Furax Barbarossa – l’interview ‘Testa Nera’

Testa Nera. Le titre du nouvel album de Barbe Rousse est tombé en octobre, redonnant espoir à tous ceux qui l’attendaient depuis de nombreux mois. Le Bon Son fête aujourd’hui son deuxième anniversaire, deux ans jour pour jour après la première interview de Furax publiée pour le lancement du site. Voici donc, pour marquer cette nouvelle bougie, l’interview « Testa Nera » du MC, qui revient en exclu et en détail sur la conception de ce nouvel album.

Peux-tu nous retracer ton premier crime au microphone ? (Pour reprendre Interview, de Lino)

C’est marrant que tu me poses cette question sous cet angle… Ce morceau de Lino, c’est  mon morceau préféré, un chef d’oeuvre pour moi. Un titre qui me fout la chair de poule à chaque écoute.. Bref t’as mis dans le mille ! Sinon pour répondre à ta question, mon premier crime au micro, je l’ai enregistré sur un poste-cassette dans une bétaillère au milieu des restes de l’usine JOB [à Toulouse, ndlr] il y a des années lumières ! [rires] Il s’appelait « J’aime » et c’était pas l’extase… Mais putain il m’a régalé !

Quels sont les disques de rap qui t’ont donné envie de te lancer ?

À l’époque j’étais à Paris, à la fin des année 90. On écoutait des freestyles sur Générations, c’était la grande époque  Ali / Booba, et de la clique Time Bomb puis 45 Scientific. Moi c’est eux qui m’ont donné le virus. Après si tu parles de disques, alors l’album d’Oxmo Opéra Puccino, et celui de Shurik’n Où je vis m’ont mis des gifles. Et ils m’en mettent encore.

Perçois-tu l’attente autour de Testa Nera ?

[rires] Tu sais je l’ai annoncé il y a trois ans… Alors oui j’imagine que pour ceux qui me suivent ça commence a leur péter les trucs, je les comprends, mais j’ai pas pu faire autrement. Il y a eu l’album Ingourious Bastardz qui m’a pris du temps (aucun regret), et un tas de galères de studios et personnelles qui ont freiné sa construction. Mais je me suis assez expliqué là-dessus. Ça leur a pété les trucs ? Moi ça m’a cassé les couilles !

Tu as joué beaucoup de titres inédits sur scène, issus de cet album, dont les versions live tournent sur YouTube, ça ne te dérange pas ? Ou tu calcules pas vraiment ?

Je me fous que ces morceaux puissent tourner sur le net bien avant la sortie. En les faisant sur scène, je savais que ça pouvait arriver. C’est vrai aussi que j’ai fait pas mal de titres de l’album en live, en même temps c’était pour présenter ce même album… Tu crois que j’aurais pu le présenter en rentrant sur scène avec « Toulouse Eldorado » et « À boire »? [rires] J’déconne gros, mais tout ça pour te dire que je calcule pas vraiment tout ça…

Furax - Bastard Prod - Le Bon Son - by Chaz- 2

Tu nous avais déclaré l’an dernier que tu avais dû tout réenregistrer… C’est ce qui explique que la date de sortie ait été repoussée ?

Oui comme je te l’ai dit plus haut, beaucoup de soucis. On a tout réenregistré dans l’Abattoir que l’on a reconstruit ailleurs. Car l’Abattoir c’est notre studio : une boîte en bois et en mousse avec un micro au milieu, basta. Mais ce n’est pas ce qui a pris le plus de temps.

Quelle évolution vois-tu dans ton rap depuis « En bas de l’échelle », ton précédent solo ?

 La seule que je puisse voir, c’est celle qui touche tous les MC’s avec le temps : la technique. Avec le temps j’ai perfectionné la rime. Quand j’écoute En bas de l’échelle, certains passages me semblent fades, bien trop simples. Car à l’époque je faisais rimer 2, 3 voir 4 syllabes maximum en fin de phrase. Sur cet album je suis à 4, 5, 6 syllabes minimum. Et ça frappe à 9, 10, 11 ou 12 sur pas mal de  passages. L’évolution pour moi elle est là. Ça parlera peut-être pas aux gens ces histoires de syllabes, mais pour moi c’est l’essentiel : raconter un truc censé en y mettant un max de technique. J’essaie.

Comment s’est opéré le processus de sélection des prods ?

Le processus est simple : j’ai foutu Toxine dans la boîte avec pas mal de matière, et il m’a sorti toutes les prods de l’album ! C’est un monstre, les gens l’ignorent… C’est très bien pour nous ! [rires] Il signe toutes les prods sauf trois, pour lesquelles j’ai fait appel à Nizi, Mani Deïz et Aro. Ils m’ont régalé ceux-là aussi ! Après, pour la sélection, soit j’ai déjà le thème et je cherche celle qui y colle le plus, soit j’écoute des instrus et celle qui me tape sur la tête vient généralement avec son thème.

Qui va-t-on retrouver en featuring ?

Comme d’hab’ j’ai envie de te dire : Jeff Le Nerf, Scylla, Abrazif, Sendo, L’Hexaler et Lams peut-être, s’il baisse un peu son cachet car le type est cher et j’ai pas les moyens ! [rires] Une spéciale pour lui.

Furax - Bastard Prod - Le Bon Son - by Chaz - 3

Explique-nous le choix du titre, « Testa Nera »…

Je crois qu’on en a déjà parlé la dernière fois non ? [rires] Tu tournes en rond Olivier et ça m’inquiète… [il a raison, cf 10 Bons Sons en octobre 2013, ndlr] J’ai appelé cet album « Testa Nera » car ce qui se passe dans ma tête tous les jours est plus noir et sombre que lumineux et gai. Je n’aime pas parler de tout ça, quitte à me plaindre je préfère le faire en musique.

As-tu cherché à donner une couleur particulière à cet album ? Ou un fil conducteur ?

Nan je n’ai cherché à donner aucune couleur à cet album, mis à par son nom, aucun fil conducteur. Mais après plusieurs écoutes, je ne peux pas le nier, on sent une certaine atmosphère pressante et pesante sur la majorité des morceaux. Mais ça ne reste que mon avis. Tu te feras le tien très vite j’espère.

Une date de sortie ?

Pas de date de sortie pour l’instant ! Mais sache… qu’on est sur la vraie fin.

Tu es régulièrement sur scène. Tu continues d’aimer prendre la route, comme avant tes débuts dans le rap ?

Prendre la route a toujours été un plaisir pour moi. Je l’ai toujours fait avec des frères, j’ai traversé des galères pas possibles, mais bien entouré ce n’est jamais une épreuve difficile, ça devient juste un obstacle à surmonter. Aujourd’hui c’est différent, on part pour jouer en concert sans se demander où il faudra s’arrêter pour siphonner du gasoil ou lequel de nos moteurs fumera le premier. [sourire] C’est bien plus zen. Bouger comme ça, en équipe, ça crée des liens terribles.

Furax 5

Sur scène tu donnes l’impression d’être comme habité, c’est ce que tu ressens ?

Ça dépend des scènes tu sais. Ça dépend surtout de qui j’ai en face de moi ! S’il y a des gens avec des balais dans le fion, ça n’aide pas à évacuer la pression, et ça se transforme en un véritable calvaire. Mais si en face tu me fous des chiens, un public réceptif qui sait pourquoi il est venu, alors là je te jure que je ne gère plus rien à part les paroles, et encore… [rires] Tu veux savoir ce que je ressens ? C’est drôle, je vais essayer d’y mettre des mots : fourmis derrière la tête, le coeur à balle, les forces décuplées. Le genre de sensation que tu attrapes en pleine bagarre, y’a un peu de ça, et le tout poussé par ces heures d’attente avant la scène. Donc relâcher la pression me rend complètement dingue ! Il n’y a pas un autre endroit où je prenne plus de plaisir que ça…

Un jour un MC m’a dit et assuré que je calculais tout, et on s’est embrouillés sur le coup. On a jamais fait deux fois le même set. Niveau attitude et gestuelle, on ne prépare rien. Dire que je suis un calculateur c’est m’insulter. Je plains ce MC qui n’a rien compris et qui donc ne prendra jamais son pied le pauvre !

Tu as des petits rituels avant de monter sur scène ?

Oui je mets toujours mon slip jaune à l’envers, puis je fais deux tours sur moi-même et je lèche le front d’un handicapé. Ça va ? Non désolé gros aucun, à part manger des fruits secs.

Tu rappes en solo, mais pas seulement, tu as un projet de prévu en collab’ avec Jeff Le Nerf, tu as participé à des projets à deux par le passé, c’est important de partager le mic pour toi ?

Le partager avec des gens que j’admire et respecte est un pur kif, ce n’est pas une question d’importance. Et puis tu sais, à la base je suis pas en solo, j’ai un groupe, Bastard Prod, et dans ce groupe il n’est pas interdit pour les MC’s de faire des albums solos, alors j’ai sauté sur l’occasion ! [rires] Pour ce qui est de l’album avec Jeff, je m’en fais une joie, ce type est un exemple lyrical pour moi ! Un découpeur.

Tu es un de ces MC’s qui écrivent facilement, ou c’est plutôt un travail de longue haleine ?

Comme je te l’ai dit plus haut, je n’écris plus aussi vite qu’avant car la technique a changé, je ne veux plus me contenter de ce qui me régalait auparavant… Et ça me va, avant il me fallait une ou deux heures pour écrire un 16′. Aujourd’hui, selon le thème, c’est en jours qu’il faut compter, mais au vu du résultat  je préfère. Même si c’est un calvaire parfois : il m’arrive de passer 12 heures sur la feuille sans lâcher. Je te laisse imaginer l’état du cendrier… Et de ma gueule. J’aime avoir le temps pour écrire, écrire un truc propre.

Tu es aux premières loges pour assister à l’effervescence de la scène toulousaine. Tu le vois comme un « réveil » ou bien c’est juste une mise en lumière récente ?

Tu sais Toulouse ne s’est jamais endormie mon pote ! Comme tu dis c’est juste qu’il y a un peu plus de lumière aujourd’hui (ça ne va pas durer, ne rêvez pas). Dans cette ville on a pas attendu qu’ils allument les spots sur nos sales gueules pour bousiller la prod. Les kikeurs ont toujours été présents ici, du Sarrazin Crew à l’Assemblée en passant par Mélange Toxic, Clan d’Instinct, etc. On a toujours eu de bonnes équipes pour représenter la ville. Aujourd’hui des jeunes comme Omerta, Op’N Mic et compagnie vont faire le travail comme on l’a fait avant, et d’autres viendront derrière. Avec ou sans lumière, tu fais ce que t’aimes… Et c’est la même pour tous les MC’s de toutes les villes de France.

Testa Nera - Le Bon Son

Inglourious Bastardz sorti il y a un peu plus d’un an a bien tourné, et vous avez fait pas mal de scènes   (et vous continuez d’ailleurs). Avec le recul, quel bilan tires-tu de cette expérience ?

Faire un bilan m’est difficile, sachant que j’ai l’impression d’être encore en plein dedans. L’album est sorti il y a un moment certes, mais on n’a pas arrêté de tourner en concert avec. On reprend le 1er mars en Suisse [places à gagner ici]. Donc tu vois c’est pas encore fini cette histoire, t’as pas fini de te prendre de la flotte sur Hommage ! Après c’est encore la même histoire gros, pour moi c’est que des bon moments, des souvenirs de fou. Inglourious c’est comme partir en colo mec : un d’ces bordels ! [rires]

Quelques mots pour décrire l’ambiance au Bikini le 24 octobre dernier ?

Pfff c’était magique gros, t’étais là ou pas ? [rires] Scylla sur scène, c’est une leçon pour tous ! Puis Jeff et son frère… millimetré ! Nous on s’est regalés comme jamais [sourire] Rapper dans cette salle c’est énorme ! Unique. Nous ? On y était frère ! Un gros big up à 10vers pour ça d’ailleurs.

Y a-t-il un album de prévu avec la Bastard Prod ?

Oui, c’est dans les tuyaux, on prépare ça… Ça devrait aller plus vite que la Tête Noire. [rires]

Où en est l’album avec Jeff Le Nerf ?

Pareil, dans les mêmes tuyaux !

D’autres choses à nous annoncer ?

Mmm… Non, désolé je n’ai rien d’autre à déclarer, c’est déjà pas mal là nan ?

Merci pour cette interview, un mot de la fin ?

De rien, merci à toi. Tu sais quoi ? Depuis tout à l’heure j’ai « Interview » de Lino qui tourne en boucle… Le mot de la fin : verdict, on n’est pas grand chose. Pace é salute.

Testa Nera - Le Bon Son

Crédit photo : Chaz Shandora, qui a également réalisé les derniers clips de Furax. Merci à lui.

Testa Nera : disponible prochainement.

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5 commentaires

  • Rien que de penser que il n’y a plus que quelques jours (pour moi, beaucoup l’ont deja pecho à Toulouse et en concert) avant d’avoir Testa Nera dans les oreilles. .j’en ai des frissons! Hors de question de regarder les vidéos des live sur YouTube, je veux pouvoir l’apprécier comme il faut… respect immense Fufu, hâte de te voir ensuite sur scène.

Commentaires

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