Flev, on le connaît pour ses activités de beatmaker. Il vient de sortir une rétrospective/best of de 20 titres produits entre 2003 et 2013 : Anakronism (télécharger). Mais l’artiste multi-casquette est dans le Hip Hop depuis bien avant ça, d’abord en tant que DJ, puis en tant que rappeur, et enfin beatmaker et ingé son. C’est aussi un pionnier en matière de live à la MPC (qui ramène littéralement le beatmaker sur le devant de la scène), et c’est d’ailleurs à l’occasion de sa participation au plateau Street Life à la Dynamo, à Toulouse, que Le Bon Son l’a rencontré…http://youtu.be/o-iArWzt9dQ
Le Bon Son : Peux-tu te présenter en quelques mots pour les lecteurs du Bon Son ?
Flev, je suis beatmaker, MC, DJ et ingénieur du son. Aujourd’hui ma priorité c’est le beatmaking, j’ai mis mon rap de côté y’a à peu près deux ans pour m’y consacrer. Ingénieur du son parce que j’aime pas trop être dépendant d’autres personnes pour mixer mes propres prods. Et DJ parce que s’il faut des scratchs sur des morceaux, et qu’il y a pas de DJ sous la main, je les tape moi-même.
Y’a-t-il un beatmaker en particulier dont le travail t’a donné envie de te lancer ?
Je n’ai pas eu envie de me lancer grâce à un beatmaker en particulier, mais parce que je rappais et que j’en avais marre de rapper sur les faces B. Et du coup j’ai eu envie de faire mes propres prods, sans influence particulière. Les influences sont venues un peu plus tard quand j’ai écouté RZA du Wu-Tang. Après oui, j’ai écouté DJ Premier, Alchemist… Mais c’est vraiment l’école Wu-Tang qui m’a parlé : des émotions, avec une force thérapeutique presque. Ça sort du ghetto, mais en même temps on sent l’âme, on sent l’homme.
Ton passé de rappeur te sert-il dans ton travail de beatmaking ?
Avant d’être rappeur, j’étais DJ, et quand j’ai commencé à écrire, cette expérience m’a servi pour la connaissance des temps, etc. Être rappeur m’a ensuite servi pour être beatmaker, pour justement les ambiances, les atmosphères, les BPMs, les flows, les phases différentes qu’on pouvait avoir sur les thèmes… Je pense que l’un ne va pas sans l’autre.
Sur Anakronism, qui vient de sortir, on voit une brochette variée de rappeurs. Comment choisis-tu les artistes avec lesquels tu collabores ?
Je les choisis pas souvent en fait, je pense qu’on se choisit mutuellement. Y’a une recherche de ma part qui fait en sorte que je me tiens toujours au courant de ceux qui montent, de ceux qui montent pas mais qui ont du talent. J’aime ces derniers d’ailleurs. Et je prends en compte aussi ceux qui viennent vers moi, toujours avec un recul. Sans juger, mais je prends en compte leur rap, et toujours le feeling qu’il peut y avoir. Le plus souvent je rencontre tous les MC’s avec qui je travaille. Même quand c’est dans d’autres pays, et peu importe la façon dont ça se fait.
D’ailleurs j’a vu que tu avais produits deux chiliens, comment s’est faite la connexion ?
Alors en fait c’est deux chiliens qui sont venus en France pour tourner et enregistrer un maximum de titres, que j’ai connus par un ami qui s’appelle ODT, qui tient un label qui s’appelle la Nightmare. Et ce côté mitraillette dans le flow m’a complètement hypnotisé. C’est ma came, du rap à la Big Punisher… Après tu peux faire ça en portugais, en espagnol, tant que le flow et le messages sont là, je prends.
Si tu devais retenir une seule prod d’Anakronism, ce serait laquelle, pour laquelle tu as une affection particulière ?
Y’en a plusieurs en fait. Bien sûr, « Jusqu’à la fin de jours » de Saké me tient beaucoup à cœur. Parce que c’est pour moi le « I need your love » de LL Cool J. C’est un des premiers morceaux rap dans lequel j’ai vraiment entendu un MC dire à une femme qu’il l’aime. Pour moi Saké c’est un des premiers à l’avoir fait. Et puis y’a aussi Visel MC, qui est un artiste brésilien, avec qui j’ai beaucoup d’affinités, que je soutiens à fond. Participer à son évolution me tient beaucoup à cœur, y’a d’ailleurs une tournée MPC qui s’organise au Brésil, avec l’Orchestre National de Sao Paolo et lui.
‘En fait je prépare des sons chez moi, destinés aux lives MPC. Et quand je les tape sur scène, c’est de l’improvisation.’
Y’a trop d’affections sur Anakronism, Wira, Sëar Lui-Même, Pand’Or. Ça me donne une certaine nostalgie de voir tous ces MC’s réunis sur une seule et même compil. Si je l’ai faite, c’est pas pour tourner la page sur ces MC’s, mais pour tourner la page sur une vision, une façon de voir, pour pouvoir aller de l’avant, faire d’autres choses plus concrètes pour le futur.
La première prod que tu aies placée c’était pour qui ?
C’était pour Reyno. Le titre s’appelle « L’œil du témoin ». C’est sorti sur vinyle, en maxi à l’époque. C’était de l’autoprod, et je suis très fier de cette prod. C’était ma 7ème instru sur MPC. Et avant d’exposer mes instrus, j’attendais qu’un MC me dise « Ouah ! ». C’est dur d’être objectif sur ce qu’on fait, donc c’est bien de savoir ce que tu vaux aux yeux des autres. Je pense que c’est le public qui te dit ce que tu vaux, pas toi.
La dernière en date que tu aies placée ?
C’est pour my man Yoshi, pour son album solo en préparation. Je lui avais envoyé un pack de beats. Et y’a quelques jours j’ai reçu un message me disant qu’il avait enregistré un morceau sur un de mes beats, et qu’il voulait des scratchs de mon pote DJ Djaz. Voilà, c’est en plein mix.
Une prod en rap français que tu aurais rêvé de réaliser toi-même ?
« Retour aux pyramides », des X-Men. Elle est magnifique, un chef d’œuvre. Même si je pense que le sample n’a pas été beaucoup travaillé. Peut-être que je me trompe, je connais pas le sample d’origine…
Des participations à nous annoncer ?
Y’en a plein… Pas mal de gars de L’Entourage : Nekfeu, Eff Gee, Deen Burbigo. Sëar Lui-Même : j’ai des morceaux qui sont prévus pour bientôt, et sur lesquels on a jamais entendu un Sëar comme ça… Pand’Or, Wira, ODT. Des cainris aussi, et des étrangers. Le combat continue.
Comment se passe un show à la MPC ?
Je vais pas dire que c’est magique, mais je contrôle pas tout. En fait je prépare des sons chez moi, destinés aux lives MPC. Et quand je les tape sur scène, c’est de l’improvisation. Je sais pas trop où je mets les doigts, même si je connais mes pads, je sais où sont les samples, etc. Mais j’aime ce côté un peu « erreur », je trouve que ça donne du charme quand c’est bien fait. C’est peut-être comme un trou de mémoire pour un rappeur. Quand un rappeur a un trou de mémoire et qu’il le rattrape, ça peut donner un surplus dans le show, une interaction avec le public.
J’ai un moment dans mon show où j’ai les yeux bandés, je mets une capuche sur la tête et je joue un son. On m’a souvent dit : « Tu joues presque mieux les yeux bandés. » Y’a un côté transcendant en fait. On est là sans l’être. C’est quelque chose d’indéfinissable.
Le mot de la fin :
Merci au Bon Son, aux activistes, aux partenaires, à ceux qui me soutiennent, à tous les artistes avec qui j’ai collaboré, et avec qui je vais collaborer. La musique, je dirais même l’art c’est ma vie. Faut y croire !
Anakronism : disponible gratuitement depuis le 1er mars. Télécharger
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