Chronique : Mr Ogz – Battements

Il y a quelques semaines, on vous proposait nos 10 Bons Sons francophones en 2014. Le beatmaker Mr Ogz en faisait partie avec le titre «Beatnik» en compagnie du rappeur Sept, issu de son dernier projet, Battements. Malheureusement nous n’avions pas pris la plume pour parler de l’album dans son ensemble. Pourtant pour Le Bon Son, Battements est clairement un coup de coeur.

Remontons un peu dans le temps. En 2011, les producteurs de Boulogne-sur-Mer, Mr Ogz et son pote  I11heaven deviennent « The Saoul Brothers », et sortent un 15 titres sur leur nouveau label Welsh Recordz. Leurs instrus autoproduites caressaient alors nos sensibilités soul. Elles séduisaient nombre de MC’s reconnus venus poser chez les nordistes  : A2H, Veerus, Abraxxxas, Greg Fite, Gérard Baste et j’en passe.

Printemps 2014, I11heaven pond un instrumental de 15 titres, French Fries. Goûtue, cette sortie  donne envie d’en reprendre encore un peu. Et c’est en octobre 2014 que sort finalement Battements, le LP de Mr Ogz, attendu depuis 2012 et son premier clip, « Chat Man », avec le rémois Starlion (La Fronce, PMPDJ…).

Et puis la liste des autres invités fait mal aux yeux : A2H et Veerus toujours, Samm, Grems, Ahmad… L’album est dense, 21 pistes, avec des accents différents, des ambiances variées, mais des prods qui semblent toujours coller à chacun des MC’s présents. À moins que ce ne soit l’inverse. On débute posément avec Grems sur « Pilotage Automatique », une entrée en douceur de qualité, une intro après l’intro, sur laquelle le MC met en exergue autant ses talents d’orateurs que de graffeur. Le clip est réalisé par Ogz himself.

« Aérosol, marqueur, mini-spray
Dealer de formes de fatcaps énormes et de skinny traits »

     – Grems, Pilotage automatique

Artiste complet, Mr Ogz a d’ailleurs réalisé l’ensemble des vidéos de l’album. Sur « Beatnik » il se fait aider par BobbyMilk pour un visuel décapant. Au risque de se répéter après nos 10 Bons Sons FR en 2014 , Sept détruit toute concurrence sur ce track. « On dirait que j’emmerde le rap français et c’est réciproque » commence le rappeur de Montreuil. Ça pullule d’allitérations, rimes, et assonances, et la production de Ogz, sur fond de cordes envoûtantes, laisse tout le soin à Sept de cracher efficacement la légitime violence de ses propos.

« Votre problématique c’est l’manque de talent
Que ma clique conspue
Tu dis qu’on pue, j’m’en porte garant
Dis toi qu’on sue pendant qu’toi t’aseptises ton truc
Te penche pas en avant quand tu conclues avec ta pute
J’ai vu ton pit’ qui vise ton ‘uc « 

     – Sept, Beatnik

Après ce déferlement, on se cale ensuite tranquillement avec A2H. Le lyriciste de Melun nous livre 1’53 de légèreté sur « Chérie », en évoquant une demoiselle de bien peu de vertu…

« Ton boul’ est cool
Mais t’es complètement débile
Être avec toi c’est comme dompter une tempête en Vélib »

     – A2H, Chérie

Le rappeur du 77 mêle toujours aussi facilement technique et nonchalance quand il décrit ses étreintes charnelles sur un beat de qualité. D’ailleurs l’instru bien groovy du beatmaker boulonnais va si bien à A2H qu’on pourrait croire que ce morceau sort du dernier album du MC.

Autre bon track, entre autres, avec « Night Riderz ». Sur des sonorités très 80’s, le sudiste Perso raconte ses virées nocturnes, comme un Marseille La Nuit version Taxi Driver (sorti cependant en 1976). Mr Ogz y sample d’ailleurs les dialogues du chef d’œuvre cinématographique de Scorcese. Puis mon dernier coup de coeur, peut-être mon « battement » préféré avec « Beatnik » : « Fahrenheit » featuring Ahmad. Un même très bon Sameer Ahmad. Le riff balancé est surpuissant, cette guitare électrique résonne encore dans ma tête. Une claque.

On pourrait raconter longuement chacune des ambiances présentes, mais le mieux est que vous fassiez la découverte vous-même. On doute que vous n’y trouviez pas votre compte tellement cet album est complet. Atmosphères variées, trips personnels ou revendicatifs, storytelling sérieux, on en trouve pour beaucoup de goûts. Cet opus a mis plus de deux ans à voir le jour et la seule déception est d’avoir eu à attendre aussi longtemps avant de se gaver autant. Parce que c’est un régal.

Pour conclure je dirais que les projets de Welsh Recordz font partie de ceux qui me branchent le plus actuellement. Ce label gagne à être connu et me rappelle un peu le rap dit « alternatif » de la fin des années 90, début des années 2000*. À l’époque, avec l’explosion d’Internet dans les foyers français, je découvrais les Svinkels, Triptik, La Caution, TTC, Sept, Kroniker, les freestyles Grekfrites sur CanalWeb et les projets aussi fous qu’Olympe Mountain de Grems et sa clique (dont Ogz a fait des remixes). Il y a de ça chez Mr Ogz et I11heaven. Quel plaisir.

Pour vous procurer Battements, ça se passe ici (téléchargement) ou ici (physique).

Date de sortie : 20 octobre 2014 // Label : Welsh Recordz

*Pour les amateurs de cette mouvance, ou simples curieux, voir :
« Rap Indépendant : La vague hip hop indé des années 1990/2000 en 30 scènes et 100 albums » par Sylvain Bertot, éditions Le Mot Et Le Reste, mai 2014
« Un jour peut-être, une autre histoire du rap français », par Romain Quirot, Antoine Jaunin, François Recordier, Cotone Production, 2014.

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