10 Bons Sons en décembre 2020

Comme chaque début de mois, l’heure est au bilan du précédent autour de dix morceaux de rap français qui ont retenu notre attention.

Le 13 décembre : Benjamin Epps – Kennedy en 2005 (Prod. J Brav)

Mettez du respect sur son nom. Benjamin Epps, blaze tout neuf dans le rap français, a débarqué en faisant du bruit avec son EP Le futur et scellé la fin de 2020 de son empreinte. Une voix, un flow, des phases et des prods qui cognent et qui lui valent directement le surnom de « Westside Gunn français » sur les réseaux sociaux. Difficile d’en savoir plus pour le moment sur son parcours ou son origine, mais la force de ses mots ne sont pas passés inaperçus, des journalistes rap aux rappeurs, le principal concerné ayant même validé via Twitter ce titre qui lui rend hommage. L’occasion de réécouter les classiques de Kennedy et de commencer à suivre Benjamin Epps. – Antoine

Le 2 décembre : TripleGo – Machakil (Prod. MoMo Spazz)

Dans sa globalité, 3 est le dernier acte d’une vision du futur déclinée en plusieurs séquences, jusqu’au point final prophétisé des années plus tôt : 2020, « les cochonnes [ni les cochons] n’ont plus de groin », scandaient-ils déjà en 2017. Au cœur de la musique du groupe, la vision d’une liberté qui s’étiole sous le poids des violences symboliques. La pièce d’introduction « Machakil » permet de faire la synthèse d’un discours musical dont on a pu suivre l’évolution depuis que le groupe s’est émancipé de leurs influences des premiers projets. Sur une rythmique qui aurait très pu être jouée d’une tabla égyptienne, Sanguee narre les pérégrinations d’un jeune Montreuillois en proie à une misère immense : à la fois économique, morale et sexuelle. Enveloppé sous une nappe aquatique, le Montreuillois décrit des problèmes si grands qu’ils peinent à être désignés. Les valses-hésitations thématiques, caractéristique fondamentale du style TripleGo, de nouveau sublimées de main de maître par les atmosphères synthétiques, éthérées mais de plus en plus organiques du producteur MoMo Spazz. – Christophe

Le 18 décembre : ASF – Assaf (Prod. Nachos)

Quatre ans plus tard, encore marqué par la bombe Bende Mafia, on avoue volontiers que depuis 2016, on regarde évoluer chacun des sept mercenaires du Panama Bende avec une tendresse toute particulière. Si certains mènent leur carrière tambour battant, d’autres prennent leur temps, distillent leur apparitions, travaillent dans l’ombre. Parmi eux, Assaf, le monsieur batterie du clan, se lance finalement avec un petit quatre titres en solo, entre son aventure Changerz et des petits morceaux lâchés çà et là depuis quelques années. Le dernier son est sûrement le plus réussi du projet. Un refrain honnête, mais surtout deux couplets impeccables, parfaitement représentatifs de la largeur de la semelle du jeune parisien. Un style très efficace et reconnaissable, qui colle à un réalisme qui flirte avec la dérision et un parlé du quotidien sans filtre ni apprêt. Au final, ça kicke, c’est bien bordé, et ça marque. Une entrée avec un ticket gagnant. – Sarah

Le 3 décembre : Waltmann & Little Roster – Dans l’appartement

Le Edward Norton de la 75e session nous donne un peu de ses nouvelles, dix mois après son dernier morceau solo « 420 ». On avait pu aussi l’apercevoir sur K7, une beat tape d’A Little Roster sorti au mois de septembre 2020. Cette fois-ci on le retrouve sur un EP 3 titres, intitulé Oasis et produit en totalité par – justement – A Little Roster. Si ce nom ne vous dit rien, on a pu le retrouver à la prod d’artistes tous affiliés 75e Sess’ ; Georgio, Sopico, Inspire ou encore Di-Meh. C’est un Waltmann en bonne forme que nous retrouvons donc sur ce projet. C’est sombre, envoûtant, nébuleux dans le fond comme dans la forme : pas de doute on reste très fidèle à l’univers du MC du Bohemian Club. Mention spéciale pour le morceau « Dans l’appartement» et son clip très original. D’ailleurs si vous souhaitez en savoir un peu plus sur la réalisation du clip et son concept de « post production en live », ça se passe sur la chaine Stello Prod. – Clément

Le 18 décembre : Alpha Wann – Carrelage italien (Prod. Hologram Lo’)

A bien y regarder, la Don Dada Mixtape aurait aussi bien pu s’appeler Alpha Wann And Friends, puisque Philly Flingo est présent sur la majorité des titres qui composent le projet. On aurait aimé entendre un peu plus Infinit’, ou les signatures plus récentes, mais ne boudons pas notre plaisir, treize nouveaux morceaux d’Alpha Wann sont toujours bons à prendre, et la liste des invités ne possède aucune faute de goût. Et si la mixtape aura eu le mérite de mettre en lumière les talents du beatmaker JayJay, elle aura aussi permis de montrer que le lien qui unit Hologram Lo’ à Alpha est toujours aussi fort, preuve en est avec « Carrelage italien », déluge de punchlines aussi insolent que sophistiqué, porté par l’instrumental nerveux du beatmaker de 1995. – Olivier

Le 4 décembre : Keny Arkana – J’sais pas faire autrement (Prod. Skenawin Music) 

Que son retour fait du bien ! Mis à part son apparition sur 13 Organisé, on n’avait plus entendu Keny Arkana depuis un bout de temps et la retrouver en telle forme fait plaisir ! Avec près d’un million de vues en un mois, sa fan base semblait l’attendre avec impatience d’ailleurs. Tandis que certaines choses changent, d’autres ne changent pas et Keny fait assurément partie de la seconde catégorie. En première ligne pour proposer un rap qui prend position, la « sauvage parmi les sauvages » est toujours là pour représenter les gueules cassées et cracher son mépris des élites. Authentique, ancrée dans la France d’en bas, attachée à son rap revendicatif, on peut même saluer l’opiniâtreté de la Marseillaise (qui continue dans ses clips à mettre en avant La Plaine et le Cours Julien, quartiers emblématiques de la cité phocéenne). Nul doute qu’on retrouvera certains lyrics du morceau dans de futures manifs, exemple : « Tu vois la violence du torrent, moi celle des berges, rassurée par le chant des loups et pas par celui des bergers ». – Chafik

Le 17 décembre : Hermano Salvatore feat. R.E.D.K. – Buenos Dias  

On vous parle régulièrement d’Hermano Salvatore dont on suit le parcours avec attention. S’il nous avait habitués à balancer des morceaux, des freestyles, on attendait de sa part un EP digne de ce nom et on a été entendus avec la sortie mi-décembre de Dias composé de huit titres. Au menu, du rap, du rap, des exercices de style et du rap. Hermano dispose d’une technique au-dessus de la moyenne, maitrise les fondamentaux et ne s’enferme dans aucun style (« Je suis comme un dealer généreux, je ne sers que des gros morceaux »). Sur « Buenos dias », il croise le fer avec R.E.D.K. (qui s’est fait rare ces derniers temps) et il était évident que les deux lyricistes devaient feater ensemble. Hermano est insolent de facilité, lance cet egotrip énervé de bien belle manière (« Y a rien de potable qui sort de ta bouche, ceux qui boivent tes paroles ont la turista »), tandis que R.E.D.K. avait visiblement des choses à dire et conclue cette mise au poing avec un fast flow dont il a le secret afin de mettre du respect sur son nom. On ne saurait trop vous conseiller d’écouter cet EP. Vous êtes prévenus. – Chafik

Le 18 décembre : Kekro & Will – Quand la ville s’endort (Prod. Mehsah)

En 2011, nous avions découvert Kekro par le biais de sa mixtape Métro, boulot dodo. Depuis ce jour, le nordiste a sorti au compte-gouttes plusieurs morceaux qui a chaque fois n’ont pas laissé le public indifférent. Nous pensons à son apparition sur notre compilation Du Bon Son #2 en 2015 suivi dans la foulée de sa percutante « Poignée de Punchlines ». Beaucoup se souviendront aussi de son couplet tonitruant sur le  projet Comme les autres de Mani Deïz l’année suivante. En juillet dernier, le Tournaisien nous offrait le premier extrait de son futur EP inititulé Les cinq lettres sur lequel il a  invité Moucham et Lacraps. En ce mois de décembre, il nous propose une nouvelle collaboration avec un comparse de longue date en la personne de Will du groupe La Chronik. Le titre, produit par Mehsah que nous avons récemment interviewé dans nos colonnes, est sublimé par la caméra du talentueux Frankee Franz. Rendez-vous donc le 29 janvier pour ce qui devrait être l’un des projets de ce début d’année. – Jordi

Le 15 décembre : Edge – Compliqué

Potentiellement un futur grand. Edge, affilié du Goldstein Studio (Jazzy Bazz, Robindbloc), n’a pas fait semblant de charbonner l’année dernière : un premier EP Interlude 1.9 sorti en octobre, et déjà OFF une mixtape de onze titres deux mois après. Une activité intense déjà ressentie à la découverte des featurings avec Jazzy Bazz, The Hop, Deen Burbigo et Robindbloc notamment, où il pose sur des titres impeccables à chaque fois. Et donc ce son, « Compliqué », véritable frappe à la fois simple dans le propos et puissante dans la mélodie. Produite par Johnny Ola, beatmaker en chef du Goldstein Studio, elle nous rappellera combien 2020 n’a pas été une partie de plaisir pour la plupart d’entre nous. En rentrant aussi bien ses refrains, Edge pourrait s’inscrire à l’avenir dans la lignée des meilleurs toasters du game francophone, comme l’étaient avant lui J.mi Sissoko, Taïro ou Nemir. – Antoine

Le 11 décembre : Zesau – Dans mon camp (Prod. Senyss & Zesau)

Malgré ses évolutions et sa capacité à s’adapter aux tendances successives du rap depuis plus de vingt ans, il ressort du parcours de Zesau (lire notre interview) une constance à plusieurs égards. Tout d’abord, à l’inverse de nombreux rappeurs approchant la quarantaine et n’ayant pas connu le succès commercial, le membre des Dicidens semble doté d’une envie de croquer le micro intacte, dépourvue de rancœur. Ensuite, de son premier couplet sur « Les gosses » à ses derniers morceaux, c’est la rue qui constitue sa source d’inspiration principale.  Enfin, peu importent les sonorités, son niveau d’écriture est resté intact tout au long de son parcours, tant dans les tonalités sombres de sa plume que dans que dans ses schémas de rimes et sa façon de s’adresser l’auditeur. Une cohérence que l’on retrouve encore sur son nouvel album D.E.L paru le mois dernier, notamment sur le très bon « Dans mon camp ». – Olivier

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