Entretien avec L’ami Caccio, un salopard qui vous veut du bien

L’ami Caccio du groupe Tous Salopards vient de sortir son premier album solo Squadra. L’occasion de revenir avec sur lui sur ses débuts dans le rap, son groupe Grande Instance formé avec Hermano Salvatore, la constitution de Tous Salopards, la vie de groupe, la création de son LP Squadra, Kalash L’Afro, la Fonky Family, le chant. Entretien confiné avec L’ami Caccio qui va toujours droit au but.

Commençons par le commencement, quel est ton premier souvenir de rap ?

Oh lala… (Il réfléchit) Mon premier souvenir de rap remonte, je devais être en CM1, c’était « Le Mia ». Et aussi un morceau de Westside Connection sur une compil de dance en 1995. Après c’est assez flou parce que c’est très ancien et que je ne captais pas à l’époque que c’était du rap. On écoutait Scatman, il était dans le futur lui. (rires) Il y a eu les premiers sons de Snoop Dog aussi avec « Snoop’s Upside Ya Head » qui m’a marqué. Voilà les premiers souvenirs de rap que j’ai.

Après j’y suis revenu au début des années 2000, par deux amis, Driss et Nassim, qui m’ont mis très rapidement dedans avec la West Coast. On appelait ça le gros son (sourire), avec Soopafly, Too Short, Snoop. On était très imprégnés par la West Coast dès le début. Avant même de se prendre la vague New York ou le rap français.

Et de là tu t’es mis à rapper ?

Au début on avait un logiciel qui s’appelait Hip Hop Ejay, on faisait des instrus dessus, avec mon pote Driss. Avec nos premiers dictaphones, on s’amusait à clasher les collègues en impro, sur des sons d’Eazy E, etc. Mais plus sérieusement, c’est quand j’ai rencontré Hermano Salvatore. On était au lycée ensemble et lui avait déjà enregistré des trucs. De là, on s’est mis à enregistrer chez lui. Notre premier morceau on l’avait posé sur un son que j’avais fait sur Fruity Loops et par la suite on a créé le groupe Grande Instance en 2003 avec lequel on a sorti quatre projets. Le premier, Pensée profonde, on l’avait balançait sur le net, c’était un petit EP. Faudrait que je le remette sur YouTube.

Tu penses assumer votre niveau de l’époque ?

Sans problème. De mémoire, on l’avait enregistré dans deux bons studios à Marseille. Dessus, on avait Kalash L’Afro, Berreta, La Swija, Jo Popo, RPZ, il y avait du beau monde, des rappeurs solides. Et en toute honnêteté, pour l’époque, on était en 2008, on n’était pas malins dans la manière de se mettre en avant sur les réseaux parce que c’était tout nouveau et qu’on était plus un groupe de terrain. On faisait beaucoup de scènes, à ce niveau-là on était très sérieux, on avait gagné des concours comme Planète Jeune, les Class Rock, on a fait le Dôme, le Festival des Vieilles Charrues. Le rap pour nous à cette époque c’était la scène et non internet.

Suite à l’aventure Grande Instance, vous rencontrez les gars avec lesquels vous allez former Tous Salopards.

Grande Instance connait une petite pause quand Hermano monte sur Paris. Puis on se remet au son vers 2009-2010. On monte un studio chez Hermano et quand on commence à enregistrer un projet, il y a toute une équipe qui gravite, qu’on invite, pour le plaisir de partager, c’est le côté hip-hop. Dans chaque projet Grande Instance, tu retrouvais Aksang, Assono, Yul, Tetris, etc. Donc on a assez rapidement rencontré tout le monde. C’est un collègue, Desh, qui travaille chez Beat Bounce, qui nous avait fait la remarque parce qu’on était toujours 12 : « Vous devriez vous appeler les Douze Salopards ». De là on a monté le collectif qui est devenu un groupe et toute l’histoire de Tous Salopards a suivi avec Bouillabaisse et Olympe.

Récemment Tetris Syzif a sorti un solo (lire notre article), Poz et Hermano Salvatore balancent régulièrement des morceaux, tu viens de sortir Squadra, je suis obligé de te demander où en est le groupe Tous Salopards ?

C’est une vraie question et la réponse est simple : aujourd’hui le groupe en est nulle part, disons-le clairement et simplement. On a les problèmes que 100% des groupes rencontrent je pense. Aksang résume bien la situation dans un morceau, de Squadra d’ailleurs, qui potentiellement pourrait être un des derniers morceaux du groupe, il dit que Tous Salopards c’est de passage. Tous les grands groupes qu’on connait se sont tous disloqués, même si les mecs se respectent encore, se fréquentent pour un certain nombre d’entre eux. Mais les problèmes d’ego internes à un groupe, les problèmes artistiques, les problèmes humains sont nombreux. Tout le monde évolue surtout et tu n’arrives plus à travailler en groupe. En plus, on avait mis la barre haute parce qu’on est quand même huit dans Tous Salopards. Tu n’imagines pas le boulot, les discussions… On a beaucoup de bons moments qui font qu’on se rappellera certainement que de ça, mais il y a eu quand même des moments difficiles… Kamelnight le disait, il trouvait que c’était rongeant d’être en studio avec nous parce que tu penses passer un bon moment et il y a beaucoup plus de débats que de musique… Pourtant ça part d’une bonne intention parce que tout le monde veut bien faire, mais inconsciemment, il y a toujours cette part d’ego, et moi le premier, qui fait que tu penses savoir ce qui est mieux, donc tu veux imposer un truc. On a un ego surdimensionné, on est des rappeurs. Si t’es prêt à monter sur scène devant 20 personnes ou 2000, c’est que tu estimes que ce que tu as à dire vaut le coup que les gens s’arrêtent et l’écoutent. C’est de l’ego et on en a tous. Donc c’est toujours compliqué et Tous Salopards ça en est là aujourd’hui.

Faire le morceau « Locaux », avec Tous Salopards donc, ç’a été difficile ou au contraire, vous étiez contents de vous retrouver, vu que vous faites moins de morceaux tous ensemble ?

A la base, DJ Djel contacte le groupe parce qu’il préparait une mixtape trap et nous demande si on a un morceau à lui proposer. Pour nous Djel, c’est le tonton, quelqu’un qu’on apprécie, qui a fait des choses assez notables pour nous, donc on répond cash ! On se voit cash ! On fait le son cash ! C’était il y a quelques temps, on était dans la continuité de Olympe. Finalement, cette tape ne sort pas. Et quand je prépare l’album, le morceau me plaisait, d’autant plus que je voulais inviter Djel sur le projet. Donc je vois avec lui étant donné que c’était un inédit pour lui et qu’il était compliqué pour moi de réunir tous les Salopards sur une session. Je lui demande d’intégrer le morceau, il est venu en studio, il l’a ambiancé et « Locaux » s’est retrouvé sur le projet. C’était un des premiers morceaux de l’album d’ailleurs. Avec son côté trap, il a donné une impulsion, parce qu’il correspondait à ce que j’avais en tête en terme de vibe.

Pourquoi tu n’es pas arrivé avec un voire plusieurs EP afin d’installer l’entité L’ami Caccio avant de balancer l’album ?

C’est une bonne question. Pour tout te dire, je vais être très honnête. On avait fait un morceau avec Hermano, pour un projet à lui, qui n’est pas sorti finalement, qu’on avait même clippé et ce jour-là, dans ma tête, j’étais en pré-retraite. Mais j’avais kiffé le morceau et je me suis dit que c’était un peu con que je n’aie pas un projet à moi en pas loin de 20 ans de rap. Je me suis dit que c’était un peu une défaite. Donc au départ, je suis parti pour faire un EP de 4-5 titres, le mettre sur les plateformes et me casser. Même pas le promotionner, rien à foutre ! On a commencé à bosser avec Hermano, de fil en aiguille, vu que je produis assez vite, qu’Hermano et Poz ainsi que tous les beatmakers du projet avaient de la matière à me donner, on a plié ça assez rapidement. C’est le mix qui m’a pris le plus de temps. Donc ce n’était pas calculé de débarquer avec un album. Je n’arrive pas avec une stratégie de promotion intelligente, je n’envoie pas de capsules pour monter la sauce, j’ai créé un Instagram un mois et demi seulement avant la sortie de l’album. Je savais que l’impact en termes de ventes, si on doit dire le terme, serait pas fou, mais ce n’était pas mon objectif premier pour tout te dire. Le but c’était de poser un projet de A à Z dans le circuit, par pur égoïsme, pour le kif.

Tu es donc arrivé directement avec un LP plutôt qu’un  EP, il y a 15 morceaux dans l’album, des morceaux avec 3 couplets, visiblement, tu avais des choses à dire…

Quand tu travailles en groupe, à 8 pour notre cas, et que tout le monde veut être sur le morceau, tu fais des tout petits couplets. Après l’album tourne beaucoup autour d’un thème, c’est pour ça qu’il s’intitule Squadra, parce que je pense que c’est ce qui correspond le plus à la vie d’un gars de notre âge. Et en vérité, j’ai encore des choses à dire. Je pense que j’ai bien synthétisé ce que j’avais envie de dire sur le moment. J’avais besoin de dire par mal de choses. Je n’ai pas l’ambition d’être le plus bankable des Salopards, et ce n’est pas le cas, il faut se le dire. J’avais vraiment une démarche personnelle, un besoin.

Tu as beau être rapide, passer de rappeur de groupe à rappeur solo, ça a dû allonger le processus d’écriture ?

C’est un exercice différent. J’ai beaucoup écrit à la maison, chose que je n’avais jamais faite auparavant. J’ai toujours écrit en studio parce que j’écris assez vite. Après je n’ai pas la plume d’Hermano, ou de Baudelaire ou de Voltaire, j’en ai conscience. J’ai toujours considéré que dans le rap, il y avait les paroliers, les lyricistes et les kickeurs. Je ne suis pas un lyriciste. Je me vois plus comme un mix entre un kickeur et un parolier. Je ne suis pas à fond dans la multisyllabique, j’écris beaucoup à l’instinct, j’aime beaucoup l’impro aussi, donc ça m’a aidé. C’est vraiment le mix qui m’a pris du temps parce que c’est une étape dont je ne me suis jamais trop occupé depuis que je rappe.

Squadra est ton premier album solo mais c’est aussi une affaire de famille, étant donné les prods et les featurings. D’ailleurs le morceau qui donne le nom à l’album, c’est un morceau avec un feat.

Tout à fait. C’est une conclusion même ! C’était un parti pris. Le morceau « Squadra » devait être soit l’intro soit l’outro. Mais je trouvais que c’était plus pertinent en outro parce que dans le cheminement de l’album, on commence assez négativement sur les problèmes au sein d’une équipe avec les morceaux « Mercato » et « Solo », qui est l’antithèse de « Squadra » d’ailleurs, et au fur et à mesure des morceaux, on se resserre. L’album débute avec une embrouille bidon, de tous les jours et après avec il y a tous les messages, les interludes, arrivent les morceaux de plus en plus fédérateurs. Et l’album se termine sur « Squadra » qui est un hymne à l’équipe.

Kalash L’Afro, c’est un des rappeurs qui m’a le plus inspiré en rap français. Sans trembler, je te le dis clairement. Je trouvais que c’était le top du top pour un artiste d’inviter celui qui l’a le plus inspiré dans son projet, qui plus est lui laisser terminer le projet. C’était presque un honneur, d’autant qu’il a vraiment déchiré l’instru. Lui et son groupe Berreta, c’était vraiment le groupe par excellence de chez moi, qui a ouvert des portes au rap hors Marseille à Marseille (NDLR : le groupe Berreta vient de Berre l’Etang, près de la cité phocéenne, d’où est originaire L’ami Caccio).

Autre particularité de l’album, c’est ton attrait pour les refrains, les ponts chantés ainsi que les phases chantées qui répondent à des phases rappées, une sorte de « passe mi-rappé mi-chanté ».

La facilité que tu as quand tu travailles un album solo c’est que tu peux aller où tu veux. Les refrains, j’ai toujours aimé ça. Mais quand tu travailles en équipe, tu ne vas pas faire les refrains de tous les morceaux. Donc dans cet album, je m’en suis donné à cœur joie. On a utilisé un peu d’autotune, des reverb’, des effets classiques, des saturations. Après avec le temps, on maîtrise un peu plus ces outils-là. Et on n’a pas honte de les utiliser. Parce que c’est un peu tabou quand tu fais du rap dit « indé ». Faut toujours qu’on roule en Clio I et qu’on vive dans les égouts, sinon on n’est plus crédible. Hermano disait « C’est plus facile de rester vrai quand tu n’as rien », il a raison. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que pour du rap dit conscient, c’est bien d’amener une sauce un peu plus fraîche. Parce que ça va un peu de manger de la salade mais si tu as envie que les gens la mangent, il faut l’assaisonner comme il faut. Je ne m’adresse pas qu’à des vieux. Si c’était le cas, ça ferait longtemps que j’aurais arrêté de rapper et qu’il n’y aurait plus personne dans les concerts. Je m’adresse à tout le monde. Donc je me suis vachement amusé. Tu sais les artistes phares qu’on écoute, les Kendrick Lamar, les Scylla, sont très bons et ils chantent. Prends SCH aujourd’hui : il allie la plume, je l’assimile à un Furax des temps modernes, et musicalement c’est un monstre ! Il est fort sur ses refrains, il est très efficace sur ses vibes. Pour moi, le chant ça fait partie de la musique, c’est obligatoire.

Tu assumes donc de chanter, on en apprend beaucoup sur toi aussi dans l’album mais il y a une certaine pudeur parce que tu évoques certains thèmes sans les approfondir. Je pense à ton identité italienne, à la religion, aux femmes.

Je suis pacsé, quasi marié donc je suis très heureux à ce niveau-là, je ne ressens pas le besoin d’en parler. C’est du registre de l’intime pour moi. Certains aiment en parler, d’ailleurs j’aime bien l’écouter chez les autres, mais je ne suis pas sûr d’être capable de bien le faire moi. Ce sont des choses délicates. Moi j’aime le rap dur, même si ce n’est pas forcément ce que je fais, le rap avec une empreinte vocale solide et des thèmes durs. J’aime la rue dans le rap.

Sur l’identité, je suis d’origine italienne, mon blaze c’est un morceau de mon nom de famille. Après je ne parle pas italien couramment, je n’y vis pas, j’y vais pour les vacances. Ça serait malvenu de se faire passer pour plus italien que je ne suis. Mais je suis à 100% pour la squadra italien !

On a tous nos défauts (rires) !

Et sur la religion c’est un sujet très délicat. Je suis croyant, on a du respect pour ces choses-là, on ne peut pas les aborder avec légèreté. Mais il y a quand même le morceau « Si Dieu ne veut pas » dans lequel je dis « Pour le croire, il ne suffit pas de le voir ». C’est malheureux mais de nos jours pour croire les gens ont besoin de voir les choses. Donc la religion ce n’est peut-être pas à évoquer dans un morceau…

Tu utilises tout un argot marseillais, populaire (TB, haramistes) et dans le morceau « Déterminé », tu utilises l’expression « payot » qu’on utilise à Marseille. C’est un terme plus que péjoratif…

(Il coupe) Ça l’est

C’est un peu comme le terme « iencli »…

Payot vient du gitan. Pour un moi un « payot » c’est ce qu’on appellerait un boloss à Paris. La définition que je donne au terme c’est quelqu’un d’un peu peureux, un peu pleutre. Et c’est devenu quelqu’un qui veut se faire passer pour un voyou alors qu’il n’en est pas du tout un, mais qui en fait trop. Dans le morceau « Déterminé », on parle d’un mec qui a vrillé et on se rend compte dans son attitude, qui ne supporte pas la pression, mais les gens vont en faire une légende parce qu’il a fait une action de fatigué.

Ce personnage dont tu parles dans le premier couplet du morceau « Déterminé » fait penser au rôle interprété par Titoff dans le film Comme un aimant.

C’est ça, exactement. Un tchatcheur. Après Titoff dans le film c’est quand même quelqu’un qui côtoie un peu le quartier, qui connait un minimum les codes.

Squadra dans son ensemble est un hommage au rap, sur le format, avec intro, outro et des interludes, un hommage via les références à la F.F., à Carré Rouge, à Puissance Nord, à Kalash L’Afro, à ton équipe, au rap US aussi avec Snoop et le WU, mais quasiment pas de réf au rap parisien.

Alors je cite Oxmo dans le projet quand je dis « Je suis l’enfant seul dès le départ mais pas celui de Puccino » et ça poussera peut-être les gens à écouter ce qu’a fait Oxmo, parce que tout le monde ne le sait pas. Après par rapport au rap parisien, je pense qu’on a une mentalité un petit peu différente. Peut-être que je me trompe. Mais ce qui m’a toujours sauté aux yeux, c’est qu’à Paris, il y a une vision un peu plus business du rap, un peu plus professionnelle. Et quand tu fais une connexion, un couplet, ça se monnaie. Ça a peut-être changé. Moi c’est quelque chose que j’ai toujours refusé. Mais la position inverse se respecte. A Marseille, on ne va pas te faire payer, tu vas juste galérer 6 mois pour avoir ton morceau. (sourire) Mais du rap parisien de qualité j’en ai écouté, des NTM, des Sinik, Booba, Rohff, je peux t’en citer des tonnes. Aujourd’hui encore, un Guizmo est solide. Mais ce projet c’est du fait maison.

Faisons une parenthèse sur la F.F. parce que c’est un groupe important dans le rap français, marseillais et dans ton parcours. Tu les as découverts à partir de Si Dieu Veut ? D’Art de rue ?

Je ne vais pas faire l’ancien, contrairement à certains qui ont 25 ans et qui te disent qu’ils les écoutent depuis Si Dieu Veut. Des cousins m’ont fait découvrir Art de rue en allant au stade Vélodrome, c’est comme ça que j’ai écouté mon premier morceau F.F. et après ils m’ont dirigé vers Si Dieu Veut, ils m’ont gravé l’album… Et j’ai kiffé de ouf ! Mais je suis plus de la génération Art de Rue.

Je dois être un peu plus âgé que toi et j’avais été un peu déçu par Art de rue, qui était plus calibré, plus formaté. Et puis ils avaient été en embrouille avec IAM, j’avais choisi mon camp, celui d’IAM (rires)

F.F. c’est un groupe qui nous a beaucoup beaucoup inspirés. D’ailleurs ce n’est pas pour rien que j’invite Djel. Avec Tous Salopards, on se permettait la comparaison, mais de manière très humble, jamais dans la qualité ou autre chose. Mais dans l’esprit par exemple, notre premier album Bouillabaisse, on avait la furie et la foi. Et ça se ressent dans l’album. Peut-être qu’il est moins bien que notre second, qui est un peu plus « mainstream » comme ce que tu disais d’Art de rue à l’époque, mais il a quelque chose de rap, de pur. C’est le cheminement classique d’un groupe, tu veux t’améliorer dans ta musique, tout en gardant du contenu. Mais en effet, quand j’écoute Si Dieu veut et Art de rue, je ressens ce que tu ressens. Sur leur premier, il y a une hargne différente, une fougue de la jeunesse, un discours très tranché. Art de rue est plus réfléchi, plus adulte. Mais pour ceux qui ont découvert F.F. avec Art de rue, c’était une gifle atomique, ils racontaient notre vie !

L’album est bon quand même, avec « Imagine », « Filles, flics, descentes », « On respecte ça ». Même leur dernier album Marginale Musique, qui est sûrement le moins bon des trois, comporte de bons morceaux alors qu’il a été fait dans un climat délétère d’après Sat (lire notre interview). L’auditeur en vient à kiffer des morceaux alors que les artistes n’en sont pas fans.

Ça te prouve qu’un morceau ne t’appartient plus quand tu le fais. Quand tu penses avoir fait un truc qui tue, assez souvent on est déçu et quand on n’a pas trop conscience de ce qu’on a fait, on nous dit que ça déchire. On avait fait une série de freestyles avant de sortir Olympe intitulés « Le Tous 1 » et « Le Tous 2 ». Le premier, on l’a fait sur un terrain de foot et le second, on le fait à la neige. Pour nous, le 1, c’était une petite capsule et le deuxième c’était la frappe. Finalement « Le Tous 1 » a éclaté « Le Tous 2 ». (Sourire)

Vous avez été influencés par la F.F. et celui qui incarne le plus cette ascendance aujourd’hui, c’est Jul, quoi qu’on en dise…

Je te dis oui ! Quand F.F. est arrivée, les anciens les ont vus comme des jeunes qui faisaient un rap moins qualitatif que ce qui se faisait avant. Toutes les générations ont craché sur les générations suivantes, tout le temps. Pareil pour ceux qui pensent que le rap doit être engagé. Si je reviens aux débuts du rap, les block party c’était lever les mains, danser et boire un coup. C’était des ambianceurs les maîtres de cérémonie. Si tu reprends le rap des débuts et je vais me faire déchirer mais je m’en tape, c’est plus proche de ce que fait Jul sur certains bangers. A côté de ça il est capable de faire des vrais morceaux à thème. Je me rappelle l’avoir vu freestyler à Radio Galère, avec 30 MC’s, et il avait déchiré tout le monde ! Et ce n’est pas un gamin, il rappe depuis très longtemps.

Revenons sur l’album et le morceau « Azzura », qui m’a fait penser au couplet de Koma dans « Stupéfiant » mais surtout à « Euh » d’Akhenaton et Faf Larage.

Tu vois dans Tous Salopards, Hermano Salvatore est très porté sur word play, il en a montré l’exemple aux Rap Contenders, et c’est un exercice de style auquel je ne m’étais jamais vraiment trop prêté. Alors c’est peut-être le max que je suis capable de donner et quand je suis arrivé en studio je n’étais pas trop confiant. Hermano a fait l’enregistrement, Assono était là aussi et ça l’a fait. Le morceau a failli être l’intro de l’album d’ailleurs et a été la première capsule qu’on a envoyé.

On arrive à la fin de l’interview, tu me dis quel est le bon son que tu écoutes en ce moment ?

(Il réfléchit puis jette un œil sur son téléphone.) Alors d’après ma playlist, il y a « Hassan II » de Kofs, vraiment méchant ce morceau sur son dernier projet. Et en Rap US « Lock it up » d’Eminem et Anderson .Paak.

Alors on aurait dû se rencontrer, mais confinement oblige, on a fait cette interview via Skype. Comment se passe pour toi cette période ?

Télé travail, j’écris un peu pour de nouveaux sons parce que j’ai reçu des prods, tranquille.

Tu penses que cette période va être fertile pour toi au niveau créatif ?

Pas trop, parce que je ne le vis pas mal le confinement (interview réalisée le 19 mars, après quelques jours de confinement). Et je n’aime pas surfer sur l’actualité. Donc ça va, je bosse, je m’occupe, j’ai des réserves sans avoir fait les courses comme un fatigué. Franchement je m’en tartine l’oignon.

Et ça ne coupe pas les conditions de sortie et de promo de ton projet ?

On m’a dit pareil mais les gens n’ont jamais été autant sur leur téléphone qu’aujourd’hui, donc au contraire. Après ça va me bloquer sur les actions, c’est-à-dire aller tourner un clip, aller enregistrer de la nouveauté, mais il y a des solutions.

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Chafik

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