10 Bons Sons francophones en 2018 | le grand vote de la rédaction

Une année se termine, une autre commence, et le rap français suit son chemin d’une fort belle manière. Certains l’affirment : « nous sommes en train de vivre un nouvel âge d’or ». Difficile d’affirmer catégoriquement ce que seul l’avenir peut nous dire, mais en même temps il est impossible de nier que le rap français est bien vivant et qu’il y en a pour tous les goûts. Les nôtres, chez lebonson, sont variés, et nous sommes très loin de tous apprécier les mêmes artistes, sons ou styles. Mais ces fins d’années sont l’occasion de nous retrouver autour d’un vote et de partager ensemble nos coups de cœur. Voilà cette année ce qu’il en ressort.

10. Alkpote – La cour des miracles (prod : EBTZ)

Fan de longue date du rap de Memphis, Alkpote semble avoir sillonné les caves satanistes du Tennessee avant de plonger dans les enfers pour y confectionner un album. Si la Ténébreuse Musique pouvait être une expérience immersive et épuisante, remplacez Sidi Sid par le diable lui-même pour obtenir Inferno. Musicalement, les fans les plus récents seront peut-être pris à contrepied mais on reste en présence du personnage que l’on affectionne tant. Métaphores tirées par les cheveux, sexe, drogue, maîtrise technique sans pareil… on frôle parfois le pilote automatique. Pourtant, et malgré d’innombrables émules et une productivité massive, difficile de nier que l’Évryen est l’un des tous meilleurs rappeurs français à bien des égards. Dans « La Cour des Miracles », l’empereur, le vrai, ne laisse que ses inimitables adlibs (et éventuellement son calme) de côté pour déverser des flammes diaboliques sur une productions aux basses très saturées. – Wilhelm

09. Scylla – Solitude (prod : Sofiane Pamart)

Une voix, une mélodie. Un ogre, un magicien. Ce duo imprévisible, irrésistible, formé par un jeune pianiste et un MC old timer, valeur sûre du rap belge, aux antipodes de toute tendance commerciale actuelle, constitue l’une des plus belles sorties de l’année 2018. Le rappeur apparait apaisé, prenant le risque de chanter beaucoup plus qu’à l’accoutumée, confiant le soin de la musique à Sofiane, son compère qu’il semble connaître depuis toujours tellement l’alchimie est flagrante. Cette personnification de la « solitude », longue de plus de 8 minutes, habillé en images par Guillaume Héritier, a tout d’un chef d’œuvre: Venise vide pour décor, jeu de couleurs claires/obscures, mise en scène de trois personnages distincts, la solitude s’exprime au mieux et s’impose, paradoxalement, comme un sentiment commun à tout être humain. – Antoine

08. Kekra – 10 balles (prod : Chapo & French Connect)

Après plusieurs années de stakhanovisme acharné, Kekra a quelque peu laissé vieillir ses fûts, et obligé ses supporters à patienter en cette année 2018. Alors qu’il avait terminé 2017 de manière tonitruante avec Vréél 3, le MC du 92 n’a sorti « que » Land en 2018, un synthétique concentré de puissance de seulement 38 minutes. Et entre la pochette et les clips, c’est peu de dire que le thème central a été la transcription visuelle de sa musique versatile que l’on connaît déjà très bien. Et quelle puissance est transmise dans cette réalisation exceptionnelle d’Adrien Lagier et Ousmane Ly ! Tourné entre les cités Font-Vert et Benza à Marseille, il sonne comme une version ghetto anticipatrice des événements frappant l’Hexagone actuellement. Et la production de Chapo et French Connect, qui forment le duo Narcos, dans la veine des meilleurs morceaux du MC expatrié en Asie, permet de mieux souligner une démonstration de flow de l’un des meilleurs performeurs du circuit. – Xavier

07. Alpha Wann – Stupéfiant et noir (prod : Hologram Lo)

« Manus Manum Lavat » disait le poète grec Epicharm. En français, « Une Main Lave L’Autre ». C’est le nom choisi par Alpha Wann pour son premier album studio sorti le 21 septembre dernier, sous l’égide Don Dada Records. En juillet 2018, quelques mois après l’épisode trois de ses projets Alph Lauren, le emcee parisien publiait un premier extrait intitulé « Stupéfiant & Noir » avec une prod’ très aérienne signé Hologram Lo, un clip soigné et un Alpha Wann intenable. Prouvant à chacune de ses sorties qu’il fait partie des rappeurs les plus techniques, Philly flingue à tout va, rebondissant sur l’instrumentale avec l’aisance qui le caractérise… Comme il le dit lui-même : « […]Très peu probable que je tape un platine, faut que j’fasse un classique […] ». Et bien c’est fait. – Clément

06. Josman – L’occasion (prod: Eazy Dew)

En 2018, Josman a réussi à maintenir son rythme  de sortie d’un projet par an depuis 2015 puisque J.O.$ a vu le jour quelques jours après la rentrée. Après Échecs positifs, Matrix et 000$, le rappeur de Vierzon est venu confirmer qu’il faisait désormais partie des valeurs sûres de la scène rap francophone en nous livrant un premier album détonnant. Au cours de l’année, il a offert à son public plusieurs extraits  qui laissaient entrevoir la qualité du futur opus. Des morceaux comme « Loto » ou « Wow » ont été la preuve de l’étendue de son talent: Josman est un artiste capable de chantonner, rapper et cracher le feu au gré de ses envies et des mélodies. Sur le titre « L’Occasion », bien aidé par la production explosive de son acolyte Eazy Dew, il a marqué les esprits grâce à des placements et une technique rarement égalés. Il convient également de mettre en avant le travail du vidéaste Marius Gonzalez, partenaire de longue date de Josman. Dans ce clip en noir et blanc, le réalisateur a réussi à retranscrire avec subtilité et talent l’attitude ainsi que l’univers particulier du rappeur. – Jordi

05. Sch – Otto (prod : Katrina Squad)

Flow grave et intense, force tranquille de la prod, fièvre derrière chacun des 16 : aucun doute, cette année, le SCH qui nous avait séduit avec A7 est de retour. Nerveux, le débit interpelle et accroche. Musclés, les placements précis heurtent et déroutent. Efficace, le refrain glisse comme une caresse entre deux gifles. Extrait le plus emblématique du très réussi JVLIVS, album concept sorti en fin d’année qui mérite une écoute attentive, Otto est une démonstration de savoir-faire de l’Aubagnais, qui semble définitivement s’être retrouvé ici. Est-ce le retour du Katrina Squad aux commandes de la prod qui réveille notre histoire d’amour avec Julien ? Reste qu’avec douceur et détermination, nous sommes emportés sans détour dans l’univers que le S a voulu façonner. Idéale mise en bouche au projet, Otto se laisse écouter en boucle sans lassitude, et c’est bien ce qui lui vaut sa place dans ce classement. – Sarah

04. Joe Lucazz – Je ride (prod : Char)

Il était évident que Joe Lucazz allait être présent dans notre top. Mais en tant que perdant magnifique, il faut croire qu’il allait forcément échouer au pied du podium. Une des premières difficultés était de choisir un titre parmi No Name 2.0, Paris dernière et Carbone 14, 3 projets de grande qualité sortis cette année. Exit « Carbone » et « Royaume », au profit du morceau qui lui ressemble peut-être le plus, « Je ride ». Et n’essayons pas de définir cet « art de vivre ou de mourir » que Joe, l’épicurien, le je-m’en-foutiste, a traité, traite et traitera dans sa discographie. Le titi parisien semble avoir trouvé un équilibre entre Joe Lucazz et Elhadji, et appris à vivre avec l’enfoiré qu’il y a dans son miroir. Conscient de ses forces et de ses faiblesses, il est le gardien de son frère mais il pourrait vendre son âme pour 21 grammes. Paris est le décor indissociable du rap de Joe Lucazz. C’est même le Paris de l’happy hour, des brunchs mais surtout de fin d’après minuit qu’il aime un peu plus qu’il ne déteste. En plus de son vécu, de sa technique, le rap de l’éternel meilleur rookie de l’année est bourré de références, de clins d’œil, au cinéma, au rap, notamment. Ceux qui le savent écoutent. Et Char du Gouffre, qui a produit tout l’album « Paris Dernière », a réalisé un bijou d’instru, la boucle de saxo accompagnant à merveille la nonchalance de Joe Lucazz, qui aura été productif cette année, pour notre plus grand plaisir. Et dire qu’en 2019, il devrait de nouveau nous livrer de ses nouvelles ! – Chafik

Vous pouvez également lire notre entretien avec Pandemik Muzik qui a produit l’album Carbone 14 et notre chronique de No Name 2.0

03. Flynt – Joga bonito (prod : Dark Factory)

C’est avec le titre « Joga bonito » que Flynt a annoncé la sortie de son album Ça va bien s’passer. On peut dire qu’il s’agissait d’un retour qui a été remarqué puisque c’est sur des sonorités trap que Flynt s’est plu à dérouler un texte qui prend la forme d’un egotrip. Le retour du tonton du rap français allait donc se faire sous une forme résolument actuelle. Avait-il pour objectif de surprendre ses auditeurs résolument tournés vers les instrumentales old school ? A n’en pas douter la surprise a été de mise, mais les réactions ont été globalement positive, et si l’on en croit sa place dans ce classement le retour de Flynt a été réussi. La prod de Dark Factory fait mouche et le texte de Flynt est au niveau : « les trentenaires peuvent rallumer la radio ». – Costa

02. Dinos – Les pleurs du mal (prod : BBP)

Attendu par ses fans avec une excitation fébrile, Dinos a fini par sortir en avril dernier, Imany, un premier album plutôt du genre réussi. Le Dionysien, qui avait préféré prendre le temps de se savoir bien entouré, a su rassembler toutes ses forces et les condenser pour faire son grand saut. Mais la longue attente de ce premier projet n’aura pas été vaine, et si chacun des titres récompense globalement l’auditeur patient, « les pleurs du mal » se découpe une place de choix dans nos favoris de l’année. Avec une profondeur et une sincérité très maîtrisées, sur des accords de piano oscillant entre espoir et mélancolie, Dinos appuie sur la corde nostalgique et fait ressurgir des paroles que d’autres avaient prononcées avant lui, peut-être avec un peu moins de désillusion. Solaire sur un clip en noir et blanc, il nous offre un moment d’introspection autant que de contemplation, qui nous force à nous poser, à écouter, à apprécier. Rien que ça. – Sarah

Vous pouvez également lire notre chronique d’Imany.

01. Sameer Ahmad – Sitting Bull (prod : Pumashan, LK de l’Hotel Moscou & Skeez’up)

Sorti le 08 juin, le titre « Sitting Bull » de Sameer Ahmad a eu le mérite de mettre tous les membres de la rédaction d’accord. Les connaisseurs du rappeur montpelliérain n’en seront pas surpris tant Sameer semble se bonifier avec les années. Si son dernier album, Perdants magnifiques, a maintenant quatre années derrière lui, celui-ci conserve toujours une place de choix dans les playlists. Peu prolixe en termes de projets (malgré un petit EP Jovantae sorti en 2017), les deux titres sortis cette année (« Sitting Bull » et « South side ») mettent en lumière un rappeur à la plume colorée et aux instrumentales originales et aériennes. Le trio de producteurs à la baguette de « Sitting Bull » (Pumashan, LK de l’Hotel Moscou & Skeez’up) a réussi son coup et le titre méritait de figurer dans les 10 bons sons de l’année 2018. Il y réside donc en bonne place. – Costa

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