« Haut la main » est sorti voilà un peu plus d’une semaine, annonçant le 2ème album de Flynt, Itinéraire bis, cinq ans après l’incontournable J’éclaire ma ville. À cette occasion, le MC nous a accordé un long entretien et s’est prêté au jeu des questions-réponses. Voici la première partie de l’interview : ses débuts, Explicit Dix-Huit, J’éclaire ma ville, l’attente autour du deuxième opus, l’indépendance, le live… Flynt retrace son parcours en exclusivité pour Le Bon Son.
http://www.youtube.com/watch?v=J77AoOI-A4U
Le Bon Son : Flynt bonjour, peux-tu revenir sur tes premiers contacts avec le Hip Hop ?
Flynt : (Il réfléchit) J’ai pris le wagon des débuts du rap en France. Je devais avoir 12 ans, à la fin des années 80, et tout ce qui est sorti, le rap US d’abord, puis les premiers trucs de rap français, on les a pris en pleine tronche. En fait, avant ça j’écoutais déjà pas mal de musique, j’avais une petite radio dans ma chambre. J’écoutais ce qui passait à la radio. Et puis quand j’ai découvert le rap US, puis le rap français, j’ai tout de suite su que c’était la musique qui me correspondait.
Et en tant qu’acteur ?
J’ai toujours aimé écrire depuis que je suis petit. Je me souviens que mes profs de français me faisaient lire mes dissertations devant toute la classe parce qu’ils trouvaient que ça en valait la peine. Je prenais vraiment du plaisir à écrire. Donc quand j’ai découvert le rap… il se trouve que ma mère avait une platine vinyle. Elle écoutait des disques de David Bowie, les Bee Gees, etc. Donc il y avait quelques vinyles à la maison et je farfouillais, j’écoutais… Et puis plus tard j’ai découvert qu’il y avait un magasin de disques pas loin de chez moi, Street Sound, spécialisé dans le vinyle, où j’allais choper des disques de rap, des albums et des maxis avec les instrumentaux. En 1995 j’avais des potes qui rappaient déjà, et qui venaient à la maison parce que j’étais le seul qui avait une platine vinyle avec des disques et des instrus. Et puis comme j’aimais bien écrire, et que je voyais les mecs écrire chez moi, forcément je me suis mis à gratter avec eux.
Du coup j’ai allié mes deux passions pour le rap et l’écriture, et je me suis mis à écrire du rap. Voilà comment ça a commencé en gros : dans une chambre, avec des potes, autour d’une platine et d’un instru ricain.
Ton premier projet, Explicit Dix-Huit, a eu un certain impact. Est-ce que ça t’a aidé pour la suite, ça t’a ouvert quelques portes ?
Oui, ça a eu un impact car les morceaux était bons dans l’ensemble et le concept aussi. Notre motivation, notre objectif, c’était de réunir, de fédérer les acteurs de l’école du 18ème. Après oui personnellement, avec ce projet j’ai rencontré des gens, ça m’a permis de faire mes armes. J’avais encore jamais produit de disque, j’ai appris beaucoup de choses : j’ai découvert l’univers de la production musicale, comment faire un disque, sous toutes les coutures. Et comment le promouvoir. Et c’étaient mes premiers morceaux solos, ou presque. “Choc frontal” c’est mon deuxième morceau solo. Puis y’a eu “Vieux avant l’âge” qui a été plébiscité par le public… Je me suis donc aussi découvert en tant qu’MC.
“‘Choc Frontal’ a été diffusé sur MTV, alors que c’était un morceau de mixtape à la base, de cassette ! Je sais même pas si d’autres clips issus de morceaux de mixtapes cassette sont passés sur MTV…”
Ça m’a ouvert des portes dans le sens où les morceaux ont plu. “Choc Frontal” a été diffusé sur MTV, alors que c’était un morceau de mixtape à la base, de cassette ! Je sais même pas si d’autres clips issus de morceaux de mixtapes cassette sont passés sur MTV… Et puis les gens ont bien aimé, j’avais fait un track sur Skunk Anthology à peu près à la même période, juste avant je crois, et juste après j’ai fait un track avec Lyricson. Ce sont ces trois ou quatre morceaux-là qui m’ont révélé un peu. J’y ai pris goût. C’est en ce sens-là que ça m’a ouvert des portes, mais je pense que les portes je les ai ouvertes moi-même, j’ai continué à faire mes propres trucs toujours en indé depuis. Personne n’est venu me chercher après Explicit Dix-Huit, personne ne m’a pistonné ni avant, ni pendant, ni après. Mes textes je les écris moi-même et mes disques je les produis moi-même. “Ouvrir des portes” c’est peut-être pas le bon terme, mais je me suis fait connaître en grande partie avec ça. Ça m’a aussi fait prendre conscience que j’avais un niveau, que j’avais des choses à dire, et qu’au niveau de la forme et du fond ça pouvait tenir la route. Et j’ai continué.
Est-ce qu’un jour on aura droit à un Explicit Dix-Huit 2 ?
Pas produit par moi en tout cas. Parce que tout d’abord, faire des compilations c’est une galère. C’est long et difficile, et au sortir d’Explicit Dix-Huit je me suis dit que je ne ferai plus de compilation. Explicit Dix-Huit 2 il en a été question quand même plusieurs années après, mais je n’avais pas envie de remettre le couvert. Aujourd’hui je n’habite plus dans le 18ème, depuis plus de quatre ans maintenant, je suis un peu loin de ce quartier où j’ai passé toute mon enfance et ma jeunesse et je n’ai pas envie de m’engager dans un projet aussi fastidieux.
Tu es un des seuls rappeurs en France à avoir sorti un DVD live, qu’est-ce qui t’a motivé, alors que c’est dur de rentrer dans ses frais avec ce type de projet ?
Commercialement c’est pas très intéressant. On a sorti un maxi vinyle, l’album en CD, en vinyle, en digital aussi par la suite, et on a fait un DVD. Ça a permis de boucler la boucle, c’était le point d’orgue de cette aventure en quelque sorte.
Et en fait le DVD on le doit à DJ Dimé, c’est lui qui a eu l’initiative de ce projet. Il a longtemps été le DJ de Diam’s, et avec tout ce qu’il a emmagasiné comme expérience il m’a beaucoup aidé dans la préparation à la scène et à être performant sur scène. À la Maroquinerie, c’était mon premier concert d’une heure et demie. Dimé avait dans l’idée de faire une captation, pour éventuellement en faire quelque chose. Et ce concert fut une belle réussite parce qu’on avait bien bossé. Un très beau souvenir, pour ma première date “Flynt” à Paris, en 2008, après plus de dix ans de rap. Aujourd’hui y’a des mecs, ça fait un an qu’ils sont dans le rap, ils sortent un album ou pas, et ils font directement des concerts. Pour moi ça ne s’est pas passé comme ça, et c’est pour ça que mon album s’appelle Itinéraire bis : j’ai un chemin un peu long et difficile comme l’est celui des indés. Aujourd’hui j’ai une quarantaine de concerts de plus dans les pattes qu’en 2007, j’ai un peu plus de bouteille.
http://www.youtube.com/watch?v=moLrD2KXvYk
Peux-tu nous éclairer sur le titre de ton premier morceau : “Splifflife”, “Skunk Anthology”, “Le peu qu’on s’offre” ?
Le titre écrit sur la pochette de Skunk Anthology c’est “Splifflife”, mais avec le recul je trouve ça bof, alors je l’appelle “Le peu qu’on s’offre”. Je l’ai rebaptisé en route.
Qu’est-ce que ça t’a fait de voir que le public s’en souvenait encore en live ce soir-là (cf DVD) ?
Je suis toujours surpris de voir que des gens viennent au concert connaissent les paroles, ou même qu’on vienne m’interviewer, ça me surprend toujours que des gens me connaissent et s’intéressent à moi à travers le rap.
Et du coup, le fait de pas être blasé, te permet de rester proche de ton public ?
Je ne suis ni blasé, ni aigri, ni frustré, ni jaloux. J’ai du recul par rapport à ce que je fais dans la musique. J’ai envie de garder ce recul et de la distance, et c’est aussi pour ça que je bosse à côté et que je mène une vie que je qualifierais de normale. Même si là j’ai arrêté de bosser pour produire l’album dans les meilleures conditions. Ce qui est sûr c’est que je n’ai pas la grosse tête. Je suis sûr que certains dans le milieu pensent que j’ai la grosse tête parce que je fais peu de featurings ou parce que je ne me mélange pas trop. Alors que moi j’ai juste pas les capacités et le temps pour faire tout ce qu’on me propose, et pas l’envie parfois aussi. J’aimerais bien écrire un 16 par jour et faire plus de titres mais j’y arrive pas. En tout cas le public et les gens qui me connaissent le savent que je n’ai pas la grosse tête.
Dans “Rap Théorie”, tu dis “Jugé classique par le public, ‘J’éclaire ma ville’ a pris perpète”, et c’est vrai qu’il est souvent cité comme un classique. Es-tu conscient de l’attente ?
L’attente, oui je la ressens, ou plutôt je la vois, je l’entends, je la lis. Comme maintenant avec internet tu peux savoir ce que les gens pensent de toi. Et effectivement, J’éclaire ma ville ça a été une surprise pour les gens. On m’avait entendu sur quelques compilations, sur mes maxis. Ils se disaient “on va voir ce que ça donne”, et puis ils ont vu de quoi j’étais capable sur un album. Personne ne s’attendait à ce disque là. Aujourd’hui pour mon nouvel album, il n’y a plus d’effet de surprise, je dois confirmer, ne pas décevoir les gens qui attendent la suite, et couper l’herbe sous le pied de ceux qui m’attendent au tournant.
“Ils se disaient “on va voir ce que ça donne”, et puis ils ont vu de quoi j’étais capable sur un album. Personne ne s’attendait à ce disque-là.”
Est-ce que tu ressens une forme de pression ?
Y’a toujours une pression. À chaque fois que je sors quelque chose, même avec « Choc frontal”, j’avais une pression. Quand tu écris des chansons, que tu les enregistres, que tu fais en sorte que ça soit diffusé, que les gens les écoutent, que quelque part tu entres dans leur tête avec tes couplets, que tu montes te percher sur une scène devant un public forcément tu as une pression. Tu as envie que ça plaise. Je cherche à être bon et performant dans ce que je fais donc la pression est toujours là.
Maintenant, la pression sur le 2ème album, c’est plus en tant que producteur du disque que je l’ai actuellement. Parce que je suis producteur du disque à 100% sur ce disque-là. J’ai collaboré avec plusieurs personnes pour les mixs, les instrus, la pochette, la boutique en ligne etc… mais le “cerveau” si on peut dire, c’est moi. C’est moi qui coordonne, qui organise, qui choisit et planifie tout. Et c’est là que j’ai la pression. Faire les choses bien, dans les temps, amener le disque et le promouvoir comme je veux, gérer l’artistique et simultanément le budget, la communication, l’image, le planning, etc. J’ai pas trop la pression sur les morceaux à me demander si ça va plaire ou non même si je veux que ça plaise au plus grand nombre. Mais “qui m’aime me suive !”. En tout cas j’ai été bien entouré, toutes les personnes avec qui j’ai bossé c’est des mecs biens, qui m’ont fait confiance, qui m’ont fait avancer, qui m’ont soutenu et qui croient en moi pour la plupart. Et bosser avec des bons mecs ça t’enlève de la pression.
Sur l’artistique je considère que j’ai choisi des instrus qui sont le haut du panier. Je pense que j’ai écrit des morceaux qui tiennent la route, qui ont du sens, et qui pour moi sont totalement dans la lignée de ce que j’ai fait avant. La pression je l’ai donc moins en tant qu’artiste qu’en tant que producteur à cette heure-ci mais ça va s’inverser quand j’aurai fini mon boulot de producteur, même s’il ne sera jamais vraiment fini. Une fois que le disque sera sorti on a quelques dates de concert, et là je l’aurais vraiment la pression artistique.
Et c’est pas trop compliqué de gérer le projet de A à Z, tout seul, quand on bosse à côté, et qu’on vit d’autre chose ?
Je suis indépendant par la force des choses et par choix. Par la force des choses parce que ce qu’on te propose dans la musique au niveau des maisons de disque et tout ça, leur milieu, ça ne me parle pas, ce n’est pas moi. Et puis aussi je n’ai pas vraiment l’âge, le style, la personnalité, la flexibilité et le discours pour être courtisé par une maison de disque, du coup ce que je fais ça ne leur parle pas non plus. Tout le monde s’y retrouve en fait. Mais je suis indépendant aussi par choix parce que j’aime le taf de producteur et surtout parce que je veux être libre, c’est ce qu’il y a de plus important pour moi d’être libre, au possible.
Après, est-ce que c’est compliqué ? Oui. Forcément, parce qu’il faut concilier une vie de famille, une vie professionnelle, et sortir un disque. Mais disons que tout est une question d’organisation. Y’a plein de gens qui sont uniquement MC’s et qui pourront jamais produire leur disque parce qu’ils sont pas organisés ou qu’ils n’ont pas la capacité pour le faire. C’est un vrai job prenant et chronophage. C’est une gamberge particulière producteur : il faut savoir anticiper, être patient, être organisé…
« Faire du rap tout le temps, tout le temps… y’a d’autres choses dans la vie. Moi qui suis laborieux dans l’écriture, je ne voulais plus être tous les soirs comme un autiste devant ma feuille. »
Ce qui est sûr c’est que c’est plus long : moins d’argent et plus de taf pour un seul homme équivaut à plus de temps pour tout faire. Quand tu fais un peu tout forcément ça prend plus de temps. Le temps que je passe à faire çi ou ça, je le passe pas à écrire. Maintenant, quelqu’un signé en major a aussi des contraintes, qui ne sont pas les mêmes mais il peut plus se concentrer sur l’artistique, il est là pour ça. Mais il est moins libre et il a moins de contrôle j’imagine. Je préfère avoir plus de contraintes mais être maître de mon sujet et être libre. Libre de faire ou de ne pas faire, libre de mes choix. J’insiste sur cette notion de liberté. Pour moi la musique c’est la liberté, elle n’appartient à personne. Tout le monde a le droit de la faire comme il l’entend à sa manière
Et donc le fait de tout gérer de A à Z explique un peu les 5 ans entre les 2 albums ?
Oui, mais pas seulement. J’ai passé la première année après la sortie de J’éclaire ma ville à faire de la promo et à bosser pour être bon sur scène et pour avoir un show qui tient la route. On a fait une tournée sans tourneur, mais les gens nous contactaient parce que l’album avait fait du brui. On organisait les concerts nous-mêmes en direct avec les organisateurs, et ça prend du temps. C’était un peu nouveau pour moi. J’avais déjà fait des concerts à droite, à gauche, mais des concerts où t’es la tête d’affiche, c’est pas du tout la même approche. Faire une heure et demie, ça se travaille.
Au sortir de tout ça j’étais vidé. Donc j’ai eu besoin de souffler, et puis surtout de vivre. Parce que mon rap se nourrit essentiellement de ce que je vis, ce que je vois, ce que j’entends, des gens que je rencontre. C’est ce que j’ai voulu dire dans le morceau “Mes sources” : “Ce que je vois, ce que je vis”. Mes sources d’inspiration il ne faut pas les chercher plus loin. Donc j’ai eu besoin de me remettre à vivre des choses qui n’étaient pas faire des concerts ou de la promo ou enregistrer et tout ça pour pouvoir en parler dans de nouveaux morceaux. Et puis faire du rap tout le temps tout, le temps… y’a d’autres choses dans la vie. Moi qui suis laborieux dans l’écriture, je ne voulais plus être tous les soirs comme un autiste devant ma feuille. J’avais assez donné, fallait que je fasse d’autres trucs.
Et puis un soir de décembre 2009, j’ai eu un déclic, et je me suis dit qu’il fallait y aller, c’était il y a 3 ans. Depuis, je bosse sur ce 2ème album. Ça a été très dur de reprendre, comme un sportif qui a arrêté la compet’ pendant un an et demi. Et là les 6 derniers mois j’ai charbonné comme un ouf pour tenir les délais et impératifs que je m’étais fixé. Plus de 3 ans pour faire ce 2ème album, comme je te disais tout à l’heure, quand t’as peu d’argent et beaucoup de choses à gérer c’est plus long, c’est ce que j’explique dans le teaser.
Itinéraire bis : sortie le 15 octobre
Chronique de connaisseur sur le Rap en France : Flynt : l’éclairage permanent
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