10 Bons Sons en décembre 2016

Le mois de décembre est généralement synonyme de raz de marée de rétrospectives annuelles, de classements et autres listings destinés à résumer en quelques paragraphes l’année écoulée. Gageons cependant que cette année encore, la riche actualité rap français de ce dernier mois aura chamboulé les bilans rédigés à l’avance et prêts à être publiés le 15 du mois…

Le 15 décembre : A2H – On Charbonne (Prod. A2H & Sadjo Ka)

Talentueux au micro et à la prod, tant en studio que sur scène, une définition qui sied à A2H. « On Charbonne » en sera à coup sûr une excellente illustration. Enregistrée et clipée à Montréal, co-produite par notre Ahhuri et Sadjo Ka, la piste a la saveur du live dès sa sortie. Elle est de ces morceaux qui remuent instantanément les tripes, les épaules, le diaphragme, la tête. « On Charbonne » transforme ton environnement direct en salle de concert, métamorphose ton bitume en estrade, ta rame de métro en public bouillant. Sont-ce les cuivres en mode bandas hip-hop qui produisent cet effet ? Ou bien les échos dub disséminés çà et là ? Les basses sourdes surplombant le kick ? La puissance du refrain ? Le phrasé du king de Melun ? Sans doute un peu de tout ça. Entre son troisième album solo, sa summer tape et sa winter tape (Les hommes pleurent en hiver) dont est issue ce track, Robert A2 Johnson aura charbonné cette année, pour le plus grand plaisir de sa team, et le nôtre. Maxime

Le 2 décembre : Nekfeu feat. Népal – Esquimaux (Prod. Diabi)

Si la sortie de Cyborg engendrait un conséquent effet de surprise, l’osmose dégagée par la piste n°6 du projet de Nekfeu s’avère bien moins surprenante. Népal apporte avec lui tout ce qui fait sa force jusqu’ici, soit une combinaison d’éléments difficile à exprimer synthétiquement. Résultat, un couplet agressif à visionner en VOST, belle vitrine synonyme pour lui de porte d’entrée vers de nouvelles parts de marché, avec placement de produit à la clé. Nekfeu reste lui dans sa zone de ‘’confort’’, si l’on peut la nommer ainsi. Fait notable : s’il semble pour l’instant loin – comme presque l’ensemble de ses collègues rappeurs, et à l’image de la population française – d’envisager une réponse collective de grande échelle au système oligarchique qu’il dénonce, il garde à cœur son engagement contre les dérives racistes et les violences policières – ici en clamant justice pour Adama Traoré, mort sous le poids conjugué de trois policiers en juillet dernier. Démarche louable à la vue de son public, peut-être pas forcément le plus enclin à se pencher de lui-même sur ce genre de thématiques. Manu

Le 16 décembre : Yous MC – La Colline D’En Face (Prod. Azra)

Après son EP X sorti en août 2016, plusieurs scènes avec son collectif Kilotone tout au long de l’année et quelques apparitions aux côtés d’artistes toulousains cet hiver (un freestyle sur une prod’ de DJ Hesa et un featuring avec Stick de CMF), Yous MC a sorti « La Colline d’En Face » le 16 décembre. Sur une instrumentale dès plus boom bap de Azra (beatmaker de Fils De Plume), Yous nous invite dans son Lauragais natal, entre Baziège et Pompertuzat… Un morceau doux et nostalgique, appuyé par un joli clip mettant en scène quelques tribulations du emcee Montgiscardais. Il en profite également pour nous annoncer la sortie de son premier album, intitulé Y, dont la sortie est imminente. Clément

Le 19 décembre : Stick – Excusez-nous (Prod. Swed)

Le Toulousain Stick nous a régalé juste avant Noël, avec un projet gratuit qu’il a envoyé comme une bonne surprise de fin d’année. En détournant la célébrissime pochette de Nirvana, on devinait déjà les traits d’humour que contiendrait cette galette disponible via ce lien. Tricératox vol.2 possède en effet plusieurs pépites, dont l’hilarant « Bonne influence », contre-pied génial à son morceau « Mauvaise influence » sorti il y a deux ans (« Et si la police t’arrête, parle leur poliment, ils sont super ces mecs en fait »), ou la reprise de l’instru de « Tout seul » de Dany Dan sur « Les épouvantails ça marche un temps puis les corbeaux se posent dessus ». Habitué à s’exprimer – avec le plus grand des plaisirs – de façon trash / hardcore / dégueulasse, comme pour le feat avec INCH ou la « Créature ratée », Stick sait aussi se raconter et livrer un touchant « Pas plus haut que l’bord » où il dépeint crûment des moments marqués par le taux d’alcoolémie, les « ravages de l’alcool » causés par les degrés de la boisson dangereuse : « Je savais qu’ça m’plairait et ça a pas loupé ! ». Mais parmi tous ces titres sulfureux, nous avons retenu « Excusez-nous », car c’est le meilleur moyen de savoir « ce que ses potes et lui pensent ». Trois couplets tordus, percutants et sèchement rappés, avec trois conclusions très imagées. Un entremet idéal pour patienter avant le prochain album. Antoine

Le 30 décembre : Jarod – Termine 2016

C’est la tradition depuis quelques années. A l’approche du Nouvel-An, Jarod a depuis 2012, pris l’habitude de terminer l’année en apothéose avec un gros banger, comme pour tracer le fil rouge de son évolution artistique. Et 2016 a été charnière pour le roux du XIXème. Avec la sortie de son second album Caméléon, l’ancien grand espoir du Wati B semble enfin avoir trouvé sa place sur l’échiquier francophone. Celle d’un performeur exclusif car trop doué, ne semblant plus chercher un succès à grande échelle. Et c’est précisément ce qui est illustré sur ce « Termine 2016 », sur une version un brin modifiée de l’instrumentale de « Black Beatles ». Jarod se balade littéralement sur le beat, changeant de flow quand il veut et s’amusant avec l’autotune sur le dernier couplet, le tout en faisant mine de ne pas forcer son talent. Xavier

Le 9 décembre : Radikal MC – La pirogue et le cèdre (Musique : Mauricio Santana)

Oui, ce clip uploadé en décembre n’est ‘’que’’ la mise en image d’un morceau paru, lui, en novembre. Oui, ledit morceau n’est ‘’qu’une’’ version acoustique de l’original, en date de 2015. Non, il n’est pas trop tard pour évoquer « La pirogue et le cèdre », qui ne méritaient pas d’être oubliées dans ces colonnes. Car s’affirmer radikal(isé) en évoquant ses racines – pléonasme étymologique – en ce moment, en France, n’est pas chose aisée. Car le morceau est partie prenante d’un album de qualité en deux versions, séparées l’une de l’autre par une année de travail et une mutation sonore assurée par le guitariste et compositeur Mauricio Santana. Car, malgré la prédominance du thème et le fond acoustique un peu mou, la rime demeure travaillée, et l’auditeur concentré sans se forcer. Enfin car, si tout cela ne suffisait pas, les intégristes du rythme pourraient toujours s’orienter vers la première version du morceau, à l’instrumental et au flow plus énergiques. Manu

Le 17 décembre : DJMA – Un rôle à jouer

Armé de ses cuts, le messin Dj Madjohn écume l’Alsace-Loraine en quête d’MCs de qualité. L’apôtre a peu à peu trouvé ses prêcheurs, dont il met en rythme les bonnes paroles sur une mixtape aux 27 pistes, MC Libre Face A. A l’horizon, le groupe Afgang et notamment son rappeur DJMA, qui nous offre certainement le morceau le plus aboutit d’un projet qui séduira, sans doute aucun, les tenants de l’orthodoxie puriste. Afgang, Les gars du coin, Sphère primaire… la sainte trinité Metz-Nancy-Mulhouse semble doucement accoucher d’une jeune scène représentante de la grisaille de l’est. Aux dernières nouvelles, celle-ci ne serait pas réticente à réformer son dogme par l’apport de quelques touches de modernité. Affaire à suivre. Manu

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Le 29 décembre : Youssef Swatt’s – Entre délires et freestyles nocturnes #3 (Prod. Bearded Skull)

Après L’amorce et Petit Youssef,  le tournaisien est sur le point de sortir son premier long format qui s’intitulera Vers l’infini et au-delà.  Annoncé depuis de longs mois, il devrait lui permettre de  se faire définitivement une place dans la cour des grands.  Sur ce titre, « Entre délires et freestyles nocturnes #3 »,  il confirme une nouvelle fois que malgré son jeune âge, il fait preuve d’une insolente maturité tant au niveau de sa plume que de son interprétation. L’instru est produite par le beatmaker vénézuélien Bearded Skull et c’est l’équipe d’O2B, fidèle au groupe la Trilogique,  qui a été en charge du clip. Le décor est d’ailleurs atypique puisqu’il est l’œuvre du collectif belge Les Crayons. Celui-ci  a été conçu cette année à Bruxelles au cours de leur exposition « Quelque part » et colle parfaitement à l’univers de Youssef Swatt’s. Jordi

Le 7 décembre : Veust – Vitres teintées

Une voix reconnaissable entre mille, une plume aguerrie acquise dans une des plus grandes écoles du rap francais, des apparitions par dizaines sur toutes sortes de projets depuis plus de 15 ans… Avec « Vitres teintées », Veust annonce (enfin) un nouvel album solo, Veust Do It, treize ans après son premier projet Coup de théâtre. Sur un sample de Gomorra, il délivre une avalanche de grosses lignes qui nous rappelle pourquoi le qualificatif « Lyricist » accompagnait autrefois son blaze, et qui vient également contredire l’adage qui voudrait que les punchlines sont la chasse gardée des rappeurs les plus jeunes. Olivier

Le 5 décembre : Medine – Global (Prod. Proof)

« Global » est le deuxième extrait de l’album Prose Elite de Médine dont la sortie est prévue pour le 24 février. Outro de celui-ci, « Global » apparaît dès la première écoute comme la suite de « Arabospiritual » et « Biopic » qui venaient respectivement conclure les albums Arabian Panther et Protest Song. Si « Arabospiritual » et « Biopic » racontait davantage l’histoire d’un label et d’un collectif, « Global » vient quant à lui expliciter le parcours et les remises en question qui ont jalonné le parcours de Médine. Retraçant son évolution au sein d’un mouvement musical lui-même en perpétuel changement, Médine se positionne par ce titre comme une figure du rap français qui a su conserver ses distances par rapport au mouvement et apprendre de ses expériences. Avec Proof à la baguette, deux instrumentales aux sonorités différentes se succèdent, comme pour souligner que derrière l’apparent non-choix entre « le hardcore et le conscient », Médine a bien fait le choix de la conciliation. De par sa structure et son thème ce titre semble être révélateur de l’album à venir, et c’est ce que l’on peut espérer de mieux. Costa

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