10 Bons Sons italiens en 2017

L’édition 2016 ayant plu à nos lecteurs, nous avons décidé de donner une suite à notre focus sur la scène italienne. Nous étions les premiers à nous intéresser à la scène rap italienne en 2014, et force est de constater que nous avions du flair quand on voit que désormais les médias spés en parlent de plus en plus à l’image de Booska-P ou du très bon CaptchaMag. Si les clichés sur Gomorra servent le rap français jusqu’à l’overdose (PNL, SCH, Sadek, Rim’k…), il est amusant de voir qu’aucun MC Napolitain ne se targue de tourner des clips sur les mêmes standards. Autre constat, les barrières entre les langues s’effacent peu à peu, et ce qui était exceptionnel il y a 20 ans, impensable il y a 10, devient aujourd’hui une réalité artistique : les rappeurs et les producteurs italiens s’exportent, ou invitent désormais des étrangers pour réaliser ensemble des connexions bankables. Il y a fort à parier que l’avenir du rap en Europe s’écrira en rimes en -i -a -o -e.

GHALI – PIZZA KEBAB

Ghali, c’est tout simplement le rappeur le plus en vue dans la Botte cette année. Associé au producteur le plus bankable du moment, son ami Charlie Charles, il a sorti LE titre de l’année chez nos amis transalpins (75 millions de vues en une année). Certains l’ont découvert en France via son couplet sur l’album Force & honneur de Lacrim, sur lequel le MC d’origine tunisienne faisait apprécier son jeu sur les deux langues. En 2017, c’est bien deux albums qu’a sorti le Milanais : le premier éponyme au printemps, le second Lunga vita a Sto à l’automne. “Pizza kebab” évoque directement le dilemme culturel qui l’anime, risquant de provoquer l’ire des plus rigoristes napolitains qui tomberaient dessus. Rien de bien offensant tout de même, le ton est détendu et le sourire vocal “Je sais que ça ne se fait pas, mais ça me convient”. Imitant malicieusement l’air du classique “La Bamba” sur le pré-refrain, l’homme aux 333 millions de vues sur YouTube a confié l’instru à Charlie Charles. Comme pour toutes les pistes de ce premier album, qui aura marqué au fer l’année 2017.

WHITE JESUS – GIOVANE DYBALA

Malgré une vidéo peu réussie, entre des clichés sur-utilisés et des effets pas heureux, le son de White Jesus cogne. Parabellum lui a sorti une trap ronde assourdissante, permettant au rappeur natif de Bergame d’étaler son flow rapide. Intitulé “Giovane Dybala” en hommage au talentueux attaquant de la Juventus Turin, le blond peroxydé habitué à la provocation fait cette fois dans les valeurs du rap de rue : deal, équipe, armes, défense du terrain. “L’amour c’est comme la drogue, ça te tue à petit feu” clame celui aussi connu sous le pseudo DOC. Si vitesse et technique sont les meilleurs adjectifs pour décrire le joueur de foot argentin, alors le parallèle avec le Bergamote est trouvé. Rien à redire sur l’élimination historique de l’Italie pour la Coupe du Monde 2018, évidemment.

COMAGATTE – TERRENO

Extrait de la très bonne compilation Call Me Femcee qui met en avant des rappeuses du monde entier (et que nous avions chroniqué cet été), “Terreno” est le titre solo de Comagatte, kickeuse originaire des Pouilles. Son blase est un hommage à la fable “Comare Gatta”, travailleuse indépendante qui épousa une souris, la trouva morte à son retour du travail et finit par la manger. Aussi spontanée que chaleureuse, elle a directement répondu présent à ce projet international et est même venu le défendre sur scène à Paris. Habituée à des sons et des clips aux saveurs traps débridées, le beatmaker français Orkim lui a pour l’occasion délivré une prod transpirant le old school à grosses gouttes. Elle n’en est pas moins à l’aise. Excentrique, maîtresse d’un style exubérant, elle commence à occuper le terrain de la scène rap féminine d’un pays toujours plus ouvert artistiquement.

G.BIT – STUPIDO

Qu’il fait (parfois) bon de se défouler en racontant n’importe quoi ! Le discours est simple, l’attitude joyeuse. “Stupido” porte on ne peut mieux son titre. C’est l’un des morceaux balancés sur la Toile cette année par G.BIT, le rappeur remuant qui fait penser en France à Julius (le frère de Biffty) dans sa gestuelle. Il nous embarque pour deux minutes d’un rap déconstruit qui n’a finalement de léger que le titre, et peut-être certaines phases. Le clip de Leonardo Russo, le choix des couleurs, l’attitude, la prod de Pankees, rien n’a été négligé. Et surtout pas les chaussettes, car il “a dessiné des petits bonshommes dessus, et ne met que des chaussettes longues, jamais les courtes” comme il tient à le préciser. Dans la même veine, il a également dévoilé “Yaya Touré” sur un format aussi court que basique. Il faudra certainement compter avec sa folie dans les prochaines années.

PRIESTESS – MARIA ANTONIETTA

Egalement originaire de la région des Pouilles, la jeune (21 ans) Priestess s’impose en tant que représentante d’une nouvelle couleur qui mixe le rap-trap et le r&b en Italie. Ce hit en est l’exemple, où elle raconte une histoire d’amour juvénile, déchirante, qui lui a fait “perdre la tête à la Marie-Antoinette”. L’occasion de placer “Parlez-vous français ?” et “crème brûlée” et de se placer en poupée mi-fragile mi-révoltée. Ombra & PK, qui ont désormais pris l’habitude de travailler avec elle, ont réalisé une prod trap entrainante, presque mélancolique, en parfait accord avec le thème. Le clip, très cool, revisite les codes des princesses Disney des années 90s croisés aux Air Max 97 revenues à la mode et le joint, inévitable symbole de coolitude. “Torno Domani”, son premier effort solo, est sorti à l’automne sur le label Tanta Roba (Madman, Gemitaiz) et vaut le coup d’oreille.

MOSTRO – OGNI MALEDETTO GIORNO

Mostro, le Romain de 25 ans a (probablement) envoyé le meilleur clip italien de l’année. Enfermé dans une prison où l’atmosphère a quelque chose de morbide et inquiétant, il pousse le concept et le tient de bout en bout. Jusqu’à l’asphyxie. Celui qui reconnaît “avoir peut-être été sauvé par le rap” cherche l’exil, un second souffle salvateur. Il rappe l’enfermement mental avec une précision d’architecte. A l’image des acteurs qui l’entourent, le mal-être à son paroxysme parait réaliste, accentué par une instru lourde, douloureuse, lancinante, créé par son poto Enemies. Artiste à suivre.

CROMO & VEGAS JONES – ITALIENO

Impossible de passer à côté de cette frappe de Cromo tant les médias l’ont plébiscité et les plateformes digitales fait tourner en playlists. La nouvelle pépite signée chez Warner Music, membre de l’écurie Atlantic Records, arrive de Gênes. Ce single, en duo avec Vegas Jones, a pris une dimension extraterrestre avec la sortie du clip tourné dans une ancienne base de l’OTAN. “Sur notre planète, il n’y a pas de radars de vitesse” chantent les deux italiens dans un concours d’egotrip très imagé. Vegas Jones, lui, reconnait “avoir plus faim d’argent que de nourriture”. La musique de Boston George sonne, elle, de façon lunaire. Deux piges après s’être fait repérer comme freestyler, Cromo s’installe dans les charts et sortira son premier album en 2018.

EMIS KILLA – LINDA

Déjà présent dans notre récap 2016, Emis Killa nous a obligé à le citer de nouveau en 2017. Sa vidéo ”Non è facile” en featuring avec Jake La Furia avait retenu notre attention dès le mois de janvier, mais le son latino “Linda” et son clip cinématographique méritent aussi que l’on s’y arrête. Une histoire d’amour romancée façon western, voilà que notre MC / chanteur originaire du Nord Ouest se transforme en playboy killer aux accents espagnols le temps d’une mélodie de Don Joe dont les guitares (Andrea Piras) nous renvoient à la chaleur d’un “Tequila sunrise” de Cypress Hill. Suffisamment crédible et esthétiquement propre pour nous évader pendant 3’32.

BASSI MAESTRO – META RAPPER META UOMO

Unique mais digne représentant de la scène old school dans notre article, Bassi Maestro est une figure emblématique encore très active et respectée en Italie. Né à Milan en 1973, il a conquis les auditeurs des 4 coins de son pays en tant que rappeur, DJ et producteur avec de nombreux classiques. Toujours capable d’innover, de se réinventer si besoin, il a sorti au printemps “Mia Maestà”, un opus très sérieux, réussi, autant en adéquation avec ses valeurs hip-hop qu’actuel musicalement, en témoignent les jeunes invités têtes d’affiches venus prêter main forte. Evitant le piège du jeunisme, il parvient à se faire entendre sur des sons à l’ancienne comme sur des prods traps sans jamais tomber en ridicule. Sur ce délire “mi rappeur mi-homme”, il nous entraine avec joie dans son voyage de super MC via une boucle groovy rafraichissante. On vous conseille au passage le cinglant “Poco cash” en duo avec l’omniprésent Vegas Jones.

MARK MARCUS & BUBU – IL MEGLIO DEL MEGLIO

Bim ! Les deux jeunes Milanais membres du BLVCKHONEYGVNG ont kické salement ! L’envie de prendre la route à pleine balles est irrésistible à l’écoute du “Meilleur du meilleur”. Comme dirait Veerus, ils ont craché ce feu, sur des flammes servies par PrezBeat. Egotrip entêtant, ils se montrent d’humeur taquine : l’un assure qu’ils “le font mieux, n’y vois rien de personnel”, l’autre “ne sait pas s’il faut rire ou pleurer” quand ils voient ceux qui parlent de rue se débiner dans la réalité. Encore inconnus (14 000 vues en un mois et demi, absents des plateformes), c’est typiquement le genre de Banger qui pourrait leur servir de tremplin alors même qu’ils sont aux balbutiements de leurs carrières. L’auto-proclamée “top team” réunissant le Barça et le Real a de beaux jours devant elle.

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