Demi-Portion – L’interview « Dragon Rash »

On souhaitait interroger Demi Portion de manière un peu décalée sur son prochain album Dragon Rash, son engagement dans le rap et ses multiples références à Dragon Ball Z. On a donc profité de son passage au Connexion à Toulouse le 10 octobre 2014 pour faire une interview. C’est après un concert avec un public déchaîné, assis dans une loge animée, que nous avons pu lui poser quelques questions.

Le Bon Son : On sort d’un set blindé où il y avait une grosse ambiance, est-ce que c’est comme ça partout où tu passes ?

Demi-Portion : Non ce n’est pas comme ça partout. Des fois c’est blindé et bizarre, d’autres soirs c’est pas top. Mais Toulouse c’est un super public qui se déchire et qui veut pas partir !

Tu sens une évolution dans les réactions du public au fur et à mesure des années ?

Les salles se remplissent de plus en plus. On voit petit à petit que les gens se déplacent, viennent au concert. Ça déchire !

Tu ne défends pas nécessairement un projet sur scène. Tu fais partie de ces mecs qui tournent tout le temps.

J’ai juste sorti deux albums, ça fait depuis 2006 qu’on fait des dates. On se retrouve avec cinquante dates par an. On n’a pas forcément besoin d’une sortie d’album ou d’une actu pour tourner comme d’autres artistes qui en ont besoin pour faire des dates. Je prends l’exemple de Kacem Wapalek qui n’a pas sorti de disque mais qui tourne autant que des mecs qui ont sorti pas mal d’albums et qui blindent des salles. Ça déchire que certains auditeurs rappent ses textes alors qu’il n’a pas fait la même promo que d’autres qui y ont mis les moyens.

Tu es prolifique, tu fais certains de tes clips, tu fais pas mal de scène. Est-ce que tu arrives à vivre de ton art ?

Personnellement, j’arrive à survivre de mon art. On arrive à se gérer les parts. Acheter un disque, aujourd’hui c’est un mérite. Tu soutiens parce que le gars mérite. On n’est pas là pour rouler en grosse voiture. On gagne un peu d’argent, on essaie de le remettre sur des clips, mettre de côté pour voyager un peu. C’est hip-hop, il n’y a rien d’extraordinaire. On essaie de ne pas être gourmand, demander des petits cachets, tourner beaucoup, on demande juste un bon accueil.

Tu parlais de voyager. Tu es allé à New-York pour faire une première partie. C’était une belle expérience ?

Ouais, j’ai fait la première partie de Raekwon, Shurik’n, Lord of the Underground, Ice-T, il y avait une trentaine de groupes. J’ai fait 15 minutes. C’était un tourneur belge qui nous a dit qu’il ne pouvait rien faire pour nous concernant le billet mais qu’on aurait notre nom à l’affiche. Je n’y étais jamais allé du coup j’ai payé mon billet. Je suis allé rapper et en même temps voir New-York. C’était un gros kiff ! En même temps Shurik’n était avec nous, c’était la première fois que je le voyais et j’ai pu aller en studio avec lui, j’étais comme un gamin. On est allé à Montréal pour faire un concert aussi, on a fait le End of the week, il y avait Hugo TSR avant nous. Il a déchiré aussi là-bas !

Quand tu dis « on ». Ça correspond à qui ? Qui forme ton équipe ?

C’est DJ Rolex qui est aux manettes. Sprinter à qui je passe le big up parce qu’il ne pouvait pas être là ce soir. Il y a Monotof qui est sur scène avec moi, Medizik qui gère le merchandising et puis moi.

Tu es en indépendant. Quand on regarde le rendu du clip de « Demi-Parrain » qui est ton dernier clip, on se rend compte que le rendu est hyper propre que ce soit au niveau sonore ou au niveau visuel. Est-ce que signer en major t’apporterait quelque chose de plus ?

Peut-être au niveau financier afin d’avoir une stabilité au niveau des paies ou pour te permettre de mettre un pied là où tu ne l’as pas. Ils veulent soi-disant nous mettre dans une case où soi-disant on n’a pas le droit d’aller. Signer c’est peut-être ça. On nous a déjà proposé, on a eu des grosses majors, on a rencontré des maisons de disque, mais on a toujours refusé.

Dans « Le dernier chevalier », tu dis : « A 16 ans je me retrouve à refuser les maisons de disques », du coup c’est un phénomène que tu as connu assez jeune ?

Je dormais chez Fabe, il était un peu dans le double H à l’époque, il était signé chez Sony. Mais je n’étais pas intéressé. J’étais jeune, je me voyais même pas faire un album ou quoi, je me ne me voyais pas percer, j’étais timide.

Qui sont aujourd’hui les MC’s dans ton entourage ? Comment choisis-tu tes featurings ?

Je ne fais pas beaucoup de featurings, je le fais simplement avec les gens que j’aime bien humainement. Que ce soit avec Guizmo, Mokless, Melan, LaCraps, R-Can ou autre, ce sont des gens avec qui j’accroche. Puis Oxmo Puccino avec lequel c’est un honneur de poser.

Sur Dragon Rash, il y a pas mal de featurings car je n’ai jamais sorti d’album avec des featurings. Sur Artisan du Bic il n’y avait que Sprinter. Sur Les histoires il n’y avait que Sprinter et Kacem sur le refrain de « Mauvais Garçon ». J’ai jamais profité des feats sachant que j’avais pas mal de connexions quand je voudrais en faire. Sur Dragon Rash, il y aura des featurings avec Jeff le Nerf, Neka, Aketo, Oxmo, Mokless, Koma, Volte-Face, Adil. Il y aura également beaucoup de sons solos. On se fait par contre un « Mon Dico remix clan » qui est terminé, des mecs comme Swift Guad ou R.E.D.K. viennent poser et font 4 mesures. Un mot chacun et ça fait un bon dictionnaire inédit !

T’as mis en avant des artistes comme Brassens. Pour toi, le rap français a-t-il une filiation avec la chanson française ?

J’ai grandi avec des sons US et des musiques de Living Proof, Big L. C’était DJ Sax qui nous présentait des vinyles américains. Concernant la chanson française, à l’école, on nous a appris Brassens mais une musique de Brassens qu’on trouvait pourrie : « L’auvergnat ». J’ai commencé à réécouter en 2003. J’ai écouté ces textes, j’ai fait ensuite quelques clins d’œil à la chanson française parce que Brassens et Renaud, à leur manière, ce sont des rappeurs fous. Aujourd’hui le rap part dans une évolution tellement folle, on est tellement dans le futur (rires) qu’on oublie que c’est grâce au passé qu’on construit le présent. Ça fait plaisir de faire quelques clins d’œil sans trop en faire car ce sont nos parents qui ont été bercés par ça. Ça me fait toujours plaisir de placer quelques citations d’artistes comme Gainsbourg ou autre.

Tu es engagé dans le milieu associatif. Tu fais des ateliers d’écriture. Qu’est-ce que ça t’apporte ? C’est par ces ateliers que tu avais commencé le rap ?

J’ai commencé par les ateliers d’écriture qu’Adil El-Kabir donnait. Grâce à lui, j’ai connu La Rumeur, Less du Neuf, Fabe, la Scred Connexion. Prodige Namor également qui m’a ensuite fait connaitre les ateliers à Marseille. J’y ai rencontré Keny Arkana qui commençait le rap, d’autres artistes comme Kery James ou Hocus Pocus qui donnaient des master classes. On avait fait la première partie inoubliable de Rocca. D’autres sont venus à Sète, tout le monde écoutait ça, on était en surkiff quand on faisait des premières parties.

Après avec ces ateliers rap, on m’a appris à rester droit à l’école. On nous demandait les bulletins pour assister aux ateliers. Au lieu d’aller trainer en ville, on était sérieux on prenait nos cahiers pour aller faire du rap. Je fais encore des ateliers d’écriture aujourd’hui puisqu’Adil a arrêté en 2003, j’ai repris le flambeau directement. On est en 2014 et j’en fais depuis tous les mercredis et les vacances scolaires. Malgré les concerts je suis toujours là-bas avec les petits !

Comment as-tu vécu l’école du coup ?

J’ai jamais trop kiffé l’école. La conseillère d’orientation m’a orienté sur une voie de garage. J’ai fait un vieux truc que je n’aimais pas, je ne suis pas allé en cours mais j’essayais de camoufler le truc face à Adil. Au niveau de l’école j’étais quand même un pourri. Mais là-bas, quand on prenait un stylo, la première chose qu’Adil nous disait c’était « appliquez-vous ! », « pas de verlan ! ». Du coup jusqu’à aujourd’hui j’essaye de m’appliquer. Quand je suis sur scène j’essaye de m’appliquer, d’articuler. Au niveau des études j’étais nul, c’était peut-être pas la bonne méthode, il y en a qui me disent : « on dirait que t’as fait la fac »… A dire vrai j’aurais aimé connaître ça car les études c’est la base. C’est ce que je dis à tous mes jeunes à qui je pense et qui sont à l’école. C’est la base, le pilier !

En ce qui concerne les langues, tu t’es essayé à l’arabe sur le son « Dragon Rash ». C’était la première fois ?

C’est la première fois. Vu qu’on a plusieurs langues j’essaye de faire un petit « combo » à la Tekken. Sur le refrain, je dis : « Oui j’avoue que l’on avance en repoussant les coups, à part la vue on a rien au sommet d’nos tours. Le combat continue chouf ghadi nmoutou, ceux qui partent ne reviennent pas comme San Goku ». « Chouf ghadi nmoutou » ce qui signifie en dialecte marocain « Regarde, on va tous mourir ». Sans trop en faire, on mélange les cultures. C’est une petite dédicace pour ceux qui sont au Maroc.

Tu dis toi-même que tu as fait un premier album un peu plus énervé par rapport au second qui était plus calme. Qu’est-ce que tu prévois pour Dragon Rash ?

C’est le mélange des deux ! Le BPM va être un peu plus rapide, les featurings vont apporter quelque chose de différent. C’est un album qui varie. Par exemple, j’ai invité Maestro qui vient du Canada et qui fait du ragga. Il m’a fait la prod et le refrain. L’album Les histoires a été fait dans une période plus acoustique. On faisait beaucoup de lives et de festival. Je laissais parfois plus de place à la musique qu’au texte, je laissais respirer l’instru, couler la musique, contrairement à Artisan du Bic qui était textes sur textes. Le troisième va se situer vraiment entre les deux.

Comment as-tu fonctionné pour l’enregistrement ?

Mon deuxième album était déjà mixé par Eric Najar de One drop beats. C’est encore lui sur cet album ! C’est un tueur ! Sinon j’enregistre chez moi, je lui envoie les pistes et il me les renvoie mixées.

Tu as écris « Dragon Rash » en pensant forcément à Dragon Ball Z. Dans une interview à hiphopstadeofmind, tu dis « J’aime ce que je fais, je me transforme en Vegeta dès qu’il y a le micro et l’instru tu vois (rires) ». Alors pour lancer le truc, j’ai envie de te demander plus Végéta ou San Goku ?

La fusion des deux ! (rires) Malgré les différences entre le bien et le mal, à la fin ça finit en fusion !

Il y a déjà quelques références à Dragon Ball dans ta discographie. Tu as utilisé une instru de l’OAV Les mercenaires de l’espace qui avait été déjà reprise par Bouchées Doubles. Tu en as fait : « Continue d’y croire ». Avais-tu écouté « En ton nom » de Bouchées Doubles avant ?

Je n’avais même pas écouté avant, ce sont les auditeurs qui m’ont dit que je l’avais reprise. Le thème du son ne parle même pas de Dragon Ball. J’ai vu ça avec Tiers Monde puisque je tourne avec Nomad Massive. C’est Proof que je connais qui avait fait la prod. C’est magnifique, je l’ai fait sans savoir !

Tu as également repris l’instru dans l’OAV avec Tapion sur ton titre « Le dernier chevalier ». Il y a eu d’autres références à Dragon Ball faites par d’autres rappeurs (sur cette question, un article par le site hypesoul) Quel est selon toi le rapport entre Dragon Ball Z et le rap français ? Pourquoi reprendre Dragon Ball?

Le seul son que j’avais écouté était celui de Zekwé Ramo sur « Génération Dorothée ». Il y a un nouveau morceau de Alonzo qui va sortir et qui parle de Dragon Ball. Pour ma part, quand j’ai repris Dragon Ball, c’est l’instru de l’ocarina qui m’a lancé. Puis un pote, Tequila Mer2crew, balance une pochette avec mon visage. J’ai été impressionné. Il s’est contacté avec Ali au Studio 411. Ils sont venus à Sète et ils m’ont fait le clip. Je ne m’attendais pas à ce rendu là et j’ai kiffé. Ils m’ont fait ça rapidement, des tueurs. J’ai appelé le morceau Dragon Rash et après j’ai pensé à l’album.

La référence à Dragon Ball n’est pas seulement esthétique. Quand tu regardes les valeurs véhiculées par le manga, n’ont-elles pas un certain écho dans ta musique ?

C’est clair qu’il y a un délire Dragon Ball. Mais j’ai grandi avec Dragon Ball, c’est normal qu’il y ait un écho.

La date de sortie de Dragon Rash est donnée ?

L’album est fini. Ce sera le 19 Janvier 2015 !

Un petit mot de la fin ?

Le Bon Son a faim ! (rires)

En attendant la sortie de Dragon Rash, vous pouvez vous tenir au courant sur l’événement facebook et faire un tour sur le site officiel de Demi Portion.

Crédit photo : Koala Pictures

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