10 Bons Sons en décembre 2015

En ce moment Internet regorge de rétrospectives rap de l’année 2015, mais il ne faut pas oublier que de nombreux albums, mixtapes, et EP’s sont sortis durant le dernier mois de l’année, et ce dans tous les styles. Nous avons d’ailleurs un tout petit peu dépassé notre quota habituel, une fois n’est pas coutume.

Le 2 décembre : Le Sept – Planète interdite (Prod : Le Parasite)

« Planète Interdite ». C’est aussi le nom d’un des tout premiers films de science-fiction (1956). Au-delà de la thématique futuriste, l’oeuvre questionne alors l’être humain sur sa part d’ombre, en quelque sorte le double caché aux relents malsains que nous abriterions tous. Est-ce aux tréfonds de nos âmes que veut nous emmener Le Sept ? Ou nous signale-t-il simplement la noirceur de nos civilisations ? Sur ce beat lent, signé Le Parasite, il explore ce monde, désarmé, ses lyrics chiadés pour seule carapace. Chaque rime est travaillée, chaque mot savamment pesé. La richesse des textes en marque de fabrique, comme à l’accoutumée avec Le Sept. Chaque écoute supplémentaire nous éclaire un peu plus, nous amène à comprendre un peu mieux la complexité des phases du MC de Montreuil. La réalisation du clip, signée du beatmaker/réalisateur Mr Ogz, est d’équerre avec la dureté des vers, et nous propose avant-goût de marée noire. Le prochain EP de Sept, Amoco Cadiz, étant prévu le 7 février chez Welsh Recordz.

Le 21 décembre : L’Animalerie – N°69.832015

Énième freestyle qui n’en est pas vraiment un signé L’Animalerie, une fois encore agrémenté d’éléments extérieurs au collectif. Et il y en a de nouveau pour tous les goûts, grâce la prod multifaces de Lapwass qui s’adapte joliment à l’univers personnel des artistes. Un éclectisme que l’on retrouve dans la composition de l’équipe à domicile : Lucio et son flow habituel distillé ici en version accélérée, le duo Kalams-Eddy fidèle à ses récits de la vie courante, ses allitérations et son sacré jeu d’acteurs, ainsi que Missak pour un couplet mi-rappé mi-chanté en guise de baroud d’honneur, lui qui annonçait le mois dernier son départ de L’Animalerie. Côté invités, apparaissent des têtes méconnues du grand public mais pourtant au niveau, de Marius B dont on n’avait plus vraiment de nouvelles depuis son freestyle radio en l’improbable compagnie d’Oxmo Puccino et Kacem Wapalek, à Heegrek et son timbre de voix robotique. Reste à citer Dick Van Dyke, qui clôt le son en douceur sur un changement d’ambiance assez brutal mais finalement pas désagréable.

Le 3 décembre : Jeff Le Nerf – Ça fera pas twerker (Prod Nizi)

A défaut de faire twerker dans les night clubs, ce son brisera plus d’une nuque : Nizi, au sommet de son art, livre une prod à la fois lourde et puissante, calibrée pour faire hôcher les têtes, et offre à Jeff Le Nerf un terrain de jeu sur lequel rares sont les MC’s qui pourraient prétendre rivaliser. En effet, le MC Grenoblois excelle sur ce genre d’instrumental, comme il a pu le démontrer sur ses projets récents. Sur le Black Album, son nouvel opus paru le 4 décembre dernier et dont est issu le morceau ci-dessous, Jeff Le Nerf s’est évertué à sortir de sa zone de confort en proposant aussi des morceaux aux sonorités plus actuelles, au risque de prendre son public à rebrousse-poil, plutôt habitué aux prods boom bap de ses sorties précédentes. 2015 aura été une année chargée pour lui, et il devrait en être de même pour 2016 entre la sortie toute récente du Black Album, la préparation du suivant (Red Album) et de son album commun avec Sonia Nesrine Undercover, et la parution imminente du nouveau disque de Kool Shen pour lequel il s’est impliqué dans la réalisation.

Le 4 décembre : Joe & Cross – Dr. Melfi (Prod : Char)

Nous avions commencé 2015 avec l’EP No Name de Joe Lucazz dans le casque, et nous sommes heureux de la terminer avec un inédit du rappeur en featuring avec Cross, son acolyte de longue date. « Dr Melfi » (la psyquiatre de Tony dans les Soprano, une énième référence à une série de qualité pour Joe) évoque leur rapport à la folie, et figure sur la mixtape Nous contre eux de Char du Gouffre qui a (brillamment) produit l’intégralité du projet. Vivement la sortie de No Name 2.0.

Le 17 décembre – Booba – 4G (Prod : Mr Punisher)

Sans nous avoir véritablement convaincu, D.U.C, l’album de Booba sorti en début d’année contenait quelques moments de rap pur et dur, dans la tradition de ses couplets mythiques, sans pitié aucune pour la concurrence (« Temps Mort 2.0 », « LVMH »). Plus sombre encore, Nero Nemesis, sorti le mois dernier, confirme une envie d’en découdre et de démontrer qu’il peut encore rivaliser avec les têtes d’affiche actuelles. Plus de couplets rappés, un regain d’inspiration, des invités avec les crocs… Il n’en fallait pas plus pour réconcilier Booba avec ses fans allergiques au vocoder, avec des morceaux comme « Zer », « Attila », « Génération Assassin », ou le fameux « 4G » et sa boucle de piano imparable. Fin 2015, Booba aura également fait parler de lui en lançant sa web radio OKLM proposant une playlist à la fois plus exhaustive et plus diversifiée que l’omniprésente Skyrock. Mais 2015 c’est aussi les 20 ans d’un de ses tout premiers morceaux solos, Cash Flow, qui, a posteriori, souligne la détermination et la cohérence du parcours du rappeur de Boulogne.

Le 23 décembre : No More Heroes (Cosmos & Mr Ogz) – NMH

Voici l’autre sortie en provenance de Welsh Recordz ce mois-ci, à savoir un titre inédit de No More Heroes, le duo formé par le beatmaker Mr Ogz et le rappeur Cosmos. Un morceau sur « les héros de leur propre vie » en forme de cadeau de Noël, sur une prod qui n’est pas sans rappeler les ambiances SF de leur titre précédent, Pégase, et qui fera patienter d’ici la sortie de l’EP commun programmé pour 2016.

Le 26 décembre : KlamC – Le remède

Membre du prolifique collectif Les Sales Gosses, KlamC a livré le mois dernier un inédit à son public, agrémenté d’un clip dont les images ensoleillées de la côte australienne contrastent avec le propos mélancolique du rappeur Marseillais. L’aisance au micro est palpable, et il y a fort à parier qu’on entendra parler du groupe Phocéen dans les années à venir.

Le 10 décembre : Davodka – Les maux de la fin

Dans la droite lignée des sorties précédentes, et fort d’un public de plus en plus large, Davodka a sorti le 11 décembre dernier un nouvel album : La mise au poing. Une fois n’est pas coutume, sur « Les maux de la fin », le rappeur du 18ème a mis ses jeux de mots au service d’un texte personnel relatant son parcours, sur une de ces boucles de classique entraînantes caractéristiques de son rap. Assurément un de nos morceaux préférés de l’opus.

Le 25 décembre : Souffrance – Sous les pavés (Prod : TonyToxik)

Comme chacun sait, le 4 décembre dernier fut le théâtre d’une guerre des gros noms du rap français dans les bacs, que ce soit dans l’indé ou le mainstream. C’est aussi ce jour qu’a choisi le rappeur Montreuillois Souffrance, affilié au collectif L’Uzine, pour sortir son EP gratuit Le peuple a faim. Les affinités avec le crew de Montreuil se sentent dès la première écoute, et pas seulement à cause des prods signées TonyToxik : l’énergie, le lexique, les flows, les ambiances sombres et les influences du rap de la fin des 90’s sont palpables, ce titre montrant le soin apporté par Souffrance à l’écriture, notamment dans le choix des images utilisées pour illustrer ses propos. Le peuple a faim est disponible ici, vous auriez tort de vous en priver.

Le 20 décembre : Droogz Brigade – Street Trash

Vous vous souvenez du clip de Montée de vellocet de la Droogz Brigade sorti il y a 6 ans, et truffé de références à Orange Mécanique ? Le groupe Toulousain a remis le couvert avec le premier extrait de leur album Projet Ludovico (sortie programmée pour février) avec une mise en image déjantée inspirée de Street Trash ce coup-ci (Jim Muro, 1987), qui est aussi le titre du morceau. Ambiance malsaine, humour noir, breuvages douteux et camaraderie… Autant d’ingrédients qui renvoient à l’univers que l’on peut retrouver dans les clips qui ont forgé l’identité visuelle du groupe, le tout sur une prod oppressante d’Al’Tarba, autre constante de leur musique. Il est d’ailleurs beaucoup question de leurs références cinématographiques dans l’interview de l’équipe à paraître bientôt sur Le Bon Son, mais pas que, puisqu’ils sont également revenus en détail sur la conception de leur premier album, plus de 7 ans après leur maxi Dissection.

Le 28 décembre : Nakk – Astral (Prod : Sidrec)

Sur le bien-nommé « Astral », Nakk prend de la hauteur et livre un texte poignant et personnel sur un ton plutôt optimiste, profitant de sa position pour faire pleuvoir une averse de punchlines réussies, malgré un thème pas forcément évident sur le papier. Sans pleurnicherie aucune, ce bilan pousse l’auditeur à relativiser ses petits malheurs, Nakk s’efforçant de ne pas voir « le verre à moitié plein, mais rempli ». L’instrumentale, lente et aérienne juste comme il faut permet au MC de Bobigny de placer ses multisyllabiques au millimètre, et de prouver qu’il en est assurément un des maîtres incontestés, et ce depuis bientôt 20 ans, bien avant la course à la technicité que l’on observe depuis quelques années. Lire aussi : notre interview de Nakk parue il y a quelques jours.

Le 28 décembre : Caballero – Pharaon blanc (Prod : Hugz Hefner)

20 ans après les premiers albums d’IAM et le « Retour aux pyramides » des X-Men, les pyramides de Gizeh ont effectué un grand retour dans le rap français en 2015. D’abord dans « Gizeh » de Vald, track annonçant la sortie de NQNT2, puis avec Seth Gueko dans « Titi Parisien » (« J’reste droit comme la constellation d’Orion, aligné avec les pyramides de Gizeh »), et enfin dans « Pharaon blanc » de Caballero : « Les concurrents sont comme les bâtisseurs des pyramides de Gizeh, on sait pas qui c’est. » Le rappeur Bruxellois a en effet livré fin décembre un de ces egotrips épiques et grandiloquents dont il est friand depuis quelques temps, dévoilant ses ambitions pharaonesques, sur une prod aux sonorités psychédéliques signée Hugz Hefner, dont on a pu entendre le travail sur Feu cette année. Mention spéciale à la serviette blanche en guise de seul accessoire en référence aux pharaons.

Le 18 décembre : Seth Gueko feat. Oxmo Puccino & Nekfeu – Titi Parisien Remix (Prod : Hits Alive)

Pour le remix de « Titi Parisien » paru en décembre, Seth Gueko s’est entouré d’Oxmo Puccino et Nekfeu, deux rappeurs originaires de Paris intra-muros, pour une réunion au sommet et chargée en symboles puisque sont représentées sur ce morceau trois générations du rap français  (1990 / 2000 / 2010). Dans la continuité de l’original, le clip, toujours en noir et blanc, retranscrit diverses ambiances typiques de la capitale, avec ce coup-ci quelques références visuelles rendant hommage aux victimes des évènements tragiques que l’on connaît.

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre la page facebook  ou le compte twitter du Bon Son.

Partagez:

Un commentaire

  • Booba sur le site « lebonson » ??? qui plus est, sur la même page qu’un son de Davodka … bon, on va dire que je suis quelque peu déçu …

    Merci en tout cas aux administrateurs de ce site qui me font découvrir chaque mois un nouveau rappeur avec de bonnes instrus, des textes travaillés, et un message noble …

    Quant à Booba, et autres rappeurs qui véhiculent le « mal-être ensemble », merci à eux d’avoir tuer l’esprit hip-hop qui existait dans le rap …

    Le son de Jeff le Nerf est bien koooooool aussi.

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.