On a écouté « La Vingtaine » de Melan

Annoncé depuis quelques années déjà, La vingtaine, le premier album de Melan arrivera enfin à la rentrée. Révélé par sa mixtape Vagabond de la rime sortie fin 2012, le Toulousain d’Omerta Muzik enchaînera ensuite avec le premier projet du collectif A contre temps puis avec le deuxième volet de sa mixtape un an plus tard. Nous avons eu le privilège d’écouter l’album en avant-première.

La première chose qui frappe après l’écoute de l’album, c’est l’attachement et l’importance que porte Melan à sa terre d’origine, la Catalogne. Outre l’introduction scratchée de DJ Hesa sur un sample de « Els Segadors », l’hymne catalan et le déjà connu « Yaya » qui est un hommage à sa grand-mère, l’album est truffé de références et de clins d’oeil à la terre du Senyera. Outre le dernier morceau cité, quatre titres de l’album ont déjà été dévoilés. Le déjà classique « La vingtaine », « Nuits de chiens » avec le Bordelais Fhat.R, hymne aux nuits passées à errer complètement ivres dans les rues, l’outro « Catharsis » et « 12ème étage » présent sur le premier volet de nos mixtapes DU BON SON. On peut également citer « Qu’est-ce tu veux ? » sur la face B de « La vie est pleine de surprises » de Mo’vez Lang, connu des fidèles de l’équipe Toulousaine puisqu’ils l’interprètent obligatoirement sur scène.

Une autre chose que l’on remarque avec cet album, c’est le grand nombre de morceaux. Si à l’achat du disque l’auditeur est souvent bien heureux de retrouver plus d’une vingtaine de titres, on se rend régulièrement compte que l’album en question a plus des allures de mixtapes, en raison d’un nombre incalculable de featurings tous plus mièvres les uns que les autres. Et c’est là que Melan s’en tire très bien puisque bien que le nombre d’invités soit plutôt conséquent, la grande majorité apporte une valeur ajoutée au disque. On peut parler d’un Anton Serra stratosphérique sur « C’est pour » produit d’une main de maître par le duo infernal Diaz/Toxine, de Fadah présent sur 4 titres et apportant comme d’habitude des couplets très efficaces et très précis dans les schémas de rimes, et évidemment d’une grande partie de l’entourage proche du Catalan (pour ceux qui attendent la combinaison Melan/Furax il faudra malheureusement encore patienter). Nous saluerons particulièrement les prestations d’Abrazif sur « Dernier appel », de Selas sur « Noir », et de Rilcy sur « Les mots sortent seul ». On pourra regretter cependant quelques morceaux aux allures effectivement plus « mixtape », qui auraient aisément pu être remplacés par des morceaux thématiques présents sur les deux volets des Vagabond de la rime (on pense notamment à « Ma religion », « Madame la France » ou même « Elle le mérite » qui aurait pu apporter une touche de douceur à un album qui en manque cruellement). Autre point fort, Melan a placé les meilleurs morceaux de l’album de manière assez stratégique, de manière à ne pas laisser l’auditeur s’endormir.

Cependant, le Toulousain a fait le choix d’un album homogène et cohérent ce qui est tout à son honneur. On ne rigole pas vraiment et ce n’est pas le but recherché. Les productions, principalement l’oeuvre de Toxine, Bast, Diaz ou Melan lui-même, sont sombres et minimalistes pour la plupart, dans la pure veine de ce qui se fait habituellement dans le sillage Omerta Muzik/Bastard Prod. Melan ne s’aventure pas sur des instrumentales expérimentales, laissant ceci pour les mixtapes. Néanmoins il ne faut pas non plus s’attendre à un album qui pousse au suicide au bout de l’écoute. Il contient aussi quelques morceaux aérés comme « Sous mes semelles » avec Paco et Fadah sur une production énergique de Nizi et Metronom ou « J’m’en rappelerai », clin d’oeil à « J’oublierai pas » de Furax, avec une touche plus légère, sur une instrumentale de Mani Deïz. Mais la meilleure production de l’album est certainement l’oeuvre de Melan lui-même, avec ces somptueux samples de guitare slicés triturés dans tous les sens sur « Guitara trista » où est invitée la chanteuse Paloma Pradal pour ce qui est probablement point d’orgue de l’album.

Textuellement, Melan n’a rien inventé et il ne s’en cache pas. L’écriture est soignée et les thèmes sont classiques (excepté peut-être « Yaya »). Et s’il n’a pas forcément un flow d’acrobate, on sent dans la présence vocale et l’intensité qu’il y met que les textes viennent du fond de son âme. Alors que l’on s’attache souvent à parler de technique pure ou de calculer la plus longue rime (choses également importantes nous ne le nions pas), la qualité d’interprétation est une donnée souvent oubliée quand vient l’heure de juger un disque.

Au final nous avons l’impression que l’objectif recherché par l’album est atteint. La Vingtaine parle de la vie de Melan à l’heure où l’album est fait. C’est-à-dire lorsqu’il a entre 19 et 21 ans. Des années souvent difficile où l’entrée dans la vie adulte se fait généralement, où l’on prend conscience du monde qui nous entoure, des réalités financières, mais où l’on est malgré tout encore jeune. La Vingtaine est construit de manière logique, ne laissant pas de place à un « ovni ». La présence de la mort se fait très pesante et crée une atmosphère qui englobe véritablement les 20 titres de l’album. N’oublions pas non plus que La Vingtaine est un premier album, et que rien n’est jamais parfait dans un premier album. Alors qu’il semble parfaitement installé dans le paysage du rap indépendant en France, nous attendrons probablement quelques innovations pour les projets qui suivront.

aff

Sortie le 22 septembre 2015

Lire aussi : l’interview de Melan pour Vagabond de la rime II

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