Discussion avec Luc de Crocodisc, figure du rap diggin sur Paris

Les années 90 avaient Dan de Ticaret, les années 2000 / 2010 ont Luc de Crocodisc. Vendeur mais surtout conseiller depuis 2004  chez Crocodisc, Luc s’est fait un nom durablement dans le monde du rap diggin sur Paris. Chez lui, chaque achat de perle rare se transforme en discussion sans fin, et l’on repart souvent avec des galettes supplémentaires de sa réserve, mais surtout des découvertes, des souvenirs, des anecdotes dans tous les sens et il n’est pas rare de voir certains collectionneurs débarquer dans la boutique pour le rencontrer. Premières éditions, rééditions, samples, mixtapes, influences, musiciens, sa soif abyssale de la connaissance de la musique l’a fait devenir un spécialiste connu et reconnu par amateurs et professionnels. Discussion.

Tu es une figure du diggin pour beaucoup de collectionneurs sur Paris. Peux-tu te présenter un peu plus en détails ?

Luc : C’est gentil, je ne le savais pas ! Que je me présente ? Donc je vais me présenter en deux phases : ma phase personnelle et ma phase professionnelle liée à Crocodisc. A titre perso, j’ai toujours été dans la musique, auditeur, j’ai toujours aimé ça. Mon premier disque, j’ai du l’acheter à 13 ans.

Tu te souviens lequel c’était ?

Luc : Oui, bien sûr ! Ça c’est le genre de truc… Je me souviens de mes 5 premiers disques, après je ne me souviens plus ! “The number of the beast” d’Iron Maiden. Ensuite ça a été “Killers”, toujours d’Iron Maiden, après ça été “If You Want Blood You’ve Got It” d’AC/DC, “Highway to hell”, “Screaming for Vengeance” de Judas Priest et après je sais plus. A l’époque, j’étais un petit hardos. Je suis né à Paris, j’ai jamais bougé, j’ai cette chance d’habiter toujours sur Paris. Après, j’ai fait des études de journalisme pendant quelques années, en culture et société. Quand mon journal s’est cassé la figure, j’avais un socle alimentaire, je faisais des piges à droite à gauche, après le 11 septembre bizarrement d’ailleurs, il y a eu un gros problème niveau rentrées publicitaires donc plein de journaux ont fait du ménage, et ont coupé dans ce qui coûtait le moins cher pour eux, c’est-à-dire les pigistes.

Des piges dans la musique ?

Luc : Au sens large du terme, c’est-à-dire que je m’occupais d’expos, de concerts, de théâtre. La musique a toujours été mon kif, si j’avais pu en vivre, ça aurait été génial. C’était mon violon dingue la musique, j’ai toujours aimé ça.

Tu en as fait ?

Luc : J’ai essayé (sourire), j’ai perdu beaucoup de batailles contre ma guitare ! Un jour, peut-être que je gagnerai la guerre ! J’ai pas lâché l’affaire, tant que j’ai pas d’arthrite… Je ne suis pas forcément doué pour la musique en tant que créateur donc j’ai essayé de l’être en tant qu’auditeur. Je n’ai pas d’univers musical particulier, j’écoute de tout, j’ai des choses que je préfère, évidemment, où je me débrouille mieux. Et pour revenir à ce qui nous intéresse, comme beaucoup de ma génération, petit blanc hardos, j’ai découvert le rap par Run DMC, l’album où il y avait Aerosmith (NDLR : “Raising Hell”). Donc je découvre le rap en 86, j’ai bien aimé ce groupe-là, malgré les années 80’s où c’était une époque où c’était des tribus musicales très ciblées ; quand t’étais dans une, il fallait pas être dans une autre, ou en tout cas fallait pas dire que t’écoutais autre chose. Quand c’était pas trop éloigné, si t’écoutais du hard et du punk, ça passait. Mais si t’écoutais du hard et du reggae, pour les autres hardos, ça passait pas ! Comme j’ai aimé ça, j’ai gratté un peu ; j’ai écouté les deux premiers, toujours très rock, Public Enemy pour la démarche. A cette époque-là, je suis tombé dans le punk alternatif, dans le punk français. J’ai pu être un peu acteur, c’est un petit monde donc j’ai traîné avec des groupes au service d’ordre, service de presse, des trucs comme ça. Donc en plus du hard, du rock en général, du punk et du reggae, le rap est arrivé et a commencé à s’installer dans ma discothèque de manière permanente. Bien sûr, dans les années 90, dans ce que j’aimais, ça s’est un peu étiolé en métal ou en punk, c’était plus vraiment ça. Il y avait de temps en temps des bons trucs, par contre, le rap était en pleine ascension, et ça a été le rap que j’écoutais le plus. Tout en écoutant ce que j’écoutais avant, mais il y avait peu de choses qui venaient se rajouter dans les nouveautés. Par contre, je découvrais des trucs anciens que j’avais ratés. A force, comme dans tout style, tu as fait la surface, après, si tu aimes, tu ne vas pas te contenter de la surface, tu vas commencer à creuser, il y a un côté un peu archéologue ou paléontologue, au choix. Tu creuses, tu creuses pour remonter toutes les strates, tu reviens aux sources. C’est pour ça qu’en rap, il y en a qui reviennent à la funk, après au jazz, au métal, tu reviens au rock, au psychédélique etc. Si tu es ouvert et que tu aimes ça, tu veux prolonger ton plaisir et donc tu vas dans les autres branches. Le rap me plaisait déjà et m’a plu de plus en plus, c’était facile à l’époque. Dans les 90, il y avait des déchets mais il y avait tellement de trucs monstrueux qui sont arrivés, il y en avait trop même, on ne pouvait pas faire face à tout ! Niveau budgétaire, c’était pas possible. Après, à cette époque-là, j’ai commencé à travailler donc je diggais un peu moins. A partir de 95, je centrais mes recherches sur deux-trois endroits très précis , et je continue toujours, je suis toujours collectionneur. Je trouve de moins en moins de choses que je cherche, sans prétention, parce que maintenant pour certains trucs ça devient très très tendu. Et de temps en temps, il y a des trucs nouveaux qui m’accrochent l’oreille, mais bon c’est un petit peu moins la folie furieuse qu’avant. Il y a des trucs dans le rap actuel, pour lesquels j’ai des difficultés à accrocher. D’ailleurs, dans mon parcours en rap, je ne suis pas du tout West Coast, je ne suis pas du tout Sud. Je les connais. Là je rentre dans ma partie professionnelle Crocodisc. Quand à la suite de ça j’ai galéré pendant deux ans, il y a une place qui s’est libérée, eux me connaissaient sous l’angle rock parce que je n’achetais pas grand-chose en rap chez eux, j’allais plutôt à Sound ou Ticaret…

Crocodisc existe depuis… ?

Luc : 1978 ! Il y a eu un rayon rap tenu par un gars qui était plutôt pas mauvais du tout. Et donc ils ne me connaissaient pas sous l’angle rap à la boutique. “Le problème c’est que c’est le rap et le R&B qui se libèrent, c’est pas vraiment tes trucs”, j’ai dit “Ben non, il n’y a pas de souci ! Le R&B, non pas trop, mais le rap il y a pas de problème”. Ça c’est quand j’ai débuté à Crocodisc en 2004. Le rap français, j’ai pu le suivre, pas de manière aussi impliquée que le punk français, mais comme tout style naissant, c’était un petit monde. Donc il y avait pas énormément d’endroits, tu croises les gens toujours aux mêmes endroits. Tous ceux qui ont fait l’âge d’or du rap français, j’en ai croisé certains. On ne peut pas dire qu’ils sont devenus des copains mais j’en ai fréquenté vite fait. Il y en a qui se souviennent de moi, d’autres pas du tout. Je ne faisais pas beaucoup de bruit, et puis je n’avais pas du tout le look hein ! J’ai toujours gardé un look plus proche du métal / punk, donc c’est sûr que quand j’arrivais dans une soirée hip-hop, moi j’étais un peu l’OVNI. On me regardait en se disant “Qu’est-ce qu’il fout là ?” Mais bon, on ne m’a jamais éjecté non plus, pour autant, ce qui prouve que c’est quand même des gens ouverts malgré tout ce qu’on a voulu dire dans ces années-là. Le côté gang, délinquance… Il y en a hein, il faut pas se leurrer, il y a des bad boys. J’avais vu Public Enemy pour la première fois à la Mutualité en 1987 mais je n’en ai pas un grand souvenir. L’ambiance était assez détestable entre les embrouilles, les dépouilles… et l’atmosphère était trop électrique. Par contre, je les ai revus en 1990 au Zénith et là, malgré l’ambiance sur-tendue avec des cars de CRS à tous les coins de la Villette, le concert était mortel ! Il s’était dit qu’il y avait eu deux morts par balle à l’extérieur du Zénith genre règlement de compte entre bandes mais ça n’a jamais été prouvé. J’avais senti une tension quand j’y suis allé. Bon j’étais pas tout seul, j’étais avec des potes, mais j’avais un peu l’impression d’être dans une chanson des Clash “White man in Hammersmith”. Ça s’est bien passé, je ne suis pas sorti sur un brancard. Cela faisait partie du délire autour de la venue de Public Enemy et du rap en général à l’époque. Cela n’a pas énormément changé aujourd’hui même si beaucoup de rappeurs participent à ce délire. Et depuis, grâce à Croco notamment, j’ai découvert des trucs dans ce que j’aime que j’avais ratés, découverts pour raisons professionnelles, pour savoir en parler et surtout proposer des styles de rap que je n’aimais pas. Et c’est pas un problème, tous les goûts sont respectables. Et au moins si quelqu’un aime du crunk, du dirty, du gangsta ou de la G-Funk, je suis capable de proposer quelque chose. Moi, j’écoute d’abord et ensuite je choisis. C’est comme la bouffe, avec les mômes : au moins tu as goûté.

Est-ce que tu estimes que ta connaissance très précise, ta spécialisation en rap est équivalente dans d’autres genres musicaux ?

Luc : Et encore, j’en apprends tous les jours ! Heureusement d’ailleurs. C’était Akhenaton qui avait dit dans une interview “Nous, on est des animaux de compagnie, on est cools, on aime bien discuter”. Comme moi avec les clients, sauf si je tombe sur une tête de con, dans ce cas-là on va rester formel. Mais si je vois qu’il y a un bon feeling, on discute. Plein de clients m’ont appris plein de choses ! C’est des échanges, la musique est un échange.

Comment se répartissent les pourcentages de tes clients entre diggers, habitués et clients nouveaux ?

Luc : Depuis le revival du vinyle, d’il y a quelques années maintenant, et qui se pérennise, on a beaucoup de sang neuf. Les habitués viennent toujours, les gros collectionneurs viennent toujours mais eux, le problème, c’est que pour les satisfaire, c’est pas évident. Il faut vraiment qu’ils tombent le jour où on a fait un super lot avec des trucs super pointus. On a un gros collectionneur qui n’est plus très loin du sommet, donc il ne lui reste plus grand-chose, ou alors des trucs dont il n’a jamais entendu parler. Moi, je fais plein de styles donc je suis pas encore à des sommets pour chacun d’eux. Lui, ça fait 20 ans qu’il digge sur un truc, s’il n’en a jamais entendu parler, forcément c’est que c’était très très très obscur. Depuis l’avènement d’Internet, par forum, en discutant avec d’autres clients…

“Grosso merdo, au bout de 20 secondes, tu sais si ça va te plaire ou pas quand c’est des trucs que t’as l’habitude d’écouter.”

Tu es dans des forums ?

Luc : Non, non, je n’ai pas le temps. Moi je suis à l’ancienne : je fouine, j’écoute, le bouche-à-oreille…

Pas de “Wantlist” sur Discogs ?

Luc : Non, non, non. Je ne suis même pas sur les réseaux sociaux ! C’est pas ma génération, c’est un fait, et je ne me sens rien à y faire. Mes e-mails, je les ouvre une fois tous les trois jours. J’ai toujours privilégié le contact réel, j’aime les gens, j’aime les voir.

Donc une liste manuscrite, c’est ça ?

Luc : Toujours ! Toujours dans la poche de mon blouson, j’ai une liste par style que je fais. J’ai une liste pour des BD, pour des films, pour mes bouquins. Par contre ma liste pour la musique, je l’ai, mais pas sur moi, sur une clef. Je digge dans tous les styles que j’aime. Et pour répondre à ta question d’avant, en hard 70-80 je me débrouille pas trop mal. A partir des années 90 j’ai un peu lâché. Et après, depuis que je suis à Croco, je suis complètement largué sur toutes les nouveautés rock depuis les années 2000. Le soir, j’ai moins la possibilité d’écouter. C’est ce que je faisais au départ, je ramenais plein de disques, je ramenais du travail à la maison ! Il y a vraiment deux styles que je fais pas du tout : tout ce qui est house, et la tech, j’ai rien contre, mais la tech dark, la tech hardcore, je suis vraiment arrivé sur le tard donc je fais à l’oreille, j’ai pas fouiné, j’ai pas creusé. Et le jazz. Le jazz, c’est pas ma came. J’ai un profond respect pour ce style musical, pour ses musiciens, j’ai essayé plein de fois d’en écouter, quelques trucs qui m’ont parlé, mais majoritairement j’accroche pas. Des collègues plus âgés me disaient: “Tu verras avec l’âge, tu vas aimer…” Ben écoute, a priori, non ! Plus l’âge passe, plus je reviens sur des sons encore plus brutaux qu’avant. Alors que c’est le contraire, normalement, tu t’apaises, tu vas sur des choses plus confortables…

Tu consommes la musique uniquement en physique ?

Luc : Oui. J’ai un iPod, en vacances, mais tout ce que j’ai mis dessus, c’est moi qui l’ai mis en artisan. Je prends mes CD un par un, et des fois, j’ai cette chance, je tape dans la boutique, j’en emprunte 2-3. Je ne télécharge pas, je ne sais même pas si je serais capable de télécharger un truc !

Jamais de streaming ?

Luc : Ça peut m’arriver. Quand par exemple je fais rentrer des CD neufs, je vais pas les ouvrir, surtout si c’est pas une nouveauté, si c’est un truc un peu plus ancien, pour la personne qui le veut vraiment…

Quel espace, quelle taille de discothèque chez toi consacres-tu à ta collection ?

Luc : Ah, c’est un gros gros problème ! Physique et relationnel. Madame n’en peut plus. Mais bon, d’un autre côté, quand elle m’a connu, c’était déjà comme ça. Le problème, c’est qu’elle croyait que ça allait se tasser. Mais bon ça se tasse pas. Puis ça se multiplie. Je collectionne la musique, les bouquins, les BD, les films. Elle me dit: “C’est plus une maison, c’est une médiathèque !” Bah ouais : moi, mon rêve, c’est de vivre dans une médiathèque ! Donc là, problème, parisianisme. Parisien, de base, la taille, le mètre carré est monstrueusement cher. Donc il y a une bonne partie, les deux tiers de ma collection de disques qui est chez ma mère, qui est dans le même quartier donc ça tombe bien. Des fois je fais des allers-retours avec deux ou trois sacs. J’essaye de garder presque tous mes films parce que là ça peut être pour tout le monde, ma femme, mes enfants et moi. 90% de ma bibliothèque et de mes BD sont encore chez ma mère. Et pour ma musique, ce que j’écoute le plus, je les ai gardés. Je dois avoir 11 000 vinyles à peu près, tous styles confondus. Je garde les maxis quand il y a eu des remix intéressants, des inédits, pour mes quelques artistes fétiches où je voulais tout.

En CD aussi tu as une grosse collection ?

Luc : En CD, je me suis plus calmé. Parce qu’au bout d’un moment, c’est la place. De temps en temps je fais du tri. Sur l’album, s’il y a moins de 5 morceaux qui me plaisent, je garde les 5 morceaux et je me débarrasse du CD. A partir de 5 morceaux, je lui laisse une deuxième chance. Il y a certains trucs où j’ai gardé le vinyle, j’ai pas gardé le CD. Je passe une après-midi entière pour en virer quoi ? Vingt ?… Parce que je les réécoute ! Alors je les réécoute à la hussarde hein. Bon, au bout d’un moment, quand t’as l’oreille, toi aussi c’est pareil, j’écoute 20 secondes de chaque morceau. Grosso merdo, au bout de 20 secondes, tu vois si le morceau il va te plaire ou pas quand c’est des trucs que tu as l’habitude d’écouter. Mais si j’avais pas eu un problème de place, je les les aurais gardés. Quand tu as la place, tu t’en fous. Et puis même les films… C’est des trucs sans fin : il faut accepter que, quand tu vas crever, il y aura des films, des bouquins, des musiques que t’auras pas entendus. Et heureusement d’ailleurs que jusqu’au bout tu auras des choses à découvrir. Tu t’imagines ?

Est-ce que tu as un budget défini et si oui, à quelle fréquence ?

Luc : Ça dépend. Budget défini, oui. Vu que j’ai pas de dépense personnelle “plaisir” autre que ça… C’est-à-dire que les fringues, j’en ai rien à foutre. Le matériel, téléphone tant qu’il marche, je vais pas en changer, je m’en fous d’avoir le dernier modèle. Pas de bagnole. Donc une fois que la maison, la vie de la maison, pour toute la famille, mon budget est fait, si j’ai envie de dépenser tout le reste dedans, c’est mon problème. La seule limite que j’aurais, c’est la limite de mon compte en banque (sourire) ! Après il ne faut pas non plus tomber dans la folie furieuse. Si c’est un truc que je cherche depuis longtemps, le truc il est en parfait état, mais le mec il se fout de la gueule du monde, je sais que c’est pas donné mais pas à ce point-là, ben non ! C’est pas parce que je le veux que je suis prêt à faire un prêt bancaire pour ça.

Quel est le montant le plus élevé que tu as dépensé pour une pièce de ta collection ?

Luc : C’était en francs. C’était 250 francs, ce qui était déjà beaucoup. C’était un original d’un truc en rock. En hip-hop, le plus cher que j’ai acheté, mais c’était en boutique et ça venait de sortir, c’était la B.O de “Ghost Dog”. C’était sorti en tirage limité, édition japonaise. C’est des trucs qui valent toujours 200… mais en euros !

Ca t’est arrivé de vendre des pièces d’exception très chères ?

Luc : Bien sûr, bien sûr ! Le plus cher que j’ai vendu en boutique, autour de 200€, c’était “L’école du micro d’argent”, l’album d’IAM, tout neuf. C’était peut-être un ou deux ans avant que ça soit réédité, un moment où l’album en parfait état tournait autour de 500€ ! Il y a eu des trucs qu’on a vendu à plusieurs milliers d’euros : un 45 Tours de Gainsbourg dédicacé, vendu en 10 exemplaires… Pièce ultime ! Non, 750€, pardon. Mais voilà, c’était par un proche de Gainsbourg qui le lui avait donné. En rap, déjà il n’y a pas beaucoup de rééditions, et parfois, quand c’est édité, il y a du 200 exemplaires, 500 exemplaires, 1000 exemplaires. Et pas n’importe quoi, des grands noms : premier Ideal J c’est 2000 exemplaires, le Gyneco c’était 500, Raggasonic, MC Solaar c’est 1000, “Le complot des bas-fond” de Koma c’était 300 copies… Evidemment ça a pris des proportions dantesques depuis. Là j’ai rentré, il y a pas longtemps d’ailleurs, le 2Bal 2Neg’, l’original, encore scellé, là personne ne pourra l’ouvrir… 23 ans après !

“Il faut accepter que, quand tu vas crever, il y aura des films, des bouquins, des musiques que t’auras pas entendus. Et heureusement d’ailleurs que jusqu’au bout tu auras des choses à découvrir.”

Je reprends ma question de tout à l’heure : dans quel ordre classes-tu des vinyles ?

Luc : Alors, par style musical et par ordre alphabétique. 

Aucun rapprochement solo/groupe ? Par exemple Akhenaton et IAM sont respectivement classés à A et I ?

Luc : Non, non, je ne les rapproche pas. Ils seront à part. Akhenaton, Arsenik, Assassin… Là je parle pour les grands noms, il y en a peut-être d’autres au milieu, Apothéose, Aktivist… Le seul truc où c’est à part, c’est l’indé. C’est un des rares trucs où j’ai fait des sous-rayons “labels”.  On n’a pas fait mieux que l’ordre alphabétique. Mais par style. Parce que sinon c’est une horreur, surtout au bout d’un certain temps. J’ai : rock, rock 70, mais là par contre anglais et américain mélangé, rap, reggae, pop, pop française, punk, punk français. Soul et funk je les ai mélangés. C’est complètement subjectif. Qu’est-ce qui est soul ? Qu’est-ce qui est funk ? Earth, Wind & Fire, l’album de 73, soul parce que ça chante, c’est crooner, c’est lent, et funk parce que ça bouge ? Alors à un moment, quand c’est 70 ça s’approche de la soul, quand c’est 80 plus proche de la funk. J’ai pas énormément de choses, c’est pas un de mes plus gros rayons chez moi parce que c’est vrai que moi je ne suis pas venu au rap par la soul ou le funk ou le jazz, à la différence de mes potes renoi à l’époque, moi je suis venu par le rock, comme certains DJ’s blancs que je connais. C’est assez schématique d’ailleurs, les Blancs sont venus au rap par le rock, et en général c’est plus dans la côte Est, les sons un peu plus darky, les autres vont plutôt écouter de la West, ce qui prouve au grand dam de beaucoup que le rap et le rock ont toujours été cousins. Moi, j’ai jamais été un fou furieux de A Tribe Called Quest par exemple. J’ai beaucoup de respect pour A Tribe Called Quest (NDLR : Il voit ma réaction stupéfaite) Oui, je sais ! Je les ai gardés hein ! Même le 5, j’ai dû garder le “Love Movement” c’est pour te dire… Mais non, à l’époque, je préférais sans problème le Public Enemy de 91, je préférais Black Sheep. En fait la voix de Q-Tip j’ai du mal. Après c’est des questions de voix, c’est horrible à dire… C’est des questions d’oreille. Jay-Z, le premier génial, le deuxième j’adore, c’était très hard, très sombre mais moi à partir de ce moment-là, 93, pendant deux ans il y a eu un flottement j’ai eu du mal… Tu pouvais pas allumer la radio, t’avais Dre et Snoop à fond, tout le temps, ça m’a gonflé. Je les ai les albums, ils sont très bien. Black Moon est sorti en 93, on en a peu parlé en France notamment, c’est passé un peu inaperçu. Quand le Wu-Tang est arrivé, j’ai fait “Ah ! Ouuf ! Là ça y est ! New-York est revenu !” L’année suivante y’a eu Nas, Biggie, le Queens qui commence à arriver, Mobb Deep, CNN… J’ai toujours aimé Gang Starr, ça c’est mon côté contrarié. Je suis pas très jazz, mais par contre j’aimais beaucoup Gang Starr ! Mais parce que les deux sont des monstres ! J’ai gratté le Wu-Tang, tous les petits trucs, les affiliés, les groupes autour dont beaucoup maintenant sont très durs à choper. J’ai gratté le Queens, pour ça quand j’ai découvert le label Hydra qui était l’autre label du Queens avec plein plein de gens pas connus, et qui ont fait surtout que des maxis, c’est là que je suis complètement tombé dans l’indé. Le côté dirthy south, crunk, Nouvelle-Orléans, ça m’est passé un peu à côté. Outkast, tout ça, j’ai réécouté plus tard. Parce que là j’étais dans un son qui était beaucoup trop éloigné, j’étais vraiment dans les trucs très sombres donc c’était pas la peine. Puis après y’a Non Phixion, Army Of The Pharaohs… A chaque tournant de décennie, y’a un moment de flottement pour moi, musicalement.

Avec toute cette intensité dédiée à ta passion, est-ce que tu as déjà eu peur du burnout musical ?

Luc : Non, parce que dans ce cas-là j’écouterai autre chose ! Si j’écoute pas de la musique une fois par jour, je ne me sens pas bien.

Quelle est LA pièce ultime selon toi ?

Luc : C’est impossible !

Une que tu recherches depuis longtemps, qui manque à ta collection ?

Luc : Ahhhh… (Il réfléchit) C’est pas une pièce ultime parce que c’est pas rarissime mais je le vois plus du tout, mais c’est un vieux 45 tours que j’avais, on est pas du tout en rap, mais il s’est pété il n’y a pas très longtemps. J’ai toujours la pochette, qui est une sorte de poster, qui commence à être un peu fatiguée. Le disque est toujours dedans mais parce que j’ai pas le coeur de le jeter. Je ne peux pas le passer sinon je nique ma tête de lecture. C’est le premier 3 titres de Parabellum qui s’appelle “On est gouvernés par des imbéciles”. Il est sorti en 84. Il doit y en avoir sur Discogs, il est pas super cher, mais bon, ça me saoule, je me dis qu’il va bien passer à la boutique, ça fait 10 ans… Et ça fait 10 ans qu’il passe pas !

Que faire de ta collection après la mort ?

Luc : Terminons sur une note optimiste. Je ne me suis jamais posé la question. Normalement elle sera à mes enfants et après ils en feront ce qu’ils en voudront. La seule chose, c’est que quelqu’un en profite et se fasse plaisir avec ! Je reviendrai hanter et harceler celui ou celle qui la bazardera !

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3 commentaires

  • C’est dingue quand même le type est interviewer pour son travail qui est de vendre du rap et du rnb et il te parle que de hard rock et de punk, il n’aime pas et n’écoute pas ce qu’il vend c’est d’un ridicule, pas de west coast très peu de Français et pas du tout de rnb, a la boutique il te récite les choses par cœur comme un bachelier qui a bien appris sa leçon mais sans passion réel bref même si le personnage est sympathique c’est pitoyable..

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