L’erreür – l’interview « À ces gens »

Le concept du projet À ces gens est simple : rapper des textes de grands paroliers francophones issus de la chanson française et de la poésie. De Ferré à Brassens, en passant par Brel ou Prévert, le rappeur toulousain L’erreür et ses potes ont su mettre du rythme et du Hip Hop sur les paroles de ces illustres auteurs. Le principal intéressé a bien voulu répondre à nos questions.

Comment est né le projet ?

L’erreür : Le projet est né il y a six mois et quelques, je me suis levé un matin avec une obsession, lire du Ferré. Je ne connaissais pas du tout cet artiste. Ni ses textes, ni ses chansons. Je n’avais rien d’autre en tête à ce moment-là que de dévorer de l’écrit, sans écouter sa voix. J’avais, un peu par hasard, une instru qui tournait derrière. En lisant le texte, je me suis calé spontanément sur le rythme de l’instru, et ça a tout de suite marché, du moins dans ma tête ! J’ai enregistré « Poètes » et « La vie d’artiste » pour me faire plaisir, et aussi pour vraiment comprendre les deux textes. Puis j’ai remis ça quelques semaines après avec « Cette blessure » et « Ni dieu ni maître ». C’est ensuite qu’est venue l’idée de faire un album, qu’avec des textes repris, et des invités que j’aime. Le tout s’est fait en à peine 6 mois!

Comment s’y sont greffés les différents participants ?

Naturellement. Je connais chacun des invités, c’est des gens que je connais depuis longtemps (comme Melan, Youss, Samal, Capdem qui m’a fait le mix…) et d’autres que j’ai rencontrés dans le milieu Hip Hop toulousain et que j’ai pleinement appréciés (comme Mighz, L’1probable, Spazm, Sousou qui a fait le master, Zelbeck, Verbal,…). Ils étaient chauds pour participer au projet, ils l’ont porté avec moi. C’est beau… Ça m’a apporté beaucoup de plaisir, et surtout, sans eux rien n’aurait vu le jour ! Et c’est très important, cette idée. C’est un album en hommage « à ces gens », le partage est donc primordial, ce projet n’aurait eu aucun sens sans ces invités.

Tu n’as pas voulu faire comme d’autres avant : partir d’un album ou d’un artiste comme sur Hexagone 2001 ?

 

Je t’avoue que j’ai découvert il y a très peu de temps ce projet ! Il faut encore que je l’écoute… Je n’ai pas voulu me focaliser sur un artiste exclusivement, ou un texte précis. Je voulais que ça pue la poésie. Et surtout qu’il y ait plein de choses différentes, qu’il y en ait pour tous les goûts. C’était mon vecteur. Je trouve intéressant qu »aujourd’hui, quand j’écoute l’album dans sa globalité, il n’y ait pas plus de deux ou trois morceaux du même auteur, ça permet de faire un lien entre chacun d’eux ! Ferré qui répond à Gainsbourg et Brassens, avec du Piaf juste après, ou Aragon juste après Renaud, ça a de la gueule quand même !

 

 

Comment s’est effectué le choix des textes ?

 

Quand tu veux reprendre un texte, t’as déjà des contraintes qui concernent la structure propre à ce texte. Si c’est des quatrains, des tercets, des alexandrins ou de l’anarchie (je pense au texte de Mano Solo). Il y a aussi la longueur du texte, il faut que ce soit suffisamment long pour en faire un morceau, ou alors trouver un autre texte du même auteur qui viendrait compléter sans contredire le premier texte, etc. Ensuite, il faut que cette structure puisse coller à celle de l’instru. Ça ne te laisse déjà pas énormément de choix. C’est un équilibre à trouver. Puis, mêlé à ça, il y a les choix du coeur. Donc on a fait un focus sur certains artistes, ceux que tu peux retrouver sur l’album.

 

 

T’es-tu appliqué à choisir ou proposer des textes contestataires afin de faire le lien avec le rap ?

 

On s’est déjà appliqué à se faire plaisir, et à ne pas trop écorcher la poésie de chacun des textes ! Rien n’a vraiment été planifié, chaque invité est venu avec le texte qu’il avait lui-même choisi. J’ai juste eu à faire attention à ce qu’il n’y ait pas que du Ferré ou du Brel… Il y a des morceaux contestataires, comme « Le déserteur » de Renaud, qui font le lien direct avec le rap, mais je ne l’ai pas repris spécifiquement pour faire ce lien. C’était spontané avant tout. L’important, c’était que le texte soit « parlant », ensuite le fait que ça parle d’amour, de mort ou de révolte, peu importait. Puis comme disait Brassens « En réalité presque tous les hommes n’ont pas à leur disposition beaucoup de choses à dire, ils parlent de l’amour, ils parlent de la fuite du temps, ils parlent de Dieu, ils parlent de la difficulté d’être mais à part ça, tout le reste c’est de la littérature. »

 

 

Le rap, pour beaucoup, c’est du rythme et de la poésie. Mettre en rythme de la poésie c’est difficile ?

 

Rythme et poésie. Tu l’as dit ! La difficulté dépend de ce que tu reprends. Je ne pense pas que ce soit difficile en tant qu’exercice, puisque la poésie à un rythme qui lui est propre, et qui est souvent régulier. Ensuite c’est du découpage, comment mêler chaque partie du poème à chaque partie de l’instru, sachant qu’il te faut ET respecter ce rythme interne au poème ET respecter celui de l’instru. C’est ce qui s’est passé pour « Ballade à la Lune » de Musset. Le texte est en lui même très rythmé, il a son ordre. Et par chance, ça collait parfaitement sur la prod de Clem Beat’z. Mais reprendre un sonnet par exemple, comme l’a fait Zelbeck avec « Le sonnet d’Avers », c’est déjà une autre paire de manches !

 

 

Qu’est-ce qui est le plus difficile à rapper : un poème, ou une chanson déjà existante ?

 

Bizarrement, je trouve que c’est plus difficile de reprendre une chanson existante, surtout si tu l’as déjà entendu, qu’un poème qui ne vit musicalement que dans ta tête pendant la lecture. Par exemple, je trouve que reprendre « Le Testament » de Brassens, c’est infiniment plus difficile que de reprendre Musset ou Prévert, puisque tu es déjà influencé par la version originale qui est figée « définitivement » et qui, de plus, et très souvent sublime si on parle de ces artistes là. Au moins, à partir d’un poème, tu n’as pas ce problème d’influence, et puis tu ne te mets pas la même pression non plus, tu n’as pas un monstre de la musique française à tes talons.

 

As-tu recherché une texture particulière pour la mise en musique ?

 

J’ai cherché la texture en fonction des textes. On choisissait le texte et ensuite l’instru. Donc sur du Mano Solo par exemple, « Janvier », à la vue du texte, il fallait une instrumentale sombre, lourde, plombante. Pour « Le déserteur », il fallait de la nonchalance, et du « je t’emmerde avec le sourire » ! Et ainsi de suite… Souvent, je suis allé chercher du Clem Beat’z, j’aime beaucoup ce qu’il fait, c’est  riche et varié, il y en avait pour pas mal de textes. J’ai cherché du côté de Goomar également, Jazz Jousters, 5th Element, etc. Puis il y a quelques faces A, avec la prod de Bast, celles de Zelbeck et de Mighz, l’intro et l’outro d’Enro…

Puis je suis un grand amateur de Jazz, et marié au Hip Hop, je trouve ça parfait ! Je voulais cette couleur-là, sans pour autant m’enfermer là-dedans. Il y a donc des instrus qui font Jazz/Hip-Hop, mais tu as aussi de l’acapella pure et dure, de l’electro dubstep indéfinissable, du blues… J’avais mon idée de base, qui est qu’on devait mettre le texte en avant.  Mais je n’ai pas recherché de texture particulière, elle s’est tissée avec le temps grâce à toutes les petites mains qui sont venues contribuer au projet.

 

Certains thèmes dans ces textes parfois assez anciens sont encore d’actualité…

 

Oui, comme « Les passantes », « Ma solitude », « Poètes » & « La vie d’artiste » ou encore « Ni dieu ni maître ». Mais j’ai du mal avec la notion d’actualité… Je ne sais pas trop ce que ça veut dire en fait. Mais je crois comprendre. Pour « Le déserteur », c’est l’histoire d’un gars qui refuse de faire le service militaire.  Ca n’est plus de notre époque, pourtant je dirai que le texte est encore actuel. C’est là où j’ai du mal à savoir ce qui est actuel et ce qui ne l’est pas. Il y a des idées universelles, la liberté, le bonheur, l’amour, la mort… Elles ne sont pas actuelles, elles l’ont toujours été ! Quand on dit « actuel », j’ai l’impression qu’on rejette par le même temps le passé et l’avenir. Mais c’est des conneries ! Donc je te répondrais qu’il y a surtout de l’universalité plus que de l’actualité…

 

 

Y aura-t-il une suite à ce projet ?

 

Il faut croire que oui ! Ce premier volume a vu le jour en six mois. Très spontanément. Je me donnerai bien plus de temps pour faire le deuxième volume… Maintenant que j’ai tâté la surface de l’eau, j’pense bien m’y plonger entièrement !L'erreur a ces gens

À ces gens disponible sur SoundCloud et sur YouTube.

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