Eli MC, l’interview « Trace d’opium »

Loin d’en être à à son coup d’essai, bien au contraire, Eli MC vient de sortir son premier album solo Trace d’opium, après de multiples collaborations et le projet Crépuscule d’une pensée dévoilé en 2013. La plume laisse le talent couler, la voix percute et envoûte, l’ensemble séduit. La forme au service du fond, et la force d’une indépendante dans un milieu de requins, voici ELI.

On se rencontre à Nantes, pendant une block party estivale. Tu es Nantaise d’origine ?

Non, je ne suis pas Nantaise d’origine. Ça fait deux ans que j’habite à Nantes, mais d’origine je viens d’à côté de Montpellier.

Ah ouais ok. Ces derniers temps, tu apparais pourtant comme une « tête montante » de la région. Ça ne te fait pas bizarre de voir la scène montpelliéraine (Lacraps, Nedoua, Mer2crew…) émerger à distance ?

Ça ne me fait pas bizarre. J’ai fait des petites scènes quand j’habitais à Montpellier au début, et puis c’est normal que je sois un peu plus considérée en étant ici parce que mon taf s’est amélioré. J’ai taffé de manière plus professionnelle en arrivant ici.

Mais les auditeurs pensent que tu viens de Nantes, non ?

Ouais, il y en a quelques-uns parce que les gens ne s’attardent pas à aller lire toute ma vie sur Internet. J’étais assez discrète à Montpellier.

Il faut que tu ouvres ta page Wikipedia.

Ouais bientôt ! (rires)

A l’aube de la sortie de ton premiers opus (ndlr : interview réalisée le 7 juin), tu sens la pression monter ?

Ouais, pression de fou parce que ça fait deux ans que je l’ai commencé. Je ne peux pas dire que j’ai pris des risques de ouf au point d’avoir peur que personne n’aime ce skeud-là. Mais oui, il y a de la pression parce que c’est un album auquel je tiens, sur lequel on a grave bossé avec mon équipe, et donc j’ai envie qu’il tourne.

Tu peux nous présenter ton équipe ?

Mon équipe c’est mon backeur Mez, mon DJ Homytoast qui ne fait pas partie de mon label Goloka, un label indépendant qu’on a créé. Il y a aussi François, Mellow Cuton qui fait des prods pour Mez et moi. Après, LaClassic (label montpelliérain) s’est occupé du mastering et du pressage. Voilà, donc cette équipe est balancée entre Nantes et Montpel’.

La « Poignée de Punchlines » t’a servi de tremplin ?

Ouais, carrément ! Je ne peux pas le nier. Ça m’a boosté, ça m’a ouvert un public un peu plus large, ça a permis aux gens de découvrir un peu plus.

« Dans le contenu, ça reste très introspectif, assez cynique. Dans le fond, ça ressemble assez à ce que j’écrivais depuis le début. »

Dans le contenu de ton album, à quoi peut-on s’attendre ?

Dans le contenu, ça reste très introspectif, assez cynique. Dans le fond, ça ressemble assez à ce que j’écrivais depuis le début. On a des morceaux qui sont assez sombres, d’autres qui sont plus « soleil » ; les variantes, elles se portent beaucoup plus sur le choix des prods que sur le fond des textes.

« Trace d’opium », pourquoi ce titre ?

Ça s’est décidé parce que c’est le nom du morceau qui pour moi était le plus fort de la tracklist, un des morceaux que je préfère. Et « Trace d’opium » plus précisément heu… C’est pas une histoire de fou, hein, je le dis tout de suite, je vais décevoir les gens (rires). La trace c’est pour la marque, pour l’écriture, et l’opium pour le rapport à la dépendance. Dépendance à la musique en général, mes parents sont musiciens de jazz donc j’ai grandi en écoutant beaucoup de jazz.

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Peux-tu nous présenter tes invités ?

Il y a Demi P pour le plus connu, Mez mon backeur, Heskis qui est un membre du 5 Majeur, il y a 10vers et Nedoua, il y a une chanteuse qui vient du Guatemala qui s’appelle Rebecca Lane et qui a posé le morceau qui est sur votre tape du coup (sourire). Je bossais avec Juliano sur le skeud, je lui disais que j’avais envie d’avoir une chanteuse sur le refrain et du coup il m’a branché avec elle parce qu’elle kiffait mon son. Sur les prods, il y a JIM, Mellow Cuton, Slim Guesh, Juliano, Kashflow, Goomar et DJ Rolex.

Comment trouves-tu la scène hip-hop nantaise ?

Plus qu’active ! Franchement, c’est difficile d’avoir un week-end sans concert de rap à Nantes. Hier soir, j’étais encore au Ferrailleur avec DJ Blaiz qui est un poto et qui faisait sa soirée « Appelle-moi MC ». Là il y a la Block Party. Sinon, il y a « Pickup » qui s’occupe essentiellement du festival Hip Opsession, il y a « Krumpp et Big City Life » qui organisent cet évènement aujourd’hui, il y a aussi le label de mon DJ « Trik’art » qui eux sont plus basés sur de la trap… Après, je ne connais sûrement pas tout le monde. Il y a plein de petites assos et c’est cool car il y a plein de jeunes qui marchent à la débrouillardise. C’est bien, ça fait des évènements familiaux.

« J’ai écouté Casey et Diam’s aussi (…), ce ne sont pas des artistes dont j’ai écouté en boucle la musique au point de dire que ce sont des références, mais pour l’histoire du rap, oui c’en est. »

Quelles sont tes influences et références en matière de rap féminin ?

J’écoute vraiment peu de rap féminin, déjà qu’il se fait rare. Bien sûr, il y avait Princesse Aniès à l’ancienne, mais je peux pas aller jusqu’à dire qu’elle m’ait influencée. J’ai écouté Casey aussi, et Diam’s surtout sur son « Premier Mandat », mais là, pareil, c’est pas non plus des artistes dont j’ai écouté en boucle la musique au point de dire que ce sont des références. Pour l’histoire du rap, oui c’en est, pour moi particulièrement je ne pense pas. Aujourd’hui, je suis ce qui se fait actuellement. Ladéa, Pand’Or, tout ça, ce sont des potes donc on ne peut pas dire que ce soient des références. J’apprécie ce qu’elles font, dans leur style qui leur est propre, et qui ne ressemble pas forcément au mien.

Comment te positionnes-tu par rapport à la misogynie ambiante dans le milieu du rap ?

En fait, en interview on me parle souvent de misogynie, de la difficulté à se faire une place dans le rap en tant que femme. Ça a l’air d’être une question cruciale pour beaucoup de monde. Personnellement, je n’ai jamais vraiment ressenti de misogynie, en tout cas pas dans le réseau de gens que je fréquente de près ou de loin. Bien au contraire, le fait d’être une femme, dans un milieu plutôt exploité par les hommes, est un avantage considérable, déjà parce que les femmes dans le rap en France, on n’en trouve pas à tous les coins de rues (contrairement aux USA), et aussi parce qu’on a l’argument d’une sensibilité différente que l’on peut utiliser dans nos chansons. Je crois que le fait d’être une femme dans le rap français m’a servi à me faire remarquer, à sortir du lot parmi la masse de gens présents sur Internet. Ça fait surtout la différence en termes d’image « marketing » si je peux m’exprimer grossièrement. Et puis, au fond ça n’est qu’une différence de chromosome et je ne vais pas débattre sur un truc que j’ai pas choisi (comme dirait Casey), j’écris avec ma tête les choses que je vis, j’y mets un peu de poésie dans la forme, ça sort par la bouche et ça vient des tripes pour essayer de faire le son que j’aime écouter, et je suppose que les hommes qui rappent passent par le même processus. Donc pour moi, aucune différence, et aucune difficulté supplémentaire. Si tu rappes bien, il n’y a pas de raisons qu’on ne t’accorde pas ta chance d’exister en tant qu’artiste.

Ce projet à peine sorti annonce-t-il d’autres à venir ?

Oui, je suis en train d’écrire un EP qui sera entièrement produit par les Soulchildren. Ambiance complètement différente, rien à voir avec ce que j’ai fait là. Ça changera. En ce moment on choisit les prods et je commence à maquetter.

Par curiosité, tu n’es pas arrivée au stade où tu peux vivre de ta musique, non ? Pas trop dur à gérer cette double vie ?

Je travaille entre deux, les concerts ça arrondit les fins de mois. Si, c’est compliqué à gérer mais là ça va, j’ai bien mangé mon chômage pendant six mois pour finir mon album (rires). Va falloir que je retourne bosser donc ça va être plus compliqué ! J’attends la sortie et la tournée de la rentrée.

« Je crois que le fait d’être une femme dans le rap français m’a servi à me faire remarquer, à sortir du lot parmi la masse. »

Tu as des dates prévues en dehors de la région ?

Récemment, on a fait Toulouse, Marseille, une date à côté de Poitiers. Pour le moment, il n’y a rien cet été. On va débloquer ça en septembre, sur Nantes. Sur Paris ? J’aimerais bien, après c’est difficile, ça coûte vite cher aux gens d’organiser des concerts sur Paris. Peut-être un plateau, j’aimerais bien voir ça avec Blaiz justement.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour cet album ?

Qu’est-ce qu’on peut me souhaiter pour cet album ? Le million ! (rires) Que ça fédère encore plus de gens que ça ne l’est déjà, que les gens kiffent, qu’on fasse des jolis concerts avec. Et voilà, c’est tout ce que je demande. Pas plus.

Mot de la fin ?

Merci Le Bon Son pour l’interview et l’intérêt porté ! Cheesecake ! Profitez bien du soleil ! Peu de concerts prévus pour Eli MC cet été mais rendez-vous à la rentrée remontés à blocs pour défendre Trace d’opium en espérant que ça vous plaira.

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Trace d’opium : disponible depuis le 15 juin ici

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