L’année touche gentiment à sa fin, et c’est l’occasion pour ceux qui, en 2017, avaient annoncé un album « Courant 2018 » de tenir leurs promesses. S’il n’y a pas eu de très grosses sorties, le très vaste empire américain a toujours de quoi nous fournir son lot de riche et varié de sorties mensuelles, dont notamment Tana Talk 3, indiscutablement l’un de nos gros coups de cœur de cette année 2018.
Vince Staples – FUN ! (Prod. Kenny Beats & Hagler)
Après une courte absence (un peu plus d’un an), le rappeur originaire de Long Beach Vince Staples est de retour avec son troisième album, intitulé sobrement FM! et sorti au début du mois. Le morceau « FUN! » en est le seul clip, paru la veille de la release du projet. Un clip en mode Google Street ou on peut apercevoir le rappeur Californien dans les rues qui l’ont vu grandir et ou les légères références à Grove Street et son protagoniste CJ peuvent être palpables. Pour la petite anecdote, le titre du morceau est l’acronyme de « Fuck Up Nothing » qu’on peut retrouver en guise de refrain. « […] We don’t wanna fuck up nothin’ / We don’t wanna fuck up nothin’ / Fun, we don’t wanna fuck up nothin’ […] ». Clément
The Alchemist – E Coli (feat. Earl Sweatshirt)
Plus besoin de présenter The Alchemist, tant le producteur domine sa discipline depuis plus de quinze ans. Après avoir sorti l’album Fetti avec Freddie Gibbs et Curren$y à la fin du mois d’Octobre, ALC revient à peine un mois plus tard avec l’EP Bread. Cette fois ci le producteur californien a invité Roc Marciano, Black Thought du groupe The Roots ou encore Earl Sweatshirt. Et ce qu’on peut clamer haut et fort, c’est que ça fait du bien d’entendre Earl Sweatshirt, après une longue pause de trois années. Même sur un morceau aussi abstract, même si le titre fait référence à une bactérie intestinale et même si le clip est d’une kitshitude folle (réalisé par Jason Goldwatch et avec des extraits de Ultraman, entres autres), le morceau se déguste comme un bon apéritif. D’ailleurs, le rappeur membre du collectif disparu Odd Future a sorti le même jour son troisième album, d’une durée de vingt cinq minutes et sobrement intitulé Some Rap Songs. Clément
Token – Mom Would Agree (Prod. Nox Beatz & Jon Glass)
« Mom Would Agree » est un extrait de ce qui devrait être le premier véritable album du rappeur originaire de Salem, près de Boston dans le Massachusetts. Un premier album qu’on attend depuis quelques temps déjà, tant le rappeur Token montre son potentiel avec les années. Le bougre est plutôt jeune (bientôt la majorité US) et rappe depuis pas mal temps (c’est un morceau fait à 17 piges qui l’a rendu « célèbre »). Enfin bref, intitulé Between Somewhere, ce premier album promet d’envoyer du lourd et devrait dans le mois de décembre. Trois extraits sont sortis pour teaser le projet, qui, apparemment devait sortir fin novembre. Prenons notre mal en patience avec cette pépite a l’instru très énergique, aux lyrics plutôt piquants et régalons nous du flow survitaminé du jeune MC (arrêtez de l’appeler le nouveau Eminem, s’il vous plait). Clément
Moneybagg Yo – They Madd (Prod. Tay Keith)
Pas grand-chose à sauver de ce Reset, dernière sortie de Moneybagg Yo lâchée en tout début de mois de novembre. Mais tout de même l’un de ses meilleurs morceaux depuis un bon moment avec « They Madd », avec une production triomphale de Tay Keith qui l’oblige quelque peu à sortir de ses plates-bandes habituelles. Pour ce qui est du morceau en soi, rien de révolutionnaire pour le rappeur de Memphis, qui fait ce qu’un rappeur fait de mieux, à savoir, de l’égotrip. Un bon morceau cependant, qui détonne au sein d’un opus répétitif, aux featurings peu réussis et aux essais peu fructueux. Xavier
Big K.R.I.T. – Pick yourself up (Prod. D’Town Tha Great & Rico Love)
Cela faisait un certain temps que nous n’avions plus de nouvelle de Big K.R.I.T. En fait, celui qui est d’ordinaire plutôt productif n’a pratiquement rien sorti depuis son formidable double-album 4eva Is a Mighty Long Time, sorti fin 2017. Le maître du country rap tunes du Mississippi, avec Double Down, redonne vie à la forme perdue du maxi et livre un deux titres de très bonne facture. Et en particulier « Pick yourself up », au titre très parlant sur le caractère motivationnel du morceau, est très bien servi par la production de D’Town Tha Great et Rico Love, parfaitement dans le cadre et le domaine qu’on lui a connu sur ses précédents disques. Xavier
Benny feat. Conway – All 70’ (Prod. Daringer)
Benny The Butcher a frappé un grand coup avec Tana Talk 3. Lui qui était encore souvent vu comme la cinquième roue du carrosse Griselda, conduit par la poigne de fer de ses cousins Westside Gunn et Conway. Probablement qu’il lui manquait une grosse référence discographique sur le label, après le très bon mais court Butcher on steroids, et le plus inégal A Friend of ours. Voilà qui est chose faite avec Tana Talk 3, (lire notre chronique), qui est véritablement une réussite de bout en bout. Et même s’il n’est pas chose aisée d’extraire un morceau d’un album aussi uni et maîtrisé, notre faible pour les instrumentales à la guitare électrique de Daringer fait tout de même la différence. Elle accompagne les quasi 5 minutes du morceau et donne vraiment une tonalité solennelle à un morceau sur lequel les quatre hommes apparaissent (WestSide Gunn uniquement pour des adlibs certes, mais quand même). Xavier
Takeoff – Bruce Wayne (Prod. Cassius Jay & Wheezy)
Les trappeurs d’Atlanta ont décidé d’explorer séparément le dernier trimestre 2018, pour mieux se réunir début 2019 autour de Culture III. Novembre était le mois de Takeoff qui a, pour l’occasion, présenté son premier album : The Last Rocket. On retrouve les sonorités trap habituelles mais, de prime abord, l’expérience peut être légèrement déroutante. Pourtant, s’il y est moins incisif qu’à l’accoutumée, Takeoff renforce sa stature de meilleur rappeur du groupe. On se laisse facilement aller dans un voyage spatial teinté de drogues et, presque, d’intimité. Évidemment sans grand lyricisme, le disque peut être touchant, et tire avantage d’un format plus court que les sorties précédentes du groupe. Les 12 titres protègent l’auditeur (averti) de l’overdose. Il est aussi évident que l’hommage au milliardaire de Gotham, pas poussé plus loin qu’une ligne, en fait un morceau de premier plan. Wilhelm
Swizz Beatz – Cold blooded (feat Pusha T)
En octobre 2017, une boucle de jazz et quelques mesures de Pusha T s’échappaient d’un spot d’Adidas alors que la voix de Swizz Beatz s’étouffait sous des filtres coupe-haut. Les derniers mots du spot, prononcés par l’ex-antéchrist du rap New-Yorkais, étaient toutefois audibles : « cold blooded ». Ce mois-ci, le producteur légendaire sort un album, Poison, où le morceau trône. Pas de batterie sur la version finale, la basse, au cœur du sample, suffit à marquer le rythme d’un morceau entre chronique et storytelling. Les deux natifs de New-York y ancrent leur histoire articulée, King Push oblige, autour de la cocaïne. Yugh. Wilhelm
Meek Mill – Championships (prod Dario Production)
Les albums de Meek Mill ont des défauts, souvent les mêmes, mais la discographie du bonhomme est excellente et Championships ne déroge pas à la règle. Là où il se démarque le plus de Wins & Losses, son précédent opus, c’est dans le ton. Malgré les longs et difficiles mois qui séparent les disques, celui-ci est beaucoup plus triomphant que son aîné et, finalement, les titres respectifs nous donnent une fenêtre éloquente sur cette différence. Difficile de trancher entre l’iconique « What’s Free », avec Jay-Z (qui ne clashe pas Kanye West, calmez-vous) et Rick Ross, et le morceau éponyme, « Championships », mais le saxophone sexuel de Toney Fountaine aura raison de amateurs du son Maybach Music que nous sommes. Meek y revient une fois de plus sur son parcours mais aussi ce qu’il peut déplorer dans notre époque, en porte parole plutôt qu’en vieux con. Wilhelm
Boosie Badazz – That’s Mama
Le monument Boosie Badazz sortait un album un peu particulier pour Thanksgiving. En effet, comme son titre l’indique, Boosie Blues Café est un album entier de blues. Les nombreux amateurs du rappeur étaient familiers avec les touches mélodiques ci et là mais un album entier de blues réalisé avec des musiciens est un événement aussi surprenant qu’intéressant. Difficile de se défaire de deux décennies de carrière alors, parfois, la plume de Boosie peut créer un décalage entre le texte et la musique mais le résultat s’écoute avec plaisir et est finalement très naturel. Wilhelm
https://www.youtube.com/watch?v=-IjdxvnB7pE