10 Bons Sons en septembre 2025

On s’attendait à un mois de septembre particulièrement chargé, mais force est de constater qu’il s’est révélé plus calme que prévu. La déferlante, semble-t-elle, devrait plutôt survenir en octobre. En attendant, retour sur le mois de la rentrée à travers 10 Bons Sons soigneusement sélectionnés.

Le 1er septembre : Tiers – Aveugle (prod. General)

Qui prétend faire (chroniquer) du rap sans prendre position ? Tiers, ancien membre du groupe Bouchées Doubles, qui semblait s’être retiré du game pour se consacrer à ses activités de mangaka, ne pouvait rester sourd ou muet face au drame qui se déroule à Gaza et a repris le mic avec le titre « Aveugle ». Ce morceau aurait d’ailleurs pu faire partie de notre sélection 10 Bons Sons sur la Palestine. Depuis deux ans, la réplique israélienne est sans relâche et le Havrais ne peut que déplorer que les Palestiniens revivent « le 7 octobre toute l’année ». En dépit de l’aberration de la situation, la colère est froide, l’indignation profonde et l’interprétation se veut davantage chantée que rappée, en accord avec le piano qui accompagne le texte plein de lucidité (« C’est compliqué pour les réfugiés de se réfugier »). Ajoutons que Tiers a eu bien du mal à sortir son morceau sur les plateformes… Vivement que ce génocide cesse et qu’on n’ait plus à entendre ce genre de titre. – Chafik

Le 5 septembre : Infinit’ – Inf is back (prod. Furio)

En 2020, Infinit’ frappe fort avec un freestyle G-Funk lâché lors du Red Bull Challenge, si marquant qu’il finit par l’intégrer à son album Ma vie est un film II. Dans le même registre, et après avoir sorti sa mixtape Mr Le Faire en février dernier, l’artiste est revenu début septembre avec Above the Dream, un projet de cinq titres dont la pochette et le nom rendent hommage à Above the Rim (1994), classique du cinéma de rue porté par 2Pac, et doté d’une B.O. west coast signée Death Row. Ici, le rappeur niçois fusionne le lifestyle du Sud-Est avec l’ADN californien : basses rondes, synthés lumineux et clins d’œil appuyés au son de Los Angeles. Dès l’introduction, « Inf is back », le ton est donné : synthés puissants, refrain chantonné et une caisse claire percutante qui démarre à la fin du premier couplet. Un EP court mais dense, idéal pour prolonger l’été avant de replonger dans la saison des doudounes et des capuches. – Olivier

Le 11 septembre : Moïse The Dude – Républicain (prod. Roro)

Le Dude est de retour, à nouveau accompagné de Roro aux prods pour un EP court et efficace intitulé Da Croona 2, suite d’un premier opus entre les deux, sortis en 2022. Comme Jeff Nichols dans le film de frères Coen, Moïse n’est pas là pour s’embarrasser des émois de ses pairs. Comme sur le morceau « Républicain », il rafale sur tout ce qui bouge entre l’industrie du rap et une société qui s’ultra-droitise chaque jour un peu plus. Il fait tout ça avec nonchalance, mais chaque impact touche. Sur des productions trapisantes de Roro, Moïse est à son aise pour asséner ses phases et défendre ses idées sans passer par quatre chemins et ça fait du bien à entendre dans un rap français parfois un peu trop aseptisé. – Rémi

Le 18 septembre : Okis & Mani Deïz – La faute à pas de chance

Les titres drumless (comprenez sans batterie) connaissent un regain de production ces derniers mois, laissant davantage de place à la mélodie et au rappeur pour briller, souvent dans un registre planant. Ce n’est pas le cas de « La faute à pas de chance », dont le sample puissant accompagne un couplet nerveux et inspiré d’Okis, qui ouvre Triple Crème, dernier volet de la trilogie d’EP réalisés en collaboration avec le beatmaker Mani Deïz, orfèvre du sampling et OG de la production dont nous vous parlons régulièrement depuis les débuts du Bon Son en 2012. Doté d’un texte doux-amer et truffé de références, « La faute à pas de chance » illustre bien la complicité et la complémentarité qui unissent désormais le rappeur lyonnais et le beatmaker essonnien. Enfin, pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur l’extrait de fin, il s’agit d’un commentaire mythique diffusé sur OL TV lors d’un derby Lyon–Saint-Étienne en 2008, expliqué ici. – Olivier

Le 19 septembre : St-Saoul, Tchiki’O & Madizm feat. DJ Horg – Scène 1 : paradis bancal

Voilà une connexion Québec – France comme il n’en existe que trop peu. Le producteur Madizm chapeaute cette collaboration entre deux revenants : St-Saoul qui avait pendant longtemps disparu des radars, et Tchiki’O (a.k.a Diomay) qui vient de renaître sous ce nouveau pseudonyme. L’ambiance est volontiers cinématographique : samples vocaux, piano tragique et écritures imagées. Comme le dit St-Saoul : « C’est comme le studio Ghibli pour les racailles« . Une très belle introduction pour cet EP de revanchards où l’on retrouve même Zoxea. – Jérémy

Le 26 septembre : Lesram feat. Limsa d’Aulnay – Austin Powers (prod. Neophron, Rosaliedu38 et Selman)

Évidemment que ce feat été attendu par les fans de rimes et de kickage en règle. Et nous même nous savons qu’il y en a beaucoup (trop ?) dans les auditeurs de rap français actuellement. Force est de constater qu’ils ne nous ont pas déçus, de la rime en multi, du passe-passe, des références et des images à chaque détour de rimes. Les deux rappeurs ont chacun eu leur Grünt qui ont marqué les esprits, ils étaient tous les deux dans une vidéo de Raplume avec Souffrance et ZKR pour montrer comme ils rappent bien, on a bien compris le principe. Si ça vous suffit le morceau fait le taf et les fans seront ravis. Mais pour ceux qui attendaient un effet de surprise sur ce morceau passez votre chemin vous serez déçus. C’est bien fait et propre (trop ?). – Rémi

Le 26 septembre : OgLounis & Johnny Ola feat. LEDOUBLE – La Veine

En cette fin du mois de septembre, la plus grosse goutte de sang qui coule dans la veine nîmoise, j’ai nommé OgLounis, a sorti Je brille quand même. Huit titres entièrement produits par Johnny Ola de l’écurie Goldstein, avec deux invités de grande qualité : le roi de la crème et prince de Gerland, Okis et le maire de Montpellier, LEDOUBLE. Un projet qui suit la tendance actuelle chez les gros rimeurs, c’est à dire quasiment que du drumless, peu ou pas de refrain et on y va, on découpe sale. Résultat : un no skip croustillant qui complète parfaitement le précédent opus, pour ceux qui comme moi étaient restés sur leur faim. – Clément

Le 26 septembre : Ron Brice & Vanvan le Forban – Le soleil se lève à l’est

L’ambiance est jazzy à souhait sur ce nouvel EP de Ron Brice. Sur « Le soleil se lève à l’est », son écriture se fait à la fois descriptive et introspective, comme s’il se donnait des conseils à un lui-même plus jeune, en quête de réussite. Quelques élans poétiques ponctuent le tout, dans un lexique météorologique volontairement allégorique. La diction est claire, le flow posé, en résulte une ambiance tranquille, presque native tongues, malgré la dureté des épreuves traversées. La touche d’espoir suffisante est présente pour continuer à avancer : « Lève ta tête, le soleil se lève à l’est ». – Jérémy

Le 26 septembre: Guizmo – T’challa (prod. Lil Ben)

La semaine dernière marquait déjà les quatorze ans de Normal, premier album de Guizmo. Au cours de sa carrière, l’artiste s’était lancé un défi de taille : sortir au moins un album par an, parfois même deux. Un rythme effréné qui lui a valu une réputation de stakhanoviste. Mais depuis 10 ans, paru en décembre 2021, le rappeur de Villeneuve-la-Garenne s’était fait plus discret. Cette année, un featuring aussi inattendu que réussi avec So La Lune est venu rallumer l’enthousiasme des fans, rappelant toute la force de frappe du « renard ». Et c’est finalement fin septembre qu’il vient de signer son grand retour en solo avec « T’Challa », un morceau puissant produit par le beatmaker Lil Ben, et sorti sur la structure Slimak Production. Guizmo semble, au même titre que sa communication sur les réseaux, marquer la fin de sa longue aventure avec le label Y&W. Avec cette chanson qui rappelle les meilleures heures de Guizmo, tout porte à croire qu’une nouvelle ère vient de débuter. Elle devrait d’ailleurs déboucher sur un nouveau projet long format, attendu avec impatience par ses fidèles auditeurs. – Jordi

Le 26 septembre : La Fouine & Fresh laDouille – 3x filtré (prod. Biggiejo)

Les succès du premier volet remarqué de Capitale du Crime Radio, paru il y a dix mois, puis de l’album État des lieux de La Fouine en début d’année, s’expliquent par le retour en grâce de sa formule à la fois mélodique et hardcore, par une direction artistique claire, mais aussi par un choix minutieux des nombreux invités que contiennent ces deux projets. Parce qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud, Laouni n’a pas chômé et a livré, fin septembre, Capitale du Crime Radio Vol. 2, avec, encore une fois, une pléthore de featurings – de Leto à Dosseh, en passant par Himra, Gradur ou Da Uzi. Pour Fresh laDouille, connu pour son goût pour la drill nerveuse, son débit hypnotique presque étouffant, et ses lyrics au ras du bitume, La Fouine est allé lui chercher une production sur mesure et s’est essayé lui aussi au genre, pour une combinaison moins attendue, mais au résultat réussi. La performance de Fresh laDouille, dont l’album paru en juin dernier a pu sembler un peu convenu et formaté, ravira sans doute son public, celui-là même qui l’a découvert avec sa série de freestyles La Douille. – Olivier

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