Du festival R.O.N à la plateforme Hip-Hop Community, entretien avec l’omniprésent Garry Yankson

Credit photo : SND Pics @NBADanceTalent

Il est de ces personnes que l’on croise dans les évènements hip-hop, et dont on comprend subitement l’attachement et la dévotion pour cette passion. Garry Yankson, trentenaire exalté et dégourdi, vient de lancer la plateforme Hip-Hop Community qu’il veut pratique à tous les activistes et ambitieuse à l’échelle mondiale. Ex-breakdancer, créateur du festival Ready Or Not, booker et producteur, interview d’un entrepreneur de chaque instant porté par un instinct de débrouillardise et un amour du rap inépuisables.

Salut Garry, pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots ?

G.Y : Je m’appelle Garry Yankson, je suis Fanco-Ghanéen, bercé par la culture Afro-Américaine et je suis entrepreneur hip-hop. Je suis notamment le fondateur de Ready Or Not et le co-fondateur de Hip Hop Community.

Tu es rentré dans le hip-hop comme breakdancer ? Dansais-tu en crew ou en solo ?

G.Y : J’ai effectivement découvert le hip-hop et sa culture par la danse mais en tant que danseur debout. J’ai commencé à l’âge de douze ans, après des encouragements de ma mère, sous la tutelle de Nasty (Quality Street) et de Meech Onomo. Au cours de ma carrière j’ai dansé avec différents groupes dont Too High Spirit (THS), Loonatics et Unit DC avec lesquels nous avons fait de nombreux shows, battles et contests.

As-tu un souvenir sympa à raconter ?

G.Y : Je crois que l’un des plus mémorables reste ma participation à un projet artistique international qui a eu lieu à Rabat en 2015 avec près de 100 danseurs et une énorme scénographie audiovisuelle et des défilés. C’était fou de pouvoir participer à un projet de cette envergure et de savoir que le hip-hop pouvait me faire voyager dans des endroits où je n’aurai même pas imaginé voyagé sans cela.

Tu as de la ressource, et on le découvre en lisant ton parcours. Peux-tu revenir sur le déroulement chronologique de tes activités professionnelles ? Ont-elles toujours été liées au hip-hop ?G.Y : Je prends la première partie de la question comme un compliment. Merci ! A vrai dire, mes choix professionnels ont tous été marqués par mes activités liées au hip-hop. J’ai d’abord entrepris des études de gestion dans le but de pouvoir monter un business ancré dans la culture hip-hop. Pendant ma formation j’ai été assistant de communication en Californie puis Contrôleur de Gestion en Alternance chez Orange. Après quoi, j’ai décidé de quitter le cursus « classique ». Je me suis trouvé un job à temps partiel comme chargé de direction d’une PME à Paris 16 avant de devenir responsable web dans l’audiovisuel pour Emit, une société en position de lead en matière d’importation d’équipement cinématographique. C’était très enrichissant et cela m’a permis de parfaire mon expérience en tant que chef de projet, de maîtriser davantage le e-commerce et d’être à l’aise sur tous types de projets audiovisuels. 

“Le simple fait de pouvoir me dire que je puisse rendre au Hip-Hop tout ce qu’il m’a apporté ou ce qu’il apporte aux miens, et plus encore, est un objectif important.”

Tu as produit et dirigé le projet ALL ABOUT #1 avec notamment la première apparition de Soolking sur disque. Peux-tu nous présenter le projet ?

G.Y : C’est bien ça. En fait l’idée de ce projet était d’une part de marquer l’Histoire avec une œuvre ou objet qui me survivra. J’avais envie de faire savoir au monde que j’existais, que Ready Or Not existait et que tous les différents artistes du projet étaient des artistes de talents à carrière potentielle. All About #1 est en réalité un album concept – et non une mixtape ! – réunissant plus de 15 artistes. Nous avons écrit, enregistré et arrangé l’album en 5 jours top chrono grâce au génie de notre ingénieur MKL, aujourd’hui réalisateur sonore pour des artistes tels que Black M ou Lefa pour ne citer qu’eux. A ce jour il est l’un des professionnels les plus prisés en la matière. Le projet comporte 11 titres incroyables et fait un focus particulier sur Paris et New York. On y retrouve en effet Soolking sur deux morceaux ainsi que She Real, finaliste du Midem Artist Accelerator Program, KillASon, le phénomène rock/rap de ces dernières années ainsi que Sloppy Joe, El Deterr, Dandyguel ou encore Aladoum. Il existe d’ailleurs un mini reportage sur la réalisation du projet et j’invite tout le monde à le découvrir. En 15 minutes seulement il permet de complètement se plonger dans l’atmosphère brute et authentique de cette expérience unique. Je ne suis pas peu fier de ce projet car il est exactement ce que je voulais qu’il soit et qu’il nous a permis de susciter l’intérêt de nombreux médias et professionnels de l’industrie musicale en France et aux Etats Unis.

Aujourd’hui, tu es booker. Avec quels artistes travailles-tu ?

G.Y : C’est ça. Ready Or Not est une agence événementielle mais aussi un label avec lequel nous bookons de nombreux artistes hip-hop. Nous ne nous limitons pas au rap et avons également des danseurs, des DJ, des live beatmakers et des graffeurs à notre roster. Nous travaillons notamment avec DJ Walkman, Pehoz, She Real ou Simia.

Tu produis des artistes aussi. Lesquels ?

G.Y : Nous avons produit 3 projets et quelques singles depuis le début du label. Nous avons produit : l’album All About #1 de RON Squad, la mixtape Day Two de Lo.Swing et l’EP Hangara 2 de  Sloppy Joe. Sloppy Joe, très apprécié par notre public, a une esthétique mêlant le style de Jay-Z à celle de Ludacris. Il est assez incroyable et nous sommes ravis de l’avoir repéré.

Tu as aussi monté le festival R.O.N en 2018. Peux-tu revenir sur l’idée générale et les invités ?

G.Y : En fait le R.O.N Festival est la continuité du RON Final et du RON Concept à l’origine de Ready Or Not. Il s’agit d’un événement annuel fédérateur rassemblant les meilleurs artistes hip-hop du moment, en France, et des internationaux. La particularité de cet événement est qu’il est d’une part pluridisciplinaire et qu’il met en avant le rap, la danse, le DJing, le beatmaking et le graffiti. Et d’autre part, c’est un spectacle qui se veut le plus fidèle et authentique possible, dans le respect des valeurs originelles du hip-hop. En quelques jours seulement on peut ainsi apprécier et/ou découvrir des battles de chaque discipline mais aussi d’étonnants artistes en développement ou références du genre en concert. Historiquement l’événement a accueilli et/ou mis en lumière Zoxea, A2H, Les Criminalz, Josman, KillAson, Médine et beaucoup d’autres. Lors de l’édition 2018 de l’événement de clôture au Cabaret Sauvage, le RON Final 2018, il y avait Lefa, Simia, Les Gamals et Ghetto Style ainsi que Kertasy, Holy Moe, Sloppy Joe, Holy Moe et She Real venus tous les 5 venus spécialement de New York pour l’occasion. Auparavant l’événement avait lieu à la Bellevilloise de 2014 à 2016 avant de se tenir au Bataclan en 2017. Pour les prochaines éditions, un retour aux sources devrait se faire avec une programmation dans des salles plus intimistes pour une meilleure immersion au coeur de l’univers hip-hop. Les nouveautés à venir devraient être, entre autres, des workshops et des initiations à différentes disciplines artistiques présentes à l’affiche du festival. De cette façon nous poursuivrons dans notre voie de professionnalisation du milieu, et de partage de ses codes et principes au grand public. En somme, le R.O.N Festival est un incontournable pour tous les amateurs de culture Hip Hop et les curieux ainsi que pour les artistes et professionnels qui se délectent de pouvoir y faire de belles rencontres et découvertes. C’est la principale vitrine de Ready Or Not et c’est aujourd’hui l’emblème de notre marque. Nous en sommes ravis !

D’où te viennent toute cette motivation et ces ressources ?

G.Y : En fait, je suis un véritable passionné et je pense que je puise ma force et ma motivation dans cet amour que j’ai pour la culture Hip Hop. Le simple fait de pouvoir me dire que je puisse rendre au Hip Hop tout ce qu’il m’a apporté ou ce qu’il apporte aux miens, et plus encore, est un objectif important. Et puis, j’avoue que je suis aussi un éternel insatisfait. J’en veux toujours plus ; ce qui explique probablement que je continue sans cesse d’aller de l’avant.

Tu as lancé la plateforme Hip-Hop Community le mois dernier. Peux-tu nous présenter le concept ?

G.Y : Hip Hop Community c’est la plus grande marketplace de professionnels du milieu urbain. Nous l’avons créé avec mon associé Groover ANDERSON et ouvert au public au début de l’année 2019. C’est tout récent mais nous sommes déjà plus que satisfaits de la tournure que prennent les choses. Concrètement la plateforme met en relation les professionnels du milieu Hip Hop entre eux, mais aussi et surtout avec des clients potentiels tels que des sociétés, des institutions, des associations et des particuliers. Ainsi nous facilitons l’accès aux marchés à de nombreux professionnels, nous participons activement à la création de richesse au sein de l’économie au hip-hop. Le petit plus est que la plateforme est 100% gratuite pour les clients, qu’elle sécurise toutes les transactions et qu’elle fait gagner un temps précieux aux prestataires grâce à un système de devis et de facture ludique et automatisé.

L’idée semble tellement pragmatique et évidente, et pourtant, c’est bien une première mondiale. Comment t’es venue cette réflexion ?

G.Y : C’est effectivement une première mondiale. J’ai eu l’idée il y a de cela plusieurs années et j’ai pris le temps avant de la concrétiser. D’ailleurs la réflexion a été double pour aboutir à HHC. D’une part il y avait pour nous une volonté de diffuser nos artistes et professionnels Hip Hop au plus grand nombre tout en gagnant du temps sans s’attarder sur des démarches administratives ou de prospections longues et fastidieuses. Puis nous nous sommes finalement dit qu’il n’était pas éclairé de conserver une telle solution pour notre seul usage et qu’il serait bénéfique qu’elle profite à tous les Hip Hop Makers de France et d’ailleurs. Et puis d’autre part, je tenais également mettre en lumière le fait que le Hip Hop est marché trans-secteur et que son écosystème B2B est riche et en constante effervescence. J’aime parler d’ “économie Hip Hop” pour désigner cela. J’ai d’ailleurs pris la parole au travers d’une tribune pour défendre mon propos. Aujourd’hui, le Hip Hop est omniprésent et les chiffres sont excellents en terme de rap et de musique enregistrée. Mais cette culture enregistre également d’excellents scores en matière de spectacle vivant et est aussi largement exploitée dans des secteurs comme la publicité par exemple. Malheureusement beaucoup se contentent d’observer l’impact de la culture sur le public et notamment sur les 17-35 ans qui consomment régulièrement du Hip Hop pour plus des deux tiers d’entre eux. Or comment en arrive-t-on là ? Qui fait vivre cette culture ? Comment ? N’y aurait-il pas une partie cachée de l’iceberg qu’il faudrait mettre en lumière ? Et à l’heure du digital rien de tel pour pouvoir y parvenir.

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

G.Y : Faisons simple et pragmatique. Je pense que le plus cool serait me souhaiter une longue et belle vie ; ainsi qu’à Ready Or Not et à Hip Hop Community !

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