A peine disparu des actualités Youtube automnales, A2H réapparaissait encore plus fort: “Les hommes pleurent en hiver” sortait le 24 février. 13 titres inédits, une envie inaltérée et un résultat très convaincant, il remet le couvert moins d’un an après son album Libre pour une tape sérieuse, bien plus appliquée et soignée que des dizaines “d’albums” qui sortent actuellement. Impressions et ressentis après écoutes et réécoutes. Et ré-ré-récoutes.
Du sexe, de la beuh, et du Bon Son : c’est parti pour un nouveau tour dans la ride d’A2 ! C’est au beau milieu d’un hiver qui ne nous a pas épargné qu’est venu le soulagement : un projet tout chaud d’A2H. Miam. Il faut dire que les deux premiers extraits, “On charbonne” et “Pas comme vous”, tous deux riches en calories et très différents, nous remplissaient l’estomac entre deux tartiflettes de saison, et nous ouvraient l’appétit pour la suite. “Défoncé comme Morrison”, A2 arrose dès l’intro avec une gouaille de rockeur. La fin de l’hiver annonçant la jouissance, il se plaît à incarner le gamin obsédé, avide de câlins. Qui prétend faire du rap sans prendre (de) position… sexuelle ? Le corps féminin et l’échange de fluides sont régulièrement évoqués, mis en valeur, chahutés, tantôt coquins tantôt carrément pervers, le A2 s’affirme et s’assume. “Ta copine” est un ode à l’amour charnel, la joie de vivre chantonnée sans vulgarité, doucement pimentée par un bagout et une nonchalance exquis, teinté d’un egotrip fort qui lui va bien.
Impayable, il se joue des prods avec la dextérité de Scottie Pippen, et régale les auditeurs -presque spectateurs auditifs – d’un festival de jongles réalisé entre prods coup de poing et musiques “coin du feu” érotiques. Technique, il maîtrise ses efforts physiques pour que son toucher de balle reste brillant, et libère le génial “Avant de s’enfuir” d’une délicate caresse. La sélection des beatmakers explique en partie ces choix offensifs payants : Kobébeats, PRINC€, Sadjo Ka ou A2H lui-même, la profondeur du banc de touche lui permet de jouer efficacement sur tous les tableaux.
Il s’amuse, et ça se ressent. A2H sait se détendre et détendre ; “King chill”, il ne verse pas dans le très tendance cloud-rap (exception faite sur “Vacances à la neige”, moins marquant), mais base son écriture sur ce qui lui plait, confessant même avoir “du porno dans portable”. “Bang bang bang”, lui, concentre une énergie ronronnante, décuplée par la présence de ses deux invités Montréalais Young Mic et ZéFire. C’est le titre qui permet d’en apprendre plus sur les intentions de la bande, LE titre idéal pour la virée en équipe en Cadillac.
Même sa chère “ride” est différente : quasi-intégralement enregistré à Montréal, la couleur de l’opus est neuve. Hyper productif, il n’en est pas moins qualitatif et sa Winter Tape, douzième projet rap solo sur les sept dernières années (!), ne fait que confirmer le bien que l’on pense de lui : du flow, des atmosphères variées, une musicalité unique, une voix et un punch de kickeur qui transpirent la simplicité et la franchise, un fond qui se mêle à la forme, qui donne de l’attitude à son rap.
On ne s’ennuie jamais à l’écoute d’un projet du rappeur originaire de Seine-et-Marne. Seul hic à mentionner : l’absence de format physique pour les collectionneurs des produits Palace Records. Réflexion faite, on peut saluer son omniprésence en affirmant qu’il se bonifie à chaque projet, ne s’enfermant lui-même dans aucune case musicale, et ne laissant aucun média le faire à sa place. Il sait chanter, chantonner, rapper, produire, retourner une foule sans backeur : c’est bel et bien un artiste complet qui, à l’instar d’un Zekwe Ramos, ne reçoit qu’une infime part du succès qui devrait lui revenir. Quand on connaît les noms de ceux qui caracolent en tête des classements iTunes ou autres top sortie d’album, on ne s’étonne même plus qu’être polyvalent et pétri de talent ne suffise pas. Pire qu’un frein, c’est devenu un handicap. Mais terminons sur une note positive pour fêter l’arrivée du printemps : et si A2H avait la bonne idée de proposer une suite ?
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