Chronique : La Base – « Au-dessus des lois »

Après l’émergence d’une nouvelle scène belge largement relayée par les médias rap, un vent de fraîcheur souffle depuis la Suisse. Mais puisqu’ils ont régulièrement été omis dans nombre de papiers, il est important de rappeler que le hip-hop n’est pas un phénomène chez les Helvètes : Sens Unik, Double Pact, Stress, L’Impasse, pour ne citer qu’eux, ont tous apporté leur part à la culture et marqué par la même une époque.

De Neuchâtel à Lausanne, de Zurich à Bâle en passant par Genève ou Bienne, le rap s’impose peu à peu aux quatre coins du pays qui bénéficie de son plurilinguisme. Le label Colors (Di-Meh, Slimka, Makala), Geule Blansh, Sentin’l, La Gale, KT Gorique ont fait vibrer les auditeurs francophones tant en Suisse qu’en France ces dernières années. Ces derniers mois, ce sont aussi La Base et son label Comin Tru Records qui brillent. Focus sur le groupe et son dernier projet Au-dessus des lois.

Le groupe à l’esthétique travaillée est originaire de Bienne. Actifs depuis le début des années 2010, T-Sow, Ri-K, Buds Penseur, Ekzhall et Sokra se démarquent naturellement par ce combo style & attitude de haute volée. Tout droit sorti des 90s, ils ramènent un délire visuel et sonore propre à eux, original. Il y a du talent dans l’air, un truc qui retient l’attention de l’auditeur et la maintient éveillée comme devant une bonne série ou un film bien ficelé. Les flows adhèrent et s’imprègnent des beats illico presto, et vice versa. Nulle impression de concept forcé ou de vibe actuelle surexploitée, mais plutôt la sensation de découvrir un groupe du passé, un crew que l’on aurait raté au temps béni des 90 BPM.

Capable d’opérer efficacement sur le terrain du groove funky « Ballin’ », La Base se révèle aussi un formidable ambianceur comme sur le titre banger « Bilderberg » qui aura totalement soulevé la foule présente à la release party de Big Buddha Cheez à La Place (Paris) le 23 mars dernier. Ce titre, en plus d’être évident à l’oreille, sonne comme un hymne pour La Base. Energie, détermination, bon esprit et musicalité sont de rigueur. Les grosses basses des Suisses cognent allègrement. Les textes sont simples, épurés, pourraient parfois même être un peu plus aboutis. A noter la particularité impressionnante qu’a La Base : elle sait autant rapper en français, qu’en espagnol ou en allemand !

C’est donc au-dessus des lois qu’il faut actuellement chercher La Base, qui joue sur les codes des jeunes banlieusards des années 90 et sur l’image gangstérisme de l’époque Borsalino. Les Tru Comers fournissent 100% des instrus : plutôt lugubres (« La nuit est longue », « Intouchable ») elles versent dans le scintillant (« Dans mon salon », « Ballin’ ») au besoin des thématiques.

Non sans rappeler le duo Montreuillois Big Buddha Cheez, La Base apparaît presque comme un groupe de la même époque mais d’un autre quartier de NYC. Les clips réalisés par Clifto Cream, réalisateur attitré des BBC, ne sont pas le fruit du hasard. Les rappeurs se griment au besoin et interprètent des personnages qu’on sent naturels, indissociables de leur musique. « Faire du neuf avec du vieux », ou du vieux en mieux, tel pourrait être leur slogan. Les Helvètes créent quelque chose de cool, qui n’a pas la prétention de révolutionner le genre. On n’écoute pas leurs rimes pour en tirer des punchlines sacrées. On écoute les chansons pour s’évader, remuer la tête, et apprécier une atmosphère globale qui pue le bon hip hop, comme le flow du titre « A quoi tu penses ».

Unique invité du projet, le Belge Roméo Elvis apporte sa touche moderne sans qu’elle sorte du contexte proposé. Sa simple présence admet un côté cool au projet qui se vérifie à l’écoute. Il va de soi que La Base distribue ses chansons sur vinyle… et en streaming, trahissant presque sa musique bien ancrée dans une couleur antérieure à 2000. Le fait qu’il ne compte que 5 titres (pour 5 interludes) nous laisse quand même un peu sur notre faim. On attend l’album de pied ferme, et des dates de concerts qui vont avec.

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2 commentaires

  • Après avoir fait du boom bap depuis leur 1er ep, ils ont pris ce virage musical inspiré par la réussite de leur confrères belges ou même parisiens, comme s’il ne devait y avoir qu’un style de rap pour percer en 2018. Aujourd’hui que vous parliez de cet album/ep, le plus faible de leur discographie, montre qu’ils ont raison, pour manger il faut faire ce qui est tendance…Un autre bon groupe qui disparaît…

  • Votre commentaire sous-entend t-il que l’on ne parle des artistes que lorsqu’ils éclatent au grand jour ?

Commentaires

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