Chronique : Artcore State of Mind – « La Bande Annonce »

Vous faisiez quoi le 20 mars 2015 ? Comme tout le monde : la ruée vers les salles obscures pour profiter du Printemps du Cinéma, de ses 5000 salles à travers la France et de son tarif unique à 3,5€. Sympa, mais moi j’ai trouvé mieux pour me faire une toile pas chère et sans bouger de chez moi. J’ai maté La Bande Annonce d’Artcore State Of Mind.

Je décide de prendre la pochette de l’album à la lettre. Je m’installe confortablement dans mon canapé, j’éteins mon téléphone et je me remémore les premiers courts métrages du crew de Mulhouse. Ahhh Le temps d’une cigarette de DF&Cerk, ça c’était de l’Art et Essai ! Toute la magie des productions indépendantes à la française… Et en plus, cette fois, le casting est encore plus lourd, y’a toute la bande !

Les lumières s’éteignent doucement, les pipelettes se taisent, les trois coups résonnent… La projection commence et DJ Cerk plante le décor sur un générique scratché. C’est parti pour une bonne séance d’Artcore.

Le film de bro’

Artcore State Of Mind, c’est un groupe de rap qui fait du rap de groupe. C’est la première chose qui frappe à l’écoute de l’album, la complémentarité. Les MC’s se répondent, les flows s’entrechoquent, les rimes rebondissent. Ces mecs-là savent rapper ensemble. Une complémentarité que Niack, Narf8, Cerk, AD et DF, nous balancent dans un storytelling sans complexe sur « La Somme ». Une belle histoire de pote et de Hip-Hop, de passion et de galères, de freestyles, de débrouille et d’imprévus… La somme de toutes ces choses qui définissent notre culture. Une histoire du rap indépendant comme il en existe tant.

Le film d’action

Les jeux de flow et le DJing rythment l’album. Ça bouge, ça hurle, ça passe en sourdine pour une petite balade plus sombre… Pour repartir de plus belle ! Un album construit en montagnes russes sans tomber dans le rap de foire. C’est ça l’énergie du hip-hop. Et d’énergie, nos cinq compères n’en manquent pas, surtout quand il s’agit de déconner.

La comédie 

Le point commun entre le rap et le cinéma français ? Un certain manque de second degré. Et La Bande Annonce la couleur dès les présentations. DF scénariste de films de boule conscients, AD maquilleur philippin au chômageNarf acteur médiocre et égocentrique sans personnalité… Une capacité à l’autodérision qui fait plaisir à voir, un humour tirant sur l’absurde et une volonté de scénarisation que l’on retrouve dans les podcasts du crew. Je pense notamment au titre « Faut que j’arrête » à partir duquel chacun d’entre nous saura tirer ses conclusions.

La BO 

DJ Cerk nous livre une BO moderne et disruptive, permettant aux MCs de monter en rythme et en flow. Inspirations house, sonorités techno de Detroit, ambiance speed et angoissante… C’est éclectique et plein d’énergie, sans doute trop à mon goût. Ceci dit, les bases sont là, avec quelques productions plus orthodoxes et l’omniprésence du scratch qui apporte une coloration hip-hop à l’ensemble.

L’entracte

La Bande Annonce, c’est un projet hybride, à la croisée des ambiances et des univers. De l’électro-Hop d’un Set&Match ou d’un Missak aux thèmes récurrents d’un rap bien de chez nous. De la déconne à l’angoisse, de l’immaturité à la lucidité, de l’adolescence à l’âge adulte… On en parle tout de suite après « L’entracte ».

Le film d’auteur 

La technique frappe violement. Les schémas de rimes sont, tantôt élaborés, multisyllabiques et franchement impressionnants, tantôt calmes et lancinants mais toujours bien interprétés. L’écriture est soignée sans jamais mordre sur le fond, bref, l’amateur de rap à texte y trouvera son compte.

Le mélodrame

Si les Mulhousiens savent jouer de la dérision, ils n’en sont pas moins lucides dans une facette de leur travail beaucoup plus sombre. La Bande Annonce, c’est aussi ces rouleaux de pellicules noires, la réalité d’une génération figée sur négatif. Le pessimisme, la dépression et la lucidité environnement malade. Les réflexions sont tournées vers l’envers du décor et des relations sociales dictées par les lois du superficiel. Les méandres d’une jeunesse bloquée dans la défonce et la morosité d’un l’hédonisme par défaut. Le témoignage d’une génération qui sombre, faute de trouver sa place dans la société.

« Les yeux rouges et la peur bleue du futur colorent leur palette. Tout pour être heureux mais l’impression de pas l’être. Je t’explique despee, on s’plie au spleen, on s’plaint sans respect, aspire à s’perdre espérant que la spirale s’pète. »

L’autobiographie 

De grandes qualités d’introspection se dégagent des textes d’Artcore State Of Mind. L’honnêteté est de mise, envers les autres comme envers soi-même. La force des mots comme exutoire d’une jeunesse qui se regarde en face. L’écriture en guise de psychanalyse, dans la grande tradition littéraire française.

The End

Pour conclure, c’est un album que je conseille à tout amateur de rap technique en quête de modernité. Les Mulhousiens montrent ce qu’ils savent faire dans un album hybride et complet, à écouter sous Redbull à fond de cinquième sur l’autoroute comme au bord de la fenêtre. Une belle comédie dramatique à voir et à revoir, en attendant le blockbuster annoncé par la Bande.

Disponible depuis le 20 mars en téléchargement gratuit et sur www.artcorestateofmind.com, un site drôle et complet pour entrer dans l’univers du crew.

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