’impression que la forme a pris le pas sur le fond et qu’on est dans l’effet inverse par rapport aux années 90.

C’est ce qu’on voit dans pleins d’autres domaines, que ce soit dans la mode ou le cinéma : il y a moins de superstars. Je pense qu’il y aura moins d’albums classiques mais plus d’artistes comme tu dis très productifs. Est-ce que Where is l’album de Gradur sera un classique dans 15 ans ?…

On est sur l’ère de la playlist aussi, où il y aura des titres majeurs et d’autres plus anecdotiques sur les projets. D’ailleurs on dit projet, on ne dit plus album comme si on n’osait pas assumer les enjeux qui vont avec…

Parce que la notion d’album, pour quelqu’un qui est née avec internet et la dématérialisation du disque, les playlists, le stream, ça ne veut plus rien dire. Ceux qui aiment le son vont faire leur propre album, leurs playlists, leurs mix ; les autres vont écouter ce qui passe. Il y a une espèce de bande passante mais il n’y a plus l’acte individuel de rentrer dans un magasin et d’acheter un disque ou de le copier chez un de tes potes et de l’écouter en tant qu’album, ça change tout ! C’est comme si on était revenus dans les années 60, où le single devenait la clé du truc, et qu’un album était un rassemblement de singles. Maintenant c’est ça, faut faire du stream, donc faut des singles donc la notion d’album est beaucoup moins importante même si bien sûr tu as toujours des artistes, et heureusement, qui ont l’idée de l’album voire du concept album. Dans la légende de PNL, c’est un album, ce n’est pas une suite de singles. Mais globalement c’est moins le Graal de faire l’album tu vois avec la pochette, le titre, la séquence des morceaux… Maintenant un gamin écoute une bande passante, chope ce qui lui plaît dedans, le digère, le recrache et puis il l’oublie.

Quand on voit les sorties de ce mois de septembre (Jazzy Bazz, Josman, Disiz, Vald, MHD, Rim’K, Alpha Wann, Sadek, Hornet La Frappe, Koba LaD, Youssoupha), on n’a que des artistes solo. Et certains étaient dans un groupe, un collectif ou en font encore partie. Est-ce que tu ne crois pas que la fin des groupes est liée à l’individualisation de la société ? Ça fait question pompeuse mais…

Non mais c’est pas faux ! C’est d’ailleurs pour ça que La Cliqua est revenue, il y a eu un côté « ouais, c’est le retour des groupes ! ». Et quand il y a eu 1995, alors là c’était vu comme quelque chose de magique, déjà parce que c’était un groupe, qui était à la fois très moderne et qui avait une référence à ce passé… qui n’est pas passé d’ailleurs. Alors il en reste des groupes, mais ça va être des trucs comme 4Keus Gang, pas forcément ce qui artistiquement va être le plus passionnant pour moi. Donc oui je pense comme tu dis que maintenant on est plus sur un truc d’individu. A l’heure actuelle la notion de groupe est beaucoup moins importante qu’elle était à une époque…

A une époque hip-hop en fait ! Et est-ce que le rappeur n’a d’ailleurs pas, me semble-t-il, tué le hip-hop en prenant tellement de place, en phagocytant toutes les disciplines… Autant avant, un gamin pouvait avoir envie d’être taggueur, danseur, rappeur ou DJ, autant maintenant, on veut juste devenir rappeur.

Les disciplines, c’était une espèce d’utopie des débuts, encore plus aux États-Unis dans les années 70, c’est-à-dire qu’il faut être prolixe dans toutes les disciplines, savoir un peu danser, un peu mixer, être au micro, faire du graff et du tag, c’est complètement fini. Chaque discipline a sa logique interne. Ça fait bien longtemps que tu ne vas plus voir de danse hip-hop dans les clips de rap.

Alors qu’au début, que ce soit NTM, Assassin, Fabe, Koma, même Booba, ils avaient tous soit dansé soit taggué.

Effectivement… Mais maintenant, être rappeur c’est quoi ? C’est avoir internet, un logiciel craqué, mater des vidéos, se lancer et puis après c’est bon ou c’est pas bon, mais le juge de paix, ça va être le clic. C’est vraiment un autre monde et une autre approche de la musique. On en revient à cette idée de la consommation, maintenant le rappeur n’a plus envie de faire ses classes, de faire des open mics… C’est binaire : like-don’t like. T’as des mecs qui arrivent, ne connaissent rien à l’histoire alors que des rappeurs un peu plus mûrs le regrettent parce que ça a quand même une valeur de galérer, de faire ses classes, ça t’apprend des choses… Quand tu commences ta carrière en faisant des concerts dans des MJC devant 30 personnes, ça t’apprend plus de choses que si tu démarres en faisant ton clip avec ton drone et ta bande de potes, que tu mets sur YouTube, avec une petite provoc histoire de faire le buzz… Ce parcours initiatique, c’est vrai qu’il n’existe plus, en tout cas plus de façon systématique. Il y a plein de nouveaux artistes qui n’ont pas du tout connu ce qu’ont vécu des artistes récents comme Seth Gueko ou d’autres qui ont quand même mis un moment avant d’arriver.

C’est vrai que maintenant t’as un côté immédiat pour certains où ça marche presque du jour au lendemain…

A l’image de Koba LaD ou Moha La Squale qui arrivent quasiment de nulle part. D’ailleurs, pour ce dernier se pose la question d’une vraie carrière, de comment se réinventer…

En moins d’un an, il fait un album, il est invité partout… Lui-même reconnait que c’est rapide par rapport au moment où il a commencé à rapper ! Je crois que c’est Le Rat Luciano qui disait : « C’est facile d’y arriver, mais le plus dur c’est d’y rester ». Parce qu’effectivement maintenant c’est très facile d’y arriver : faire un petit buzz et avoir un truc qui marche, c’est relativement facile même si ce n’est pas à la portée de tout le monde. Mais après un an, deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans, trois albums, quatre albums, t’as encore des choses à dire ? T’as encore le moyen de rester dans l’actualité ? C’est ça qui est très dur… Maintenant on est en plein dans le syndrome warholien, tu sais, tout le monde sera célèbre dans le futur mais pendant 15 minutes. Ou 15 semaines… (rires) Après t’avais une autre question, est-ce que les mecs veulent faire carrière ?  Y en a plein qui ne sont pas dans une logique carriériste.

L’occasion fait le larron.

Ils sont dans le délire « ça dure ce que ça dure »… Tous les rappeurs n’ont pas de plan de carrière.

Je rebondis sur cette épreuve du temps. Récemment, le titre « Sur le drapeau » de NTM avec Fianso est sorti, tu as Rim’K, le tonton, qui a fait un morceau avec Ninho, on a ATK qui prépare un nouvel album, IAM était en concert à Tokyo le 19 septembre et en octobre en Allemagne. Bref, des anciens sont encore dans le game. Que penses-tu de cette « résistance », de cette présence de ces « gardiens du temple » ?

Ce qui m’amuse, c’est de me dire que finalement, même si musicalement ça n’a aucun rapport, on a exactement le même cheminement que le rock des années 60. Des artistes disaient « mourir jeune pour faire un beau cadavre », « je ne ferai pas le combat de trop », et puis tu vois Mick Jagger, 76 ans, qui remplit toujours des stades… Mais c’est rassurant de voir que le rap c’est aussi des carrières. Tu citais NTM et IAM, il y en a quelques autres, pas au même niveau peut-être, qui sont toujours là parce que ce sont des artistes. Et être artiste, ce n’est pas comme sportif de haut niveau, où arrivé trente ans, ça commence à être compliqué.

Alkpote et Joe Lucazz n’ont jamais été aussi productifs et forts que ces deux dernières années. Pourtant ils ont des kilomètres au compteur… Et ils me semblent d’actualité.

Quand t’es artiste, ça dépasse le nombre de vues ou les remplissages des salles de concert. Etre artiste c’est accepter qu’il y ait des périodes où personne ne s’intéresse à toi, où t’as des creux, où tu passes des Zéniths à des New Morning. Le plus dur c’est trouver comment vieillir dignement je dirais. Parce que ce qui est sûr, c’est que tu ne peux pas faire la même chose à 40 ans qu’à 20 ans. Tu ne peux pas dire la même chose. Donc comment réussir à être pertinent quand t’arrives un certain âge dans une musique qui quand même, qu’on le veuille ou non, est une musique jeune, faite par des jeunes majoritairement ? C’est une question à laquelle ont très bien répondu des Akhenaton, des Kery James, qui ont fait évoluer leur style, ne sont plus dans la même logique et dans le cas d’Akhenaton font vivre les œuvres de leur passé. Parce que mine de rien ça fait quand même 22 ans que L’Ecole du Micro d’Argent est sorti et IAM est toujours en tournée avec.

Et alors si on fait un parallèle avec ces rappeurs et ta carrière, quel regard tu portes sur ton parcours ? Parce que tu as connu des difficultés, comme certains artistes, avec la fin de Rapline, la fin de L’Affiche, la fin de Radikal. Comment on vieillit dans le journalisme et comment on reste d’actualité ?

Disons que l’important pour moi ça a toujours été, au-delà du hip-hop pour la musique et de la culture en générale, une forme de passion. Ce n’est pas un boulot qu’on peut faire comme un boulot de bureau, de 9h à 18h. Faut qu’il y ait un truc, qu’on soit encore en mesure de vibrer un peu sur des choses qui se passent. Même si je n’ai pas forcément l’enthousiasme qui se manifeste de la même façon qu’à mes 20 ans, il y a toujours des trucs où je me dis « ça c’est bon ! ». Ça me donne envie d’aller les voir, leur parler. Et montrer aussi qu’on a quelques compétences ! Avec une trentaine de bouquins et tout ce que j’ai fait en magazines, en télé, en radio, j’ai un ptit C.V. Le rapport avec l’artiste, c’est qu’il ne faut jamais se reposer sur ses lauriers et se dire « je suis arrivé ». T’as toujours à apprendre. Et je suis très content de voir maintenant des Mehdi Maizi et d’autres qui sont dans une génération plus jeune et qui ont cette passion. Parce que moi c’est quelque chose qui m’a beaucoup manqué…

Parce que tu n’avais pas de pairs, ni de concurrents…

C’est le truc qui m’a le plus étonné à l’époque ! Quand ça a explosé au début des années 90, je pensais que plein de gens allaient s’intéresser à ce mouvement, en se disant « il se passe des trucs ! ». Et en fait, on n’en voulait pas. Donc il a fallu attendre qu’il y ait une nouvelle génération de journalistes pour pouvoir en parler et pendant longtemps je me suis retourné, mais il n’y avait personne derrière ! Heureusement ça a changé, donc c’est bien et ça aide à rester un petit peu pertinent de voir qu’il y en a d’autres derrière.

Dernière question, tu peux nous citer du bon son que t’écoutes en ce moment ?

Dans les nouveaux ?

Des trucs actuels, anciens ou hors rap.

En ce moment j’écoute beaucoup de musiques de films italiens des années 70. Je suis très Goblin, Stelvio Cipriani, Riz Ortolani, ça me plait beaucoup. Sinon le dernier groupe qui m’a vraiment retourné, c’était PNL. Tout ce qu’ils ont amené, cette originalité, c’était quelque chose d’assez unique. Je pense qu’ils ont été très importants dans le nouveau hip-hop des années 2010.

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