Noir mais blanc

De la noirceur, une voix on ne peut plus d’outre-tombe, des prods mélodieuses remplies de piano et samples, de la nostalgie dans les mots, de l’obscurité dans les cordes vocales; apprêtez-vous à plonger dans le personnage de Scylla. Retour sur un album passé sous silence.

Mais méfiance, car Scylla n’est pas de ces croque-morts ancrés dans la génération actuelle qui extériorise son mal-être pour espérer en déduire quelques euros et se sentir dès lors intéressant. Ce n’est pas en glorificateur des « douleurs muettes » qu’il se livre, mais plutôt en accompagnateur des périodes compliquées de chacune de nos vies. Impossible de ne pas s’identifier sur l’une des nombreuses tracks qui respirent l’honnêteté de l’auteur et touchent en nous le quartier sensible de l’être humain. Du vécu, beaucoup de vécu. C’est cette source d’inspiration intarissable qui oriente sa plume, sûrement la raison majeure d’un ressenti de réelle cohésion globale. Peut-être un brin trop égoïstement, oui, cet album est de ceux qui se rapprochent le plus des autobiographies… réussies.

Au terme d’une astucieuse trilogie menée à bien (« Immersion-Thermocline-Abysses »), le fil rouge en saigne. La profondeur des thèmes noiera peut-être les néophytes, mais qu’importe, le bonhomme s’assume pleinement. C’est plus un soulagement, un souffle d’espoir qu’il tente de faire jaillir en nous. Ni guide moral ni modèle autoproclamé, S.c.y s’affirme tantôt en expiateur (« Coupable« ), tantôt en fou car incompris (« La sagesse d’un fou« ), mais toujours avec un souci de cohérence qui rend l’écoute de son album facile et agréable. Point de mauvaise surprise type vocoder, autotune ou je ne sais quel featuring commercial justifié par un « risque artistique ». Authentique, on vous dit !

‘Vos disques durs sont pleins, mais vos mémoires sont vides.’

Le MC belge, blanc comme une tasse de porcelaine, est pourtant submergé de noir comme lorsque le café chaud vient de couler. Une amertume naturelle, perpétuelle, qui le conduit à se remémorer des souvenirs et des contritions dans « Rien à remplacer« , sans pour autant nier les passages difficiles de l’enfance à l’adolescence. De la mélancolie en veux-tu en voilà, certes, mais de la vérité et une sincérité qui se prolongent dans les interviews dispatchées sur le net au gré des amateurs du « Bon Son ».

Pour ceux qui buteraient sur la trop grande part accordée à la nostalgie et à la quête de solitude paradoxale mais récurrente, je ne saurais que conseiller des titres hors album plus axés sur la technique comme « petit papa noël » ou « ceci n’est pas un hit« . Une note spéciale pour ses excellents clips façon « dessins animés », ou les très propres « J’réclame » et « Second souffle ».

Il faut dire que les beatmakers qui l’épaulent ne sont pas en reste : Nizi, Crown, Soulchildren pour ne citer qu’eux, proposent des boucles aux petits oignons. Et que dire de ses deux acolytes Furax et Saké, qui font le taf en posant des couplets avec rigueur et simplicité. Seules les apparitions de Tunisiano et Red-K ne semblent pas à la hauteur du projet ni de leurs réputations.

15 morceaux d’une qualité devenue rare, dignes de figurer dans les meilleures discographies des supporters de la cause rapologique. Inutile de chercher à l’additionner dans un dossier de mp3 téléchargés à la va-vite, Scylla ne tient dans aucune case.

Avec son album « Abysses« , Scylla se place définitivement en soldat généreux du Hip-Hop bien en marge de ce foutu rap game, et si proche des meilleures bics francophones. Il laisse la trace des grands artistes, ceux qui font de leur nom une identité, une référence en leur propre matière. Alors après votre écoute, répondez-lui.

Abysses : Deezer / Youtube / iTunes

Lire aussi : Scylla – l’interview « Abysses » / Scylla : vers les grandes profondeurs

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