Chronique : Yoshi – « Yoshi meets S.O.A.P »

Yoshi est une sorte d’OVNI, un être d’une autre époque. Pour être plus précis, et d’après le dictionnaire : « reptile géant ayant vécu à l’ère secondaire ». De par sa façon de poser, alternant entre accélérations et rimes décalées, son flow reconnaissable entre mille est l’une de ses marques de fabrique. Capable de s’adapter à des instrumentales traditionnelles et de les sublimer comme sur le projet Appelle-moi MC 2 de DJ Blaiz (sur le très bon « Appelle-moi Papa » en featuring avec Gaïden, I.N.C.H à la prod), Yoshi est de ceux qui prônent l’évolution musicale et cherchent leur épanouissement en s’aventurant sur d’autres sonorités, quitte à prendre des risques et s’attirer les diatribes de leur fanbase.  Deux ans après « Hip-Hop Momo », c’est donc un 7 titres (en plus de l’intro et l’interlude) que propose l’acolyte de Mario Kart, entièrement produit par le beatmaker S.O.A.P alias Son Of A Pitch. Ecoute et réactions.

Ce qui est appréciable chez Yosh’, c’est déjà sa capacité à se renouveler et à surprendre. Pour prendre l’exemple récent du TSR Crew, nous parlons là au contraire d’un véritable chercheur au sens académique du terme. Agile, curieux, cet être vert à crête est aussi à l’aise sur des grooves modernes que des ambiances samplées à l’ancienne. Si l’objectif de cet EP commun avec S.O.A.P était de surprendre en s‘amusant, c’est réussi. Une première « Caresse auditive » bien remuante nous écrase la boite crânienne dès l’entrée, et notre MC de prévenir « deuxième couplet du deuxième track de cet EP, qui promet de mettre de belles claques / on a tout changé, donc c’est possible que t’aimes ap ». Il s’amuse, et rebondit comme ce ballon de basket qu’il ne peut s’empêcher de citer. L’asphalte brûle, et pas uniquement à cause des premiers jours de grand soleil.

« Étiqueté, comme élément gênant, j’éclipse les, préjugés en aimant les gens »

« Fuck les punchlines, j’aime le groove et le flow ». Cet état d’esprit est clair et prévenant pour les néophytes qui attendraient des vulgarités de trappeurs ou du boom-bap version années 2000. Aucune case n’est assez grande pour y enfermer le dino, et mieux vaut s’en prémunir. Il connait le métier, et déjoue les pièges de la tendance « ressemblance et complaisance » avec un deuxième outil en plus de son flow : son humour percutant. Outre les Rap Contenders où Mister Di Original a pu exprimer ses aptitudes de showman et renforcer son sens de l’humour en rimes, ses nombreuses scènes où le MC est à l’aise comme peu de chanteurs de ce milieu.  Un humour fin distillé en concerts que l’on retrouve notamment sur « Trucs anglais », où la touche dubstep passe étonnamment bien car les paroles, peu nombreuses, laissent place à un beat entrainant que l’on aimerait justement apprécier dans la fosse. Histoire de voir si « même les gros lards jump[ent] ».

Kickeur passionné, il n’est pas sans évoquer son passé d’ancien pour se la raconter « J’ai connu l’âge d’or », mais simplement pour justifier son envie de s’amuser sans vouloir faire du rap puristo-conscient. « Long Time » est une ode aux vieux qui ne laissent pas l’âge les emporter, et peut-être un remède pour les papys du hip-hop qui reviennent des années après sans trop avoir d’idées.  S.O.A.P, que l’on ne connaissait pas, semble déjà disposer d’un frigo riche en matières grasses. Sampler Grégory pour en faire une prod dubstep, l’idée est géniale. Le résultat l’est tout autant, et l’on notera la co-réalisation avec I.N.C.H qui enflamme notre imagination sur ce que peuvent être ces fameux « trucs anglais ». Idem pour « Douce France 2 » où le tandem réalise la prod endiablée d’un Yoshi dénonciateur, qui conte son ras-le-crâne chauve de ce pays de merde cher à Zlatan. Les politiques en prennent pour leur grade, et les « Stupid Emcee » aussi dans le titre consacré, où Yoshi se plaît à tailler les Wack MC’s aux côtés de The Real Fake MC qui n’a jamais aussi mal porté son blase que sur ce track ! Si « Angostura » n’est pas la piste la plus originale ni musicale du projet, le titre « Up/Down » vaut lui le coup d’œil et le coup d’oreille, tant pour le concept que pour le clip : une opposition d’humeurs et de rythmes écrite par le rappeur volubile dans laquelle nombreux se reconnaîtront.

Yoshi serait donc le seul reptile de l’ère des dinosaures à avoir survécu, peut-être par son intuition, sûrement grâce à sa quête de bonnes saveurs. Et tant pis si ses congénères n’ont pas eu le même sort. Mention spéciale à la pochette très classe, dessin représentant le dinosaure en baskets en session d’enregistrement avec son fils de Pitch préféré.

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