10 Bons Sons espagnols en 2020

Notre premier dossier traitant du rap espagnol date de 2014. Nous vous y invitions à découvrir dix morceaux d’artistes hispanophones des années 2000. En six ans, la scène nationale qui connait actuellement son âge d’or a considérablement évolué, avec notamment la consolidation de la trap et depuis peu l’arrivée foudroyante du phénomène drill. D’autres artistes continuent quant à eux de perpétrer avec succès la tradition boom bap. En guise de bilan 2020, c’est donc une sélection hétéroclite que nous vous proposons. Celle-ci a pour objectif de mettre en lumière tant le talent d’artistes confirmés que d’autres émergents. Bonne lecture et surtout bonne écoute.

Israel B – Shooters (prod Lowlight)

Israel B demeure toujours aujourd’hui une figure emblématique de la scène madrilène. Son ancien groupe Corredores de Bloque a marqué de son empreinte le début des années 2010 en Espagne. Aux côtés notamment de D. Gómez (Kaydy Cain), celui qui se faisait appeler anciennement Markés a toujours rappé la rue et fait preuve de sincérité dans ses lyrics. Depuis deux ans, il multiplie les sorties de qualité en solitaire en suivant sa ligne de conduite initiale. Sur le morceau « Shooters », il profite de l’instrumentale taillée sur mesure par le duo de beatmakers galicien Lowlight pour distiller deux minutes de punchlines : « Yo nací en el sur de Madrid, donde pasa todo eso que contáis en temas pero no vivís. » (« Je suis né dans le sud de Madrid, là où se passe tout ce que vous racontez dans vos titres mais que vous ne vivez pas »). Les références sont aussi variées que nombreuses et font écho à Camarón de la Isla, à Eric Cantona ou encore à la journaliste sportive Nuria Bermúdez. Un cocktail aussi surprenant que détonant.

Ergo Pro – Black Mamba (prod Gese Da O)

En octobre 2016 nous découvrions Ergo Pro dans un cypher organisé par l’équipe de TeamBackPack. Il était évident à l’époque que le rookie du quartier madrilène de San Cristóbal allait faire parler de lui dans les mois à venir. Après plusieurs collaborations remarquées dont notamment celle avec Odd Liquor en 2017 et plusieurs singles de qualité, le rappeur surnommé Bobby Nigeria publia son premier EP Bone Fortuna en 2018. Son talent lui aura vallu d’être validé par les grands noms de la scène hispanophone et d’apparaître notamment aux côtés de Dano du mythique collectif Ziontifik ou encore du vénézuélien Lil Supa. Avant de sortir en octobre l’un de meilleurs projets de l’année, axé boom bap et portant le nom de Dogma d’où est extrait le titre « Black Mamba », il nous délecta du morceau « Lebron » produit par Marassian, prouvant son aisance sur des productions plus modernes. En à peine quelques mois Ergo Pro est devenu une référence. Chapeau.

Ghetto Boy – Veneno de mamba (prod Drippyvon)

Ces derniers mois le phénomène drill s’est installé confortablement en Europe. Il aura permis l’émergence fulgurante de nouveaux artistes talentueux. L’Espagne n’échappe pas à cette tendance et Ghetto Boy commence peu à peu à se faire un nom sur la scène nationale. Le rappeur originaire de San Celoni dans la province de Barcelone s’est tenu à sortir  environ un morceau par mois durant cette année 2020. Plusieurs titres comme « Jackie Chan », « T.E.D » et « Veneno de mamba » sont la preuve de son potentiel indéniable. Nous attendons désormais la sortie de son premier projet. Dès 2021 ? Nous l’espérons de tout coeur.

Cruz Cafuné – Visión Tunel (prod El Secreto, Dano, Lex Luthorz)

Ces dernières années, la scène des îles Canaries a joué un rôle essentiel dans la démocratisation du rap à l’échelle nationale. Il est rare de compter autant de talents au kilomètre carré que dans ce territoire unique, authentique pont entre l’Afrique, L’Europe et l’Amérique Latine. Ce qui caractérise ces artistes est leur faculté à innover, à expérimenter, à sortir constamment de leur zone de confort pour sans cesse se renouveler. Cruz Cafuné, issu du groupe BNMP, en est le parfait exemple. Aussi performant sur des morceaux chantés de RnB ou d’électrosoul que sur des titres rappés, il a innondé de son talent cette année 2020 avec deux projets. Tout d’abord avec l’album Moonlight922 paru dès le mois de janvier puis plus récemment avec le EP huit titres Visión Túnel. Nous avons sélectionné le titre éponyme de ce dernier, brillament produit par El Secreto, Dano et Lex Luthorz dans lequel le natif de Tenerife s’offre un egotrip à la fois tranchant et rempli de finesse.

Skinny Flex – Manualidades (prod RicoRunDat)

Voici sans doute l’artiste destiné à devenir la figure de la drill espagnole. En à peine un an et demi Skinny Flex a fait une entrée fracassante dans le game. Et il semble prêt à s’y être installé pour un moment. Le jeune rappeur de Salt, petite ville proche de Girona en Catalogne, possède toutes les qualités requises pour continuer à faire parler de lui. Aussi à l’aise en espagnol qu’en anglais, il s’est même permis quelques phases en français sur le morceau « 3 reales » paru cette semaine. Mais c’est bel et bien le titre « Manualidades » qu’il diffusa au milieu de l’été qui a attiré notre attention. Skinny Flex a du flow, des punchlines, du style et fait preuve d’humilité. Son avenir semble tout tracé. Nous prenons le pari que son nom sera tout en haut de l’affiche dès les prochains mois.

Yung Beef x Pablo Chill-E – No nos pueden soportar (OldPurp)

Le colectif Kefta Boyz fut incontestablement le groupe pionnier de la trap en Espagne. Yung Beef, son leader charismatique, reste toujours son plus légitime et naturel représentant. Originaire du quartier de Albayzín à  Granada, il a développé son univers musical grâce à des séjours de plusieurs mois à Marseille et à Londres. À l’heure où beaucoup d’artistes se constituent une esthétique trap créée de toute pièces, Yung Beef lui continue de rapper crûment sa vie et celle de son entourage. Il évoque ouvertement et sans complexe les thématiques liées à la rue telles que la consommation de drogues, le sexe, la prison ou les business illicites. Au mois de mars, il a publié un projet commun avec le jeune chilien Pablo Chil-E, figure de proue de la trap latino-américaine. Intitulé Shishi Plugg et paru sur le label La Vendicion, celui-ci regorge de très bons morceaux. Le titre brûlant et sulfureux « No nos pueden soportar » produit par Old Purp aura marqué au fer rouge cette année 2020.

Delaossa – Aleluya (prod J.Moods, Gese Da O, Kidd O)

Cette année, nous avons pu échanger avec Delaossa lors d’une interview parue dans nos colonnes et réalisée à l’occasion de son concert à l’Apolo de Barcelone. Dans celle-ci, le rappeur de Málaga revenait en détails sur sa trajectoire. Après une tournée en Amérique du Sud et un premier album intitulé Un Perro Andaluz qui vint confirmer les attentes placées en lui, le membre de Space Hammurabi nous avançait être sur le point de sortir un nouvel EP. Quelques mois plus tard, La Tour Lifee vit le jour. Composé de cinq titres dont deux collaborations avec Cruz Cafuné et Israel B, le projet tendait vers une plus grande musicalité. Un des morceaux phares de l’opus s’intitule « Aleluya » et retrace avec sobriété et gratitude son ascension vertigineuse. Toujours accompagné du talentueux beatmaker J.Moods aux machines. On ne change pas une équipe qui rappe.

Yung Sarria x Elpatron970 x Kidd Keo – Yo con mi man (prod Fabre 808)

Yung Sarria est originaire de Cali en Colombie mais réside depuis plusieurs années à Alicante en Espagne et fait partie du groupe L.GVNG. Sur ce morceau, il a invité Kidd Keo, phénomène de la trap espagnole qui s’est fait connaître en 2016 grâce à son tube « Okay » sur lequel il empruntait l’instrumentale du titre  « Débrouillard » de Damso. Les deux artistes font partie intégrante du label DBT présent en Espagne, aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Pour « Yo con mi man », Yung Sarria a également convié une étoile montante de la drill en la personne d’El Patrón 970, membre du collectif 970 Block. En à peine trois mois, le morceau a connu un succès considérable tant en Espagne qu’en Amérique Latine.

Saske – Ver, oir y callar (prod Sceno)

La scène de Málaga a été maintes fois mise à l’honneur dans nos colonnes. Nous avons eu l’opportunité d’interviewer Foyone il y a quelques années et plus récemment Delaossa que nous avons également mentionné dans ce bilan 2020. Saske est un proche de ce dernier pusique tous deux défendent les couleurs du collectif Space Hamurrabi. L’an passé, l’andalou avait déjà rendu une excellente copie avec l’album Knowledge. Cette année, il a publié plusieurs singles dont le court mais très efficace « Ver, oir y callar ». On y retrouve Sceno à la production, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs beatmakers de boom bap de l’autre côté des Pyrénées. À noter ausssi il y a peu la sortie de son mini EP Ladies en collaboration avec Carrion, autre rappeur issu de l’équipe Space Hamu.  

Flat Erik (Erik Urano) – Haiku (prod Fake Guido)

Erik Urano fait figure d’ovni dans le panorama du rap espagnol. Ses projets ont l’habitude de mêler musique électronique, supports visuels futuristiques et paroles axées sur la critique sociale. Cet artiste singulier issu de Valladolid a fait ses premières armes aux côtés du rappeur Miguel Grimaldo et du beatmaker Zar1. Un projet conceptuel tournant autour de la dystopie, estampillé du sceau de Sonido Muchacho et  portant le nom de Neovalladolor a vu le jour en plein confinement sous le surnom de Flat Erik. Quelques mois plus tard, il publia le single « Haiku ». Le morceau, produit par Fake Guido, beatmaker attitré  de la chanteuse catalane de dance hall Bad Gyal, est hypnotisant et sombre. À noter le travail remarquable de Juan Carlos Quindós à la réalisation du clip. 

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