Jazzy Bazz – Entretien avant P-Town

C’est au festival Street Addict, le 29 janvier dernier à la Case-à-Chocs de Neuchâtel que nous avons eu l’occasion de rencontrer Jazzy Bazz. L’une des têtes d’affiches de L’Entourage arrivera le 26 février prochain avec son premier album solo P-Town, nous en avons parlé avec lui.

Premièrement, d’où vient ce nom, Jazzy Bazz ?

Mon premier blaze c’était un blaze horrible, je ne pourrais pas te le dire, mais il y avait déjà le « Bazz » dedans et petit à petit je rentrais dans le délire des instrus jazzy et j’ai décidé de l’inclure dans mon blaze pour qu’on sache un peu dans quelle couleur on est.

Comment on se sent à quelques semaines de la sortie de son premier album ?

Putain, (il grimace) en plus c’est la première fois que je sors un vrai projet tout seul. J’ai sorti un album avec L’Entourage et un EP en téléchargement gratuit, donc je connais pas cette sensation. Je t’avoue que ça me met un petit stress. Un vrai stress même. Il y a beaucoup de choses à gérer en fait. S’occuper de la musique c’est un truc qu’on sait faire, c’est notre passion et on l’a appris. Mais là je vais sortir mon album, il est prêt, et je dois m’occuper de la promo et tout, je découvre et je vais essayer de faire du mieux possible parce que quand on découvre on est tout le temps nul au début.

« L’Entourage c’est un collectif, tu n’as pas à abandonner ta carrière pour le collectif. Au contraire le collectif se nourrit des carrières de chacun. »

Quelles ont été tes principales influences ?

En fait je rappais depuis que j’étais petit. Mais ce qui m’a vraiment fait rentrer dans le délire, c’est quand j’ai commencé à me buter au son New-Yorkais des années 90. C’est ça qui m’a vraiment fait renter dans cette passion. Mais quand j’étais petit j’écoutais pas mal de rap français un peu comme tout le monde. Après en avançant avec l’âge tu découvres chaque jour des trucs donc c’est très éclectique.

Tu t’es fait connaître avec les Rap Contenders. Quel œil portes-tu dessus avec le recul ?

C’était chanmé parce qu’un tel succès était innatendu. On est super content d’avoir participé à la naissance de ce projet et que ça ait fonctionné grâce à tout le monde. C’était une belle époque, on commençait à faire parler de nous, avant on était totalement inconnus au bataillon. J’ai assisté à la dernière édition qui avait lieu y’a pas longtemps et franchement c’était une des meilleures, il y avait des battles de malade, ils ont mis le paquet. Moi je suis toujours intéressé par les clashs, je regarde ceux qui sortent et je me tape des barres.

C’est à ce moment-là que tu rejoins L’Entourage ?

C’est à la même période ouais. On traînait énormément ensemble depuis déjà quelques années et c’est a cette période que j’ai officiellement intégré le collectif

Peux-tu nous parler de Grandeville ?

C’est mon autre collectif. C’est un crew tout d’abord de meilleurs potes où beaucoup ont un pied dans la musique. On est complémentaires : il y a des ingénieurs de mixage, de mastering, des producteurs, des rappeurs, des chanteurs, des DJ’s, des cinéastes. Mais il y a aussi des gars qui font d’autres trucs qui n’ont rien à voir. On est un crew de potes du nord-est parisien avec une âme d’entrepreneurs.

Avec le recul, comment ressens-tu l’émulation qu’il y a eu autour de L’Entourage et 1995 notamment ?

Avec le recul je me dis que ça devait forcément arriver. Si ça n’avait pas été nous ça aurait été un autre groupe. Il fallait qu’il y ait un groupe qui fasse du hip-hop un peu à l’ancienne parce qu’il y avait vraiment beaucoup de gens qui se disaient que ça leur manquait le hip-hop dans un esprit des années 90. Et vu que nous on faisait ça, on a un peu porté l’étendard de ce « retour aux sources ». Mais ce n’était pas prémédité parce que quand on rappait à Paris on se sentait vraiment seuls en fait. C’est d’ailleurs pour ça qu’on s’est tous connectés. Il y en a qui se connaissaient déjà depuis avant la musique et d’autres avec qui on s’est connectés naturellement parce qu’on était très très peu à faire ce genre de rap.

Tu ne regrettes pas de ne pas avoir fait l’album de L’Entourage à ce moment-là où on ressentait une vraie complémentarité et une unité à l’intérieur du collectif ?

En réalité plus le temps passe et plus le crew est uni. Donc non ça n’aurait pas été mieux de le faire avant. En tout cas pas pour cette raison. Stratégiquement peut-être car on était au maximum de notre buzz mais ça n’aurait pas été Jeunes Entrepreneurs. On l’aime comme ça l’album. En tout cas des collectifs qui perdurent comme le nôtre c’est très rare, on est vraiment soudés.

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« Je n’ai qu’une règle. Il faut que la prod me mette une vraie gifle, à la première écoute. »

Au moment où l’album sort, toutes les têtes d’affiche du collectif ont déjà fait un bout de chemin en solo…

Ouais car l’Entourage c’est un collectif, tu n’as pas à abandonner ta carrière pour le collectif. Au contraire le collectif se nourrit des carrières de chacun. Dès qu’un membre sort un truc c’est de la force pour L’Entourage.

Est-ce que ça n’a pas suscité beaucoup de concessions au niveau des choix artistiques ?

Ça a créé des débats de fou. Mais c’est bien parce que ça augmente l’exigence. Déjà moi je me nourris pas mal des avis que les soces de L’Entourage peuvent me donner. On se fait tous écouter nos trucs donc à chaque projet tu as des avis de vingt gars. Là avec L’Entourage ça nous permettait vraiment d’augmenter l’exigence et de débattre. Dès qu’on est ok on laisse la place à la spontanéité et on crée. Une partie des sons ont été faits en deux semaines, on avait loué une baraque, on avait fait ça là-bas. En alliant réflexion et spontanéité.

Tu as sorti ton EP en 2012 en téléchargement gratuit alors que tu avais déjà une certaine notoriété….

Comme je t’ai dit je suis nul en stratégie (rires), en plus je suis pas très productif. Mais en fait le buzz est venu vite et je n’étais pas préparé. Je ne savais pas comment marchait le système, l’industrie, la commercialisation de la chose. Je n’avais pas cet instinct.

Après c’est vrai que c’était assez courant les projets en téléchargement gratuit à ce moment-là.

Ouais mais pour le coup moi c’était pas vraiment un truc que je pouvais mettre en vente. C’est beaucoup de faces B. Je me disais que c’était un petit projet pour internet. Là je me suis mis dans un autre contexte pour travailler l’album, je me dis que ça va sortir en vinyle en CD donc je l’ai travaillé différemment.

Peux-tu nous parler un peu de l’album qui va sortir ?

C’est une plongée dans mon univers et je me suis vraiment laissé place. Je peux te dire qu’il y aura 15 titres et que ça sera un bête d’album.

Tu es un des derniers membres du collectif à sortir mis à part l’EP, était-ce véritablement une volonté de prendre son temps ?

Non. J’ai été vraiment bloqué pendant au moins deux ans sans inspiration. C’était panne d’inspi et branlette. Tous les trucs qu’il faut éviter. La panne d’inspi c’est psychologique. Je pense que tu peux apprendre à en avoir tout le temps, il faut lutter. Franchement l’album je l’ai fait en un an et demi. Je pourrais faire un album tous les ans. L’erreur que j’ai faite c’est que j’ai pas enchaîné l’écriture directement après Sur la route du 3.14.

Par rapport à tes collègues qui sont tous partis dans des sonorités plus actuelles, tu es resté dans des ambiances de rap classique ?

En fait sur l’album tu vas vraiment entendre l’alliance des deux. Sur les rythmes à l’ancienne on mixe le son de manière moderne. Sur les rythmes modernes on met du sample comme à l’ancienne. C’est un équilibre qui rend le tout très cohérent.

Comment fonctionnes-tu pour le choix de tes productions ?

Je n’ai qu’une règle. Il faut que la prod me mette une vraie gifle, à la première écoute.

« Depuis que je suis petit je suis dans un délire très parigot. J’ai été ultra, j’ai le tatouage Fluctuat Nec Mergitur depuis des années sur mon bras. »

Tu as des beatmakers attitrés ?

Comme je te disais j’ai beaucoup de proches dans Grandeville qui sont beatmakers, et même hors de Grandeville. Donc je reçois beaucoup de prods, même de gens qui ne font pas partie de mes proches. Et finalement sur l’album il n’y a vraiment pas de producteur attitré, tu verras qu’il y en a pratiquement un différent sur chaque titre. J’aime bien bosser comme ça parce que quand je reçois un truc qui me gifle je le prends, peu importe d’où il vient, si le mec est connu ou pas. Il faut que ça me donne envie d’écrire, c’est subjectif.

Tu possèdes une écriture assez particulière, dans la précision des rimes et des schémas, as-tu une méthode ?

Oui, dans L’Entourage chacun a développé ses propres méthodes, et tu peux trouver tout et n’importe quoi. Moi j’ai la mienne mais je pourrais pas vraiment te la décrire. Enfin, je suis plutôt du genre à écrire chez moi et à revenir dessus plusieurs fois. J’avais vu une interview de George Brassens qui m’avait vraiment donné confiance, parce que souvent les rappeurs ils arrivent en studio ils écrivent et ils posent, et ça me complexait parce que j’arrivais pas à faire ça. Et justement dans cette interview il dit que pour faire un morceau, il s’enferme pendant une semaine chez lui, personne peut venir le voir à l’improviste, que ça soit sa meuf ou son meilleur pote. Et pendant une semaine il fait sa chanson quatre, cinq, six fois et au bout d’une semaine c’est bon. Donc moi j’ai adopté un peu la même méthode, je fais mon morceau pendant la semaine et le week-end je vais en studio, j’enregistre, et si après enregistrement je sens qu’il faut faire des modifications, je les fais. Après ma manière d’écrire va en corrélation avec cette prise de temps, je cherche un maximum de rimes et un maximum de tournures de phrases.

On te sent très attaché à la ville de Paris…

Ouais, cet album il tourne vraiment autour de la ville, c’est la ligne directrice. Ça se retrouve au début, au milieu et à la fin. Ça revient souvent et c’est le titre de l’album. C’était le truc le plus naturel et le plus logique pour moi parce que depuis que je suis petit je suis dans un délire très parigot. J’ai été ultra, j’ai le tatouage Fluctuat Nec Mergitur depuis des années sur mon bras. J’ai tout le temps été dans ce délire-là donc je l’ai retranscrit naturellement. Je pense pas que je referai un album qui tourne uniquement autour de la ville mais ça restera dans l’état d’esprit.

Y’a-t’il des rappeurs qui te mettent des claques encore aujourd’hui, que ce soit en rap français ou autre ?

Ouais et heureusement. Déjà aux States je suis un gros fan de Kendrick Lamar. Je le trouve même déprimant au bout d’un moment tellement il est fort. Je suis aussi un gros fan de Freddie Gibbs qui sera sur mon album. J’ai aussi kiffé l’album de Travi$ Scott et cette évolution me plaît beaucoup. Et en France je vais pas te mentir je suis très Entourage. Je trouve vraiment que c’est là-dedans qu’on trouve les meilleurs. Alpha Wann il me déprime aussi. Des fois on passe des soirées à écrire ensemble et lui il écrit un couplet inédit pour un freestyle radio qui encule tout et il le garde juste pour un freestyle radio. Nekfeu (lire l’interview) je t’en parle même pas tellement c’est devenu un monstre en terme d’écriture. Tout le monde est énervé en ce moment : Eff Gee a sorti un projet très lourd aussi (lire l’interview) et tous les autres se préparent : Deen, le S-Crew, Doums… Le rap Entouragien je ne le ferais pas si ce n’était pas celui que j’aimais écouter, ce n’est pas pour faire le sectaire. Mais sinon j’attends beaucoup l’album de Nemir, il ne l’a fait écouter à personne et il paraît que ça va être une tuerie. Il y a eu Espiiem récemment qui a sorti un album de dingue. Kema et Rmak vont arriver avec un projet sur lequel je suis en featuring.

Merci pour cet entretien, on te laisse le mot de la fin ?

Force à vous, vous êtes un bon média, on a besoin de médias comme vous qui parlent de ce qui sort et vous êtes encore dans la démarche de faire découvrir aux gens. Il y a beaucoup de média qui font que relayer les trucs qu’on entend déjà partout. Franchement big up.

P-Town

P-Town : sortie le 26 février, pour précommander, ça se passe ici ou ici

Photos : Astrée Photographies ©

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