Visions Sonores : un album entre hommes et mômes

On qualifie souvent un album d’ « album de la maturité » quand l’artiste en question a derrière lui une longue liste d’albums qui permette de les comparer entre eux. Ce n’est pas le cas de l’album éponyme du crew Visions sonores. Composé de trois MC’s du nom de Mesa, Dewi, Dix-Neuf, ainsi que de Noutch à la prod., il s’agit du premier album du crew au complet même si chacun possède l’expérience acquise sur d’autres projets (les excellents albums « Etre humain » des Frères de son et « Dans ma peau » de Mesa). Pourtant, « maturité », c’est véritablement un qualificatif que l’on pourrait employer en ce qui concerne cet album. Il s’agit du meilleur terme pour désigner ce dont il est question dans cet album. Si nous avons affaire à un album possédant une certaine maturité, c’est en ce sens que les thématiques de l’album sont celles de trentenaires portant un regard sur leur vie passée et actuelle. Dès lors que c’est l’expérience de la vie qui parle, il ne peut être question que d’un album résolument introspectif qui nous dévoile la mentalité de ceux qui se présentent comme « des hommes qui restent des mômes ».

Ce premier extrait dévoilé en 2011 nous donnait la couleur de l’album, résolument axé sur une description de la vie dans ce qu’elle a de plus beau et de plus triste. Tous ceux qui auront suivi Visions sonores depuis quelques temps ne seront pas surpris par les discours des MC’s déployés dans cet album qui poussent à la réflexion sur la vie et ses buts. Nous rappelant que ce qui compte vraiment n’est certainement pas à chercher dans l’accumulation de biens matériels mais dans l’affection et l’amour que nous portent ceux qui nous entourent, les sons s’enchaînent et dévoilent des vécus comme tant d’autres en connaissent mais dont on parle peu. Ce sont les inquiétudes, les joies et les peurs que tout un chacun peut avoir qui sont prises pour thème. La difficulté à mettre en musique et en mots de tels sentiments est réelle, mais Visions Sonores y est parvenu avec brio.

« Est-ce qu’un jour la réussite sera des nôtres, est-ce qu’un jour le fait qu’on se fatigue rendra notre avenir moins mesquin ? Pour l’instant on reste humble, on profite pleinement sans se plaindre, pourquoi se restreindre ? » Fatigué

De fait, si la beauté du rap de Visions sonores tient à quelque chose, c’est dans cette capacité à rendre beau la banalité d’un quotidien monotone. Mesa, Dewi et Dix-neuf ont l’expérience de ceux qui ont vécu, qui ont des choses à partager, et qui parlent pour toutes les personnes déçues par la banalité de leur vie. Loin d’une existence fantasmée, c’est dans la réalité de nos existences que s’ancre cet album. En témoigne un son comme « Quelqu’un de bien », une forme d’hommage aux personnes que l’on ne remarque pas au quotidien et qui pourtant rendent la vie de ceux avec qui ils la partagent bien meilleure grâce à des petits gestes dont on ne mesure jamais la portée. Chose rare, il s’agit d’un album qui nous pousse à nous retourner sur nos propres pas, sur notre propre route, à regarder le chemin accompli et surtout à agir. Car bien loin d’être déprimé, c’est avec le sourire et l’envie de bien faire les choses envers ceux qui nous entourent que l’on ressort de cette écoute.

Les prods de Noutch ne sont certainement pas étrangères au dynamisme qui ressort de cet album, bien que les thèmes des textes ne soient pas particulièrement propices à l’énergie. Il parvient à donner une couleur assez spécifique à cet album, entre la nostalgie de prods plus à l’ancienne et de nouvelles sonorités. La richesse musicale est claire. Les prods sont aérées, non-oppressantes et très mélodieuse. En adéquation parfaite au texte de telle sorte, comme souligné plus haut, que le dynamisme ne se perde pas. L’album porte vraiment la marque de Noutch puisque le seul autre beatmaker que l’on retrouve est Since sur le son « conscience ». On notera l’absence de featuring sur l’album qui démontre une volonté de la part du crew de faire un album « maison », en famille pourrait-on dire.
L’album est truffé de petits clins d’œil au rap hexagonal grâce au scratch de DJ Resko qui vient poser sa patte sur six des dix-sept sons de l’album. On mentionnera particulièrement, car surprenante, la prod de « ça me manque » qui finit avec ce son si caractéristique de Gameboy qui parlera à tous ceux qui ont eu la chance de jouer sur ces premières consoles portables. Nostalgie, avez-vous dit?

En résumé, c’est la tension entre les difficultés de la vie et ses joies que nous décrit cet album. C’est pourquoi les références à la parenté et à la paternité sont nombreuses, mais en permanence contrastées avec des points plus sombres comme la perte des êtres chers, les problèmes d’argent ou de drogue. C’est ce contraste qui caractérise Visions sonores et qui leur permet de nous délivrer un album riche en émotions qui ravira certainement tous ceux à la recherche d’un rap vrai. Véritable témoignage de l’authenticité d’une existence qui ne cherche pas à se cacher sous des faux-semblants et qui décrit la beauté des choses dans ce qu’elles ont de plus difficiles mais aussi de plus magnifiques, on a assurément affaire à un album écrit « à cœur ouvert », et qui, rien que pour cette raison, mérite d’être écouté attentivement. A prescrire en guise de thérapie !

« C’est plus du rap… A ce niveau-là c’est médical… » Confidences

On soulignera, pour conclure, que Visions sonores a mis son album en écoute libre sur youtube le jour de sa sortie, et on ne peut que les remercier pour ce geste. En attendant la sortie physique de l’album d’ici quelques temps, n’hésitez pas à aller le télécharger sur itunes ou sur amazon.

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