Chronique : Apollo Brown & Ras Kass – Blasphemy

Il est de ces artistes qui vous marquent. De ces personnages que vous citez instantanément quand vous parlez de votre style de musique. De ceux qui vous feront inévitablement bouger la tête. Je veux parler d‘Apollo Brown. Un producteur désormais de renom, une valeur sûre. On ne compte plus ses succès seul (The Reset, Clouds, ou Thirty Eight il y a quelques semaines) ou accompagné avec The Left, Ugly Heroes , O.C., ou encore la rappeuse Boog Brown.

À chacune des sorties du producteur de Detroit, je me rue chez mon e-disquaire (désolé pour les matérialistes) et j’écoute. Cette fois Apollo Brown s’est associé à Ras Kass. Le MC est un vieux de la vieille, bien connu sur la côte Ouest depuis les mid-90’s avec son pote Kurupt. Plus récemment, son A.D.I.D.A.S (All Day I Dream About Spitting, 2010) avait séduit la critique, mais son dernier album en date, Barmaggeddon (2013) était passé un peu sous les radars. Après March On Washington, dont on vous a déjà parlé, « Blasphemy » est la deuxième grosse sortie de ce mois d’octobre pour Mello Music Group.

Autant ne pas y aller par quatre chemins et vous la faire courte : cet album est une bombe. On connaît la tendance d’Apollo Brown à troncater des boucles entêtantes, les dupliquer, y ajouter un beat percutant, et caler un refrain chanté/accéléré qui sent le vinyle de ta grand-mère de Brooklyn, ou de ta tante de l’Ohio (Bon, j’ai pas de famille américaine, mais on va faire comme si). Pour résumer, c’est globalement le style des instrus du producteur du Michigan qu’on retrouve ici. C’est la recette de « How To Kill God ».

Rhymes percutantes, Ras Kass a le flow sérieux quand il s’agit de décrire comment l’Homme prend la religion pour prétexte à ses desseins malsains.

 

« Mormons believe prophet Joe Smith
Say Christ appeared in America in 1820 and shit
Said black people is cursed
Preach polygamy and told the white man to rule the Earth
Utah still racist as can be
So mothafuck Donny and Marie » – Ras Kass, « How To Kill God »

« Les Mormons croient au prophète Joe Smith
Disent que le Christ apparût en 1820 et toute cette merde
Dît que le peuple noir est maudit
Prône la polygamie, et dit à l’homme blanc de diriger le Monde
l’Utah est toujours raciste au possible
Donc niquez vos mères Donny et Marie » (personnages mormons d’une série TV des années 70)

 

Comme si on manquait de MC de qualité, alors qu’on tient du top niveau avec Ras Kass, on trouve sur cet opus quelques invités dont la réputation n’est plus à faire. Sur « H2O », premier single de l’album,  s’essaient ainsi Raaka Iriscience (de Dilated Peoples) et Pharoahe Monch, dont la complexité des paroles est à nouveau époustouflante.

« In order to recollect exceptional memories
I developed a way to transform brainwaves into binary code from energy
Translate algorithms, converted the information to digital
Uploaded compiled files of wisdom » – Pharoahe Monch, « H2O »

« Afin de retrouver d’exceptionnels souvenirs
J’ai développé un moyen de transformer les ondes cérébrales d’un code binaire en énergie
Traduit les algorithmes, converti l’information en numérique,
Téléchargé des compilations de fichiers de sagesse »

Royce Da 5’9, de Detroit lui aussi, Xzibit et Bishop Lamont prennent place sur « Giraffe P*ssy », Larina pousse elle la chansonnette sur « Too Much Of A Good Thing ». Surtout, en fin d’album avec « Drink Irish » (« Smoke jamaican / Fuck brazilian model chicks on vacation… »), ce sont Slaine, Sean Price, et un Sick Jacken des très grands jours qui (se) régalent. Mais avant d’en arriver là, Ras Kass et Apollo, nous refont le coup de la thématique religieuse pour décrier les bassesses de ce monde sur le brillant « Deliver Us From Evil ».

À mon sens les deux bonhommes sont à leur sommet, leur Everest, au paroxysme de la qualité sur « 48 Laws Pt. 1 ». Cette production va créer des problèmes aux ostéopathes de la place, tant vos cervicales vont souffrir sur ce beat. Savoureux au possible. Et que dire de ce sample, ou du scratch sur lequel on devine Chuck D. Ce track est bon jusqu’au thème choisi,  les 48 lois désignant selon l’auteur Robert Greene, les règles pour se frayer un chemin vers le pouvoir. Rhymes à écouter, à méditer.

Vous l’aurez deviné, cet album est un « instant classic » comme on dit outre-atlantique. Pour vous laisser encore plus l’eau à la bouche, on vous laisse avec le clip de « Humble Pi » , une des autres pépites de l’album…

Pour vous procurer « Blasphemy » , ça se passe ici (téléchargement) ou ici (physique).

Date de sortie : 27 octobre 2014 // Label : Mello Music Group

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2 commentaires

  • Très bonne review ! Apollo Brown au sommet de son art, se prenant pour RZA même sur « Strawberry » ! Et puis Ras Kass dit ce qu’il pense et en 2014 ça fait toujours plaisir. Une des meilleures sorties de 2014 !

    • Merci Funky Child, c’est sympa !
      Hésite pas à aller voir les 10 Bons Sons US En 2014 et nous donner ton avis !

      Bonne année !

Commentaires

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