Rencontre avec le beatmaker noctambule I.N.C.H

I.N.C.H est un de ces hommes qui font du bien au hip-hop : généreux, curieux, talentueux, le beatmaker s’est fait un nom au cours de la dernière décennie en posant quelques textes, mais surtout en distillant des prods aux sonorités « typiquement rap français » à des noms comme Hugo TSR, Swift Guad ou à l’équipe des Gouffriers. Nappage nocturne vient de sortir, et devrait surprendre les plus fidèles et secouer les plus traditionnels. Rencontre, chez lui, pendant l’apéro.

Première question : Vald (lire l’interview) vient de brailler sans contrôle dans son micro, tu n’as pas de souci avec tes voisins ?

I.N.C.H : Et ben justement, j’ai dédicacé ma propriétaire dans le livret en disant : « Merci de ne pas m’avoir encore expulsé. » Donc, des soucis, j’en ai eu, mais ça passe.

Tu imposes des limites à tes invités ?

Il n’y a pas de limite mais ça fait 10 ans que je fous le bordel dans le même appart, et j’ai eu tous les plus gros brailleurs du rap français, le pire étant Salazar. Saké n’est pas mal non plus, surtout quand il rate une prise, il s’énerve vraiment. Je ne sais pas s’il faut le répéter…

Pour reprendre depuis le début, peux-tu nous expliquer l’origine de ton blase ?

A la base, on m’avait affublé le nom de « Inch’Alex » dans le 91, parce que dans le 91, les blases, c’est un sport. Mais c’est vrai que ça offensait mes amis d’obédience musulmane qui considéraient que remplacer le nom de leur dieu par le mien, c’était offensant. Les Américains me disent que c’est un blase qui prête à beaucoup de taillage, parce que INCH, pour eux, c’est juste un centimètre. (NDLR : en anglais, « inch » signifie un pouce comme unité de mesure.)

Tu en as fait des acronymes ?

J’en ai fait des acronymes… (rires). J’en ai fait, mais c’était horrible et je n’ai pas envie de les dire. Si, le seul qui était bien que ma sœur avait trouvé c’était : « Instrumental Non Commercial Hits » C’était un peu stylé mais bon, après, j’ai laissé tomber les acronymes.

« Je pense que je rappe mieux qu’un rappeur qui rappe mal mais qui se croit rappeur. »

Quand est-ce que tu t’es lancé dans le beatmaking ?

Je pense que j’ai commencé en 2002-2003, quand j’ai acheté mon premier AKI S20. J’avais déjà des idées de samples en tête. Je trouvais ça intéressant en tant que musicien d’avoir des sons qui se déclenchaient au bout des doigts. Quand on te donne un nouvel élément de création, un nouvel instrument, ça t’inspire. Et le sampling m’a inspiré pour créer.

Tu étais donc déjà musicien ?

Ouais, je jouais du piano, de la batterie et de la basse.

Qu’est-ce qui t’a amené vers le hip-hop ? Qu’est-ce qui t’a donné l’envie ?

J’écoutais beaucoup de hip-hop. Le terme « artiste » est assez pédant pour moi, mais quand tu es un « artiste », tu cherches des moyens de t’exprimer. J’avais l’impression de pouvoir donner libre cours à mes inspirations de par cette discipline et je m’y suis retrouvé.

Tu t’es essayé en tant que rappeur aussi, non ?

Alors, oui, je m’y suis essayé parce que quand tu fais des prods, à force d’attendre les MC’s, tu essayes d’imaginer des trucs. Soit tu y arrives, soit tu n’y arrives pas, moi je pense avoir réussi à écrire des trucs. Des gens trouvaient ça marrant. Au début, tu commences à rapper vraiment tout seul parce que tu te trouves ridicule à rapper quand tu n’as pas l’habitude de t’exprimer au micro, un peu comme au théâtre, il faut sortir de ses gonds. Voyant que, petit à petit, les gens trouvaient que c’était pas si mal que ça, je suis arrivé au bout d’un moment à un truc qui n’est pas mieux que ce qui se fait dans le rap, mais qui n’a pas à rougir de la comparaison. Je pense que je rappe mieux qu’un rappeur qui rappe mal mais qui se croit rappeur.

Tu penses à quelqu’un en particulier ?

Non, je ne pense pas à quelqu’un en particulier mais tout le monde rappe, donc faire sa place en tant que rappeur, c’est super dur. Je ne me considère pas comme un MC, mais quelqu’un qui est capable de rapper. Au début, je rappais sur des trucs vraiment tristes pour me libérer, et après j’ai trouvé ça gênant de rapper mes problèmes. En ce moment, je rappe que de la bêtise. Mon but, c’est d’être rigolo. Dès que je commence à être un peu trop introspectif, ça m’intéresse pas car j’ai pas envie d’emmerder les gens avec mes problèmes. Déjà, j’ai pas envie d’être un rappeur alors encore moins un rappeur misérabiliste. Donc c’est normal que je détruise un peu les codes du rap. Par exemple, je me fous vraiment de ma propre gueule, comme quand je me fais pisser dessus -pour de faux- dans un clip. Je fais exprès de faire tout ce qu’un rappeur ne ferait pas.

Ton autodérision ne se retrouve pas forcément dans tes prods par contre, qui elles sonnent globalement tristes, sérieuses, graves…

Oui et non. Si tu prends des prods comme « Alors dites pas », oui c’est de la tristesse. Mais par exemple, pour mon CD, le côté « dégueulasse », c’est une forme d’humour. Il y a un côté dérision dans le sens où je vais décaler mes batteries, je vais faire le truc vachement crade. Un autre exemple, sur mon album : balancer une instru super crade et de mettre juste avant un sample de Nicky Larson, pour montrer que tout n’est pas que sombre. J’essaye toujours de replacer de l’humour au bout d’un moment. Mettre un sample de Nicky Larson juste après des samples de films d’horreur, ça te donne l’impression d’être dans un film d’horreur mais en fait t’es dans un film d’horreur de série Z ! Ça découpe des bras pour que tu le regardes, mais le but c’est de te faire marrer. Un genre de « Bad Taste » qui est un film d’extraterrestres où les gens se font zigouiller, et où tu vois sur la pochette un extraterrestre qui fait un doigt. C’est pour être dans le crade, mais ne pas en avoir peur. Lécher le trottoir avec envie.

« En ce moment, je rappe que de la bêtise. Mon but, c’est d’être rigolo. Dès que je commence à être un peu trop introspectif, ça m’intéresse pas car j’ai pas envie d’emmerder les gens avec mes problèmes. Déjà, j’ai pas envie d’être un rappeur alors encore moins un rappeur misérabiliste. Donc c’est normal que je détruise un peu les codes du rap. (…) Je fais exprès de faire tout ce qu’un rappeur ne ferait pas. »

T’es amateur de South Park ?

Oui, voilà ! C’est du cynisme ! Comme du Tarantino…

Revenons à tes débuts pour retracer ton évolution. Comment INCH est né et s’est imposé dans le beatmaking ?

Difficilement, en tant que petit blanc qui écoutait de tout ; j’étais un mec avec un blouson Wu-Tang qui écoutait du Korn. Au début, quand j’ai commencé à faire des prods, les mecs ne voulaient pas en entendre parler. C’est pas pour faire un clivage ou quoi, mais c’est vrai que ça m’est souvent arrivé de me heurter à un « racisme », à des préjugés. Ça n’a pas été évident, et ça m’aidait pas à me sentir à ma place. Heureusement que j’ai continué à y croire, parce que si je m’étais juste fié à l’image qu’on me renvoyait de moi, je me serais dit que ce n’était pas pour moi.

« J’étais un mec avec un blouson Wu-Tang qui écoutait du Korn. Au début, quand j’ai commencé à faire des prods, les mecs ne voulaient pas en entendre parler. »

A l’heure actuelle, y’a des gens, chemin faisant, qui peut-être ne me respecteraient pas si je n’étais personne, alors que maintenant les mecs, vu qu’ils ont entendu mon blase, ils vont me respecter. Alors que si je n’avais été personne, ils auraient juste vu un petit blanc se pointer. J’ai eu la chance de travailler avec des gens qui « font que ». La route est dure.

Quelle est la première rencontre où tu as réalisé que ton travail plaisait, que tu avais du talent ?

J’ai toujours essayé de faire ce que j’aimais. Il n’y a pas eu une rencontre en particulier où je me suis dit « Oui, c’est bien ce que je fais ». Après, c’est vrai qu’il y a des rencontres qui m’ont facilité les choses. Si je n’avais pas rencontré Al Tarba, déjà il y aurait eu tout un public que je n’aurais pas eu, même si le public d’Al Tarba m’a connu en tant que rappeur avec un 16 mesures sur « Maux croisés » alors qu’à la base j’étais beatmaker. La rencontre la plus importante que j’ai eu, je pense que c’est avec Le Gouffre. Quand j’ai rencontré Le Gouffre, ils n’étaient personne non plus, enfin ils étaient au même niveau que moi, mais ils ont progressé beaucoup plus vite que moi. Le fait d’être avec eux m’a amené une grosse exposition. Chemin faisant, il y a Vald et tout ce qui s’en suit. C’est un effet boule de neige qui descend et qui devient une avalanche. Hugo m’a été présenté par Le Gouffre aussi. Hugo, j’adore ce qu’il fait. Les sons que j’ai qui ont le plus de vues, c’est avec lui. Quand je poste un son de moi sur ma page fan, j’ai 20 likes, quand c’est un son avec Hugo, j’ai 50 likes en une heure.

C’est difficile de jauger son public quand on est beatmaker ? Et particulièrement quand on fait rapper des MC’s très différents et qu’on produit des instrus qui ne se ressemblent pas toutes entre elles ?

Pour moi, j’ai pas vraiment de public à moi. Il y a des gens qui me connaissent, mais si je ne mets pas un name dropping de malade… Ce n’est pas que c’est un public infidèle. Mais je dois les apater avec un name dropping, c’est évident. Et puis même, je vais te dire un truc ; je ne pense pas – à part Al Tarba qui a réussi la conversion entre beatmaker et son truc abstract à lui – qu’il y ait vraiment des beatmakers qui postent des trucs tout seuls et qui vont avoir des vues. Si, peut-être Mani Deïz. Un public rap veut du rap, il ne veut pas que l’instru.

Ton oreille est déformée en tant que beatmaker ?

Elle est complètement déformée ! Je vais être capable de trouver un son mortel en termes de production, et parfois arriver à en être jaloux mais au final, non, de moi-même je n’irai pas produire ce son-là.

Il y a un morceau que tu aurais aimé produire dans tout le rap ?

Ah putain, cette question, elle est super dure ! (Il hésite longuement) Disons que, j’ai commencé le rap à cause de l’instru « Meilleurs vœux » faite d’ailleurs par Tefa. Je faisais du piano à l’époque, ah cette instru… Quand j’étais petit, j’écoutais du IAM et tout, et je ne veux pas faire genre le visionnaire, mais je me suis toujours dit « Putain, ce serait trop bien, dans le rap, qu’il y ait des trucs super tristes ». Parce qu’au début, le premier IAM à l’époque des « Tam-Tam de l’Afrique », Benny B et tout, il n’y avait pas d’instru triste. Ça n’existait pas. Et du coup, la première instru mélancolique qui m’a bousillé c’était « Meilleurs vœux » et c’était en 1998. Ça arrive tard. Après, évidemment, « Ice C.R.E.A.M » pffff… Je pétais un câble sur cette instru ! Tu sais, les instrus transcendantales où ça recommence en boucle…

Tu as une préférence entres les boucles qui recommencent et les beats progressistes ?

En tant que mec qui écrit, c’est beaucoup plus dur d’écrire sur des instrus progressistes. Quand t’écris un texte, il y a des phases. Par exemple, la phase de fin de boucle, elle va être super importante, et du coup, si tu l’avais mis au début de la boucle, elle n’aurait pas eu le même impact. Quand tu cherches ton texte et tes mots, si la boucle est longue, déjà que c’est dur de trouver les mots, ça veut dire que tu dois toujours attendre le début de la boucle pour réessayer ton texte donc c’est beaucoup plus dur. Par exemple, « Small word » de Nas, putain, cette instru, je n’aurais JAMAIS pu écrire dessus ! J’aurais pété un câble avant, ça va trop loin. Moi, j’ai tendance à chercher la frénésie dans mes instrus, un peu comme la chanson Frank Zito de Necro. La frénésie à l’état brut. Tu écoutes ce morceau dans le métro, il ne faut pas que tu aies de couteau sur toi sinon tu tues quelqu’un !

On va éviter de te croiser en sous-terrain du coup. Tu prends quelles lignes habituellement ? (rires)

Non mais ça va, j’ai jamais de couteau sur moi.

Pour revenir à tes débuts, les premières prods que tu as placé officiellement, c’était pour Le Gouffre ?

Ouais, sur le 5 titres. J’avais déjà sorti mon premier CD Only one process , téléchargeable gratuitement sur Internet. Je l’ai sorti en 100 exemplaires, tout seul. C’est de la gravure et même pas du pressage. Masterisé par Logilo quand même, et j’avais taffé avec R le Stick. C’était à une époque où je me cherchais des contacts, j’essayais de gravir la montagne. J’ai donné des prods, je ne savais pas bien les mixer. J’ai appris très très récemment à mixer, et encore je mixe vraiment comme un salaud !

On ne parle pas de mastering alors ?

Ah non on n’en parle pas. (sourire) Si remarque, Ni saint ni sauf, on va dire que je l’ai masterisé même si au final il y avait déjà des morceaux déjà masterisés. Le projet n’est pas si honteux que ça.

Tu as en mémoire une prod qui t’a aidé à gravir une marche importante ?

Ça a été une période plus qu’une instru en fait. Quand j’ai rencontré Al Tarba, il y a peut-être eu un alignement de planètes ou je ne sais pas, mais Le Gouffre se sont mis à péter, j’ai rencontré Al’Tarba et donc Swift, et tout s’est enchaîné…  A l’heure actuelle, ça me surprend agréablement de voir dans les concerts à droite et à gauche de la France à quel point les gens connaissent mes sons. C’est un peu une inondation. Enfin, une inondation non, une fuite d’eau, une propagation.

Comment fait un beatmaker pour nommer ses prods ?

Ah ! Ça c’est marrant parce que je n’ai jamais compris comment on pouvait s’y retrouver en nommant ses prods avec un numéro ! Cela dit, moi, je les nomme avec l’humeur du moment. Des fois, je vais être là, j’en ai marre, j’arrive pas à faire des prods, je vais la nommer genre « Bon allez on y va ». Mais au final, ça aide pas plus à se souvenir du truc. Des fois tu commences une prod en te disant que tu vas la faire pour untel, et elle finit pour untel. Une instru pour Kacem, elle s’appelle « Zekwé », putain c’est un bordel ! Je pense que le plus simple, c’est de le nommer avec le sample que tu utilises. Mais des fois, tu peux aussi changer le sample entre temps, donc c’est aussi un bordel… De toute façon, je pense qu’un beatmaker n’est jamais organisé. Il finit par avoir tellement de dossiers de samples, que personne n’est capable d’organiser ça. D’ailleurs, j’ai envie de donner des cours de beatmaking, et un des premiers trucs que j’ai envie d’apprendre au mec qui viendra prendre un cours, c’est l’organisation de ses dossiers. Le mec va se dire : « Mais putain ! Pourquoi il me fait faire ça ? » Et il me remerciera dans 2 ou 3 ans. Les beatmakers sont peut-être un peu frileux de donner des cours de beatmaking, parce qu’ils se disent qu’ils vont donner leurs skills. Mais tu sais quoi ? Tu peux donner tes meilleurs skills à n’importe qui, si le mec n’est pas doué, déjà il ne va pas bien les utiliser et de toute façon, la créativité, ça ne s’apprend pas. Faut savoir partager. Si tu donnes de bons conseils à quelqu’un et qu’il fait des putains d’instrus, faut ravaler sa fierté et se dire que le mec est bon et que ça fait plaisir que le mec donne du bon aux gens. Même s’il me nique mon marché ou quoi…

« Tu peux donner tes meilleurs skills à n’importe qui, si le mec n’est pas doué, déjà il ne va pas bien les utiliser et de toute façon, la créativité, ça ne s’apprend pas. »

Tu vis du beatmaking aujourd’hui ?

Je ne vis pas du beamaking, j’ai du mal à faire des instrus juste pour les vendre… A la limite, si je trouve des instrus inutilisées dans mon ordi, je les mets sur mon soundcloud qui me sert à ça. Ce n’est pas évident de vivre de ça à part si on deale avec des majors car les prix sont élevés, mais dans l’underground les mecs ne roulent pas sur l’or donc il faut en vendre beaucoup ! Les concerts et la vente de CDs de main à main rapporte beaucoup plus.

Nappage Nocturne sort enfin. C’est donc le 3ème projet après Only One Process, Le Gouffre – Maxi et Ni Saint Ni Sauf ?

J’avais aussi fait un 3 titres avec Deez, un rappeur de Nantes, en 2014. Et puis le projet Ni saint ni sauf la même année, regroupant quelques-unes de mes meilleures collaborations et des inédits et remixes. Nappage nocturne c’est le gros projet que j’ai commencé il y a  4 ans, voire même plus. Je l’ai recommencé plusieurs fois car ça ressemblait trop à une compile, il n’y avait pas de ligne directrice. Ni saint ni sauf, c’est un peu la première version de mon projet en fait. Ce qui sort là, c’est beaucoup plus caractéristique, avec beaucoup plus d’identité, sûrement surprenant pour ceux qui s’attendent à des instrus mélancoliques. Même s’il y a des petites phases mélancolies dedans, c’est plus rugueux.

C’est le INCH 2016 ?

Non, c’est le INCH qui n’a jamais placé les instrus qu’il voulait placer ! Les gens ont rarement été réceptifs au début à ce genre d’instru, et puis chemin faisant, les gens sont plus aptes à essayer de s’adapter à ton univers et se mettent à le comprendre aussi.

Ca sort chez CMF ?

Ouais, ça sort chez CMF.

Le concept en quelques mots ?

Le concept ? Sachant que j’ai tapé « Nappage nocturne » sur Internet et j’ai vu un label électro qui s’appelle comme ça. Je tiens à dire que je ne sais pas comment ils ont choisi leur blase, mais que comme par hasard, ils connaissent un ami à moi, à qui j’ai parlé de ce blase, bref… En plus, « nappage », c’était MON expression scabreuse à une époque. Mélangée à ma culture du jeu de mot, je tiens à dire que même s’il y a un label qui s’appelle comme ça, j’estime avoir la primeur de ce jeu de mot ! Sinon, c’est ce que j’adore dans le peura c’est les trucs darks, sombres, dégueulasses. Ce que j’aime dans le cinéma aussi, les trucs un peu timbrés, même dans l’art contemporain comme Olivier De Sagazan. C’est le mec qui travaille sur la déstructuration du visage. Quand j’étais petit, je faisais des cicatrices au latex, je voulais faire les arts appliqués pour faire des effets spéciaux dans le cinéma d’horreur. J’ai toujours aimé ce qui se rapprochait de l’horreur, y compris au niveau du son.

Donc c’est du son pour les chauves-souris ?

Pour les chauves-souris vampires ! Les Gremlins ! Al’Tarba et moi, on écoute grave du métal, du vieux hardcore, de la drum’n’bass, tout ce que tu n’écoutes pas pour t’endormir !

Tu me faisais une comparaison entre les rappeurs et les lapins avant, en off. Tu nous expliques ta pochette ?

Ah, oui ! Sur mon album, en fait, il y a un délire avec les lapins. Les lapins, c’est des petits animaux qui vivent dans les terriers, donc dans l’underground, un peu comme nous, les rappeurs, et quand ils sortent, ils se font tirer dessus, un peu comme nous, et puis quand ils baisent, ça va vite ! Enfin… Ils baisent beaucoup, comme des rappeurs, qui veulent toujours baiser ! Et puis sur mon album, il y a la pochette, les titres « Familial civet, « Ouverture de la chasse » et « La balade des lapins »…

C’est ton animal totem ?

Pas du tout ! A la base, j’avais vu l’image du petit gosse avec le lapin sur Internet, et je la trouvais tellement malsaine et à la fois rigolote, que du coup j’ai décidé d’en faire ma pochette d’album. C’est un peu comme une prof d’arts plastiques qui réussit à trouver des corrélations avec tout.

Tu as déjà produit pour d’autres styles que le hip-hop ?

Non, mais j’ai joué beaucoup dans un groupe de rock. J’ai fait une musique pour un film sur la formation dans la brique, c’était incroyable ! J’ai fait une musique d’attente pour un service d’apéro de nuit. Et puis pour Taiwan, un son qui n’a rien à voir. J’ai fait des musiques pour court-métrages aussi, dont un sur les zombies et le premier court-métrage de Cristo, le mec qui fait tous les clips de Vald comme « Autiste », « Bonjour » et « Par toutatis ».

Comment as-tu pensé ce projet : des prods pour des MC’s que tu avais déjà en tête ? Des MCs avec qui tu as créé les prods ? Tes idées de featurings ? Et, seconde question, quel est l’objectif à titre personnel ?

Il a fallu que je trouve des gens que j’aimais et en même temps des gens qui étaient capables de rentrer dans mon délire. Donc j’ai rappelé des mecs qui étaient sur mon premier projet Only one process et j’ai essayé de faire rentrer des gens que j’aimais genre Zekwé ou Katana dans mon univers. Dans le projet, il y a des morceaux beaucoup plus accessibles que d’autres. C’est compliqué à gérer. Il n’y a pas que des solos, ça veut dire que tu gères parfois plusieurs personnes par morceau, qu’il ne faut pas que les mecs s’embrouillent entre eux, bref, c’est un bordel. En plus, t’es pas censé faire le directeur de la Star Ac’ ! T’es pas un directeur de casting, c’est-à-dire que tu ne peux pas mettre n’importe qui avec n’importe qui.

inch_pochette

Quand tu commences à faire des morceaux en cainri, toi, t’as beau avoir une affinité pour le rap américain, t’es pas non plus bilingue à 100%, tu ne connais pas le slang des trucs, t’as du mal à te figurer comment le texte est perçu par le mec qui parle vraiment cette langue… Des fois les mecs t’envoient leurs textes, ça sature, tu dois lui renvoyer… A chaque fois, tout est relancé. Ça s’est fait au fur et à mesure, il y a des morceaux qui ont été rajoutés au dernier moment. Le morceau avec Nemesis, c’est le plus vieux, par lequel j’ai commencé le projet d’ailleurs. Il faut que je le note pour le mettre dans le livret ! Après, il faut que tu trouves une intro, une outro…

Tu alternes entre français et américain. Comment fais-tu pour dispatcher les pistes et en faire une suite cohérente ?

Très bonne question ! Sachant qu’à la base, mon premier album n’était QUE avec des anglo-saxons. Donc je m’étais dit que mon deuxième album ne serait QUE avec des français. Et du coup, premier son que je fais pour un album, c’est avec un cainri (sourire) ! Chassez le naturel, il revient au galop ! Je suis amoureux du flow américain. Au niveau des pistes, j’ai regardé tous mes coups de cœur et je les ai dispatché, j’ai essayé d’éloigner chacun des morceaux que je trouvais atypiques. Mais j’aime tous les morceaux hein ! Tu pars de l’intro, et tu te dis : « Qu’est-ce que j’aimerais écouter après ça ? » Donc tu essayes de voir quels morceaux iraient. Mais il ne faut jamais perdre de vue qu’après, tu as 18 morceaux à placer encore ! Après, tu te dis aussi : « Qu’est-ce que le public aimerait écouter ? Et comment le faire rentrer dans mon projet ? » S’il se met, au bout du troisième morceau, à juger l’album alors que derrière, il y a des grosses balles… Il faut le tenir en haleine jusqu’à tes points culminants, et aussi qu’il faut qu’il comprenne l’esprit de l’album.

Comment as-tu présenté l’esprit de l’album à tes invités ?

Ca ne s’est pas vraiment fait comme ça. J’étais en train de faire mon album. Je fais beaucoup de sons à côté. A partir du moment où je fais un son avec un MC qui me plait vraiment et que je négocie avec lui pour le mettre sur mon album, c’est bon. Dès que tu sens le potentiel d’un morceau, tu commences à négocier direct avec le mec ! Tu vois, par exemple, le morceau avec Infamous Mobb, à la base, ce n’était pas celui-là. C’était GOD, j’ai fait beaucoup de sons avec lui. Il a commencé à me dire : « Putain, ce son-là me plait vraiment ! » Il en avait fait un autre avec Big Twin, du coup, je lui ai dit : « Tu veux ce son sur ton album ? OK !  Du coup, tu me passes celui-là ! » Tu vois, c’est des Panini, c’est des Pogs ! C’est des échanges de cartes Dragon Ball Z, c’est pareil !

Puisqu’on parle d’Infamous Mobb et qu’on te sait proche d’eux, peux-tu nous raconter votre rencontre ?

Alors, déjà, j’avais rencontré GOD la première fois sur le tournage du clip de Swift . Mon pote O’Sabio avait pris son contact, on a fait un son avec lui, il est venu tourner le clip. Je ne sais plus comment ça s’est fait, en gros, il est revenu pas mal de fois à la baraque et puis on s’est mis à tripper, à faire du son, un moment j’ai dû le loger…

Tu parles bien anglais du coup ?

Oui, oui, parce que ça faisait 6 mois que j’hébergeais des cainris, du coup ça va, je commençais à bien gérer. J’espère aussi avoir le bagage musical pour accrocher les mecs. D’ailleurs, tu le mettras dans l’interview ou pas, mais il m’a dit : « You remember me Alchemist when you do your beats. » Là, je peux mourir heureux ! Etre adoubé par un mec d’Infamous… Mission accomplie !

Ça te permet d’exporter tes sons aux States ?

Pas du tout ! Ça me permet aps d’exporter aux States, mais ça me permet en tout cas, d’être écouté par des mecs comme Alchemist, comme Big Twin ou comme Planet Asia. A la limite, je préfère arriver dans deux oreilles d’Alchemist que dans 10 000 oreilles de n’importe qui !

Un mot de la fin ?

(Après une longue hésitation…) Restez à l’écoute ! Merci à Antoine Le Bon Son d’être venu dans cette ambiance incroyable… Et puis… Ne jugez pas un artiste juste avec ses sorties, parce qu’il en a souvent beaucoup plus sous le coude !

Le projet est disponible en physique ici.

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre la page facebook  ou le compte twitter du Bon Son.

Partagez:

6 commentaires

  • Interview très intéressante! Merci.
    Le morceau avec Hugo TSR et Swift Guad est énorme.
    Les prods sur le maxi du Gouffre sont minimalistes et mélancoliques à souhait et ça donne un très bon résultat, surtout avec Tragik. Malheureusement je ne retrouve pas l’album complet…

    • MERCI Seb ! Vraiment, y’a que ça qui nous « paye » et nous fait continuer, c’est con à dire mais on se nourrit de vos réactions, commentaires et critiques donc MERCI 🙂

  • I.N.C.H, beatmaker que je decouvre à peine alors que je connais ses sons depuis un moment ! Merci Lebonson, continuez Lebontaff !

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.