10 Bons Sons US en décembre 2020

C’en est enfin fini de cette sordide année 2020, qui s’est terminée de la pire des manières le 31 décembre, avec l’annonce du décès de MF Doom, monument de la scène underground depuis plus de 20 ans. R.I.P. Malgré ces temps sinistres, nous souhaitons la bienvenue à Christophe, notre nouveau rédacteur venu, entre autres, épauler le pôle US. 

Your Old Droog feat. Billy Woods – Odessa

Arpentant l’undeground newyorkais depuis maintenant quelques années, Your Old Droog est sorti de sa pause de quasiment un an, après une année 2019 qui l’avait vu sortir pas moins de trois opus. Parmi ceux-ci, le dernier, Jewelry, sorti le jour de Hanouka, marquait un tournant. Juif d’origine ukrainienne, Droog y intégrait nombre de samples folkloriques et traditionnels, ainsi que des insertions cinématographiques en yiddish, pour un véritable album-concept, où il rendait hommage à son héritage culturel. Il poursuit sur cette lancée avec Dump YOD, ce que l’on peut voir sur la tracklist qui comporte un certain nombre de noms de Républiques post-soviétiques. On retrouve cette même volonté d’héritage culturel sur les instrumentales, l’homme étant toujours accompagné de Tha God Fahim à la production et Mach Hommy à la direction artistique. Et quoi de mieux qu’ « Odessa », hommage à la ville principale de la zone autonome juive dans l’Empire tsariste, pour illustrer ce disque et cette ambiance. – Xavier

Larry June feat. Ro James – Just me & you

Extrêmement actif cette année, avec plus de 5 sorties précédent cet album, en solo ou en collaboration (avec Berner ou Harry Fraud notamment), le MC de San Francisco finit en beauté avec Numbers. Dans cet album entièrement produit par ses soins, Larry se balade entre rides mélancoliques et flegme naturel, dans une atmosphère musicale de g-funk de grisaille. Si l’ambiance tristounette domine l’ensemble du disque, certains morceaux échappent toutefois à l’ambiance classique de la Bay Area. C’est notamment le cas de « Just me & you », où le bougre s’essaie au no-beat et fait également montre de ses qualités de chanson. On ne saurait toutefois que vous recommander l’ensemble du disque. – Xavier

Drakeo The Ruler feat. Rassy Bugatti – Deebo Coming

A peine sorti de prison, après une procédure judiciaire qualifiée partout de scandaleuse, qui l’a, entre autres, vu être obligé de retirer ses albums des plateformes car utilisées comme preuves contre lui, Drakeo signe un retour en grandes pompes en ce mois de décembre, avec la publication de deux mixtapes, We Know the Truth et Because yall asked. Et les stigmates de cette période sont bien présentes chez celui qui devait incarner le renouveau de la scène californienne, en témoigne l’ambiance funeste qui accompagne notamment We Know the Truth, qui, associée à sa nonchalance habituelle, donne un résultat plutôt morbide. Un bon exemple en est « Deebo Coming », où il est accompagné par son cousin Rassy Bugatti. – Xavier

Cult of The Damned – Gung Foo // Worship ft CLBRKS (Prod. Lee Scott & Jack Chard)

Cela faisait un sacré bout de temps que je voulais évoquer ce collectif de grands tarés dans nos sélections mensuelles, voilà qui est maintenant fait ! Cult of The Damned est un collectif résultant de deux crew ; des nordistes et des sudistes issus de diverses banlieues anglaises. Composé de 9 emcees (Lee Scott, Black Josh, Sleazy F Baby, Salar, Stinkin Slumrok, Bisk, King Grubb, Bill Shakes & Tony Broke) et figure de proue du jolie label Blah Records (fondé par Lee Scott), le collectif est actif depuis plus de 10 ans, pratiquant et défendant un boom-bap sinistre et très texturé.

Dégaines de crackhead, haleines de cendrier, caravanes sordides et breuvages en tout genre ; c’est sûr que l’univers graphique du collectif est fortement marqué. On croirait parfois voir des personnages tout droit sorti d’un Abel Ferrara ou d’un Guy Ritchie sous acides. Entre l’accent du fin fond de Coventry et des quotes très obscures, COTD marque les esprits et nous rend rapidement accro. Et de surcroît, ils sont apparemment très modestes : « the group as one of the most incredibly gifted, excellent, God-like, magnificently brilliant group of consummately-skilled, hyper-elite rap superheroes of all time ever. » – Clément

Westside Boogie – Outside feat. Joey Bada$$ (Prod. Mike Lowry, Tae Beast & Rascal)

Après une période assez calme où Westside Boogie a été relativement très discret (à la réflexion, tout comme Joey Bada$$), le emcee originaire de Compton refait surface avec le morceau « Outside », nouvel inédit en attendant un hypothétique album. Concernant la track ici, rien de révolutionnaire mais une vibe très appréciée en ces temps compliqués. C’est smooth mais pas trop, boom-bap mais pas trop et ça laisse surtout la place aux deux rappeurs pour faire ce qu’ils font de mieux : couper, découper, re-découper, hacher menu, couper, découper et cætera… – Clément

slowthai – Thoughts (prod by. JD. Reid)

La case « déplacement pour le besoin des animaux de compagnie » a été cochée : une heure pour shooter un clip minimaliste et rugueux, en accord avec l’esthétique de slowthai. Le jeune rappeur de Northampton est l’une des grosses révélations du rap UK de 2019. Ce nouvel extrait de l’album « Tyron » est représentatif de son style. Atmosphère ténébreuse, paradoxes assumés, accent marqué et flow grimey débité avec une voix haut perchée voire nasillarde. Il y a un petit quelque chose de Queensbridge dans sa musique, qui, couplé à ce style vocal et à ces placements plutôt typiques du rap anglais, donne un vrai charme, entre classique et modernité. – Jérémy

Lil Baby – Errbody (prod by. Section 8)

Sur fond de violons dramatiques, Lil Baby débite en vitesse un texte duquel ressort un sentiment d’urgence. L’urgence de raconter les vieux rêves, celle d’expliquer ses ressentiments, de décrire la grandiloquence d’aujourd’hui, et de mettre le tout sur le même plan, d’exprimer sa gratitude à Dieu pour tout ce qu’il a mis sur son chemin, bon ou mauvais. Ce mélange de détachement et de tragédie, allié à ce flow mitraillette et à ce refrain poignant qui respire la sincérité, font de ce Errbody un morceau prenant, qui nous rappelle à quel point Lil Baby est capable de créer de belles chansons lorsqu’il ne se disperse pas trop. – Jérémy

Ransom & Nicholas Craven – GoodTime feat. Ché Noir & Stove God Cook$

Lorsqu’ils ont appris qu’un morceau de Nicholas Craven, alors inconnu du grand-public, figurait sur la playlist annuelle de Jay-Z, les médias rap québécois ont perdu la tête. Qui plus est, c’était un artiste tout aussi confidentiel, l’énigmatique Mach-Hommy, qui assurait la partie vocale du morceau. Pourtant, Craven n’en était pas à son premier tour de force. Après quelques années à arpenter les DMs de ses artistes préférés, le québécois s’est construit une solide réputation pour les morceaux assassins habillés de boucles soul dépouillées. Cette signature sonore est petit à petit devenue pour eux une garantie de pondre un bon morceau à l’ancienne école, tout en préservant une liberté totale d’interprétation grâce au minimalisme des éléments rythmiques. C’est encore lui qui signait le plus beau come-back de l’année 2020 avec 5 projets successifs en collaboration avec le rappeur Ransom. Sorti d’une retraite de 3 ans, l’ex-A-Team a trouvé en Nicholas le parfait side-kick pour remplir la promesse qu’on plaçait déjà en lui au milieu des années 2000, alors qu’il arpentait les mixtapes de DJ Clue? à coup de couplets assassins. Applaudi en haut-lieu à plusieurs reprises, le duo est désormais l’un des groupes les plus identifié de l’underground étasunien. C’est avec un « GoodTime » en bonne compagnie qu’ils concluent un winning streak, consacrant la prééminence des perdants magnifiques de ce rap jeu. – Christophe

Flee Lord & Havoc – Bound to Take Losses

En 2020, il était difficile de passer à côté de Flee Lord qui a sorti des disques à cadence mensuelle. Malgré les critiques que l’on peut légitimement émettre à l’égard de la surproduction, il faut reconnaître la consistance du New-Yorkais. Mais la conclusion (supposée) de ce run est particulièrement symbolique, puisqu’il n’est entouré de nulle autre que Havoc. Ensemble, ils ont confectionné In the Name of Prodigy pour rendre hommage au défunt Bandana P. Derrière les consoles jusqu’au dernier morceau, la moitié de Mobb Deep nous gratifie tout de même d’un couplet touchant dans le pas très joyeux « Bound to Take Losses ». RIP, P. – Wilhelm

Boldy James & Real Bad Man – Thousand Pills (feat. Stove God Cooks)

Décidément infatigable, Boldy James a remis son bleu de travail en cette fin d’année pour travailler la matière première (pas dépaysante) fournie par Real Bad Man, des fabricants de vêtements qui font aussi, à leurs heures perdues, des « fire ass beats ». Toujours aussi froid, Boldy n’en est pas moins un homme très convivial et invite Meyhem Lauren, Stove God Cooks, Eto, Mooch et Rigz à croiser le fer et discuter de leurs affaires de voyous. Nous avons retenu « Thousand Pills » avec l’autoproclamé Dieu de la cuisine mais tous les morceaux valent le détour. Encore une réussite pour la ConCréature. – Wilhelm

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