Vald – l’interview sans queue ni tête

C’est au studio Suther Kane Films (anciennement Kilomaître) que nous avons rencontré Vald, occupé à déballer fébrilement un carton contenant les versions physiques d’NQNT. Idéal pour débuter notre interview et aborder la sortie de son EP sorti le 27 octobre dernier.

Le Bon Son : On est au studio Suther Kane, tu as enfin le CD d’NQNT entre les mains, tes premières impressions ?

Vald : J’ai l’impression d’avoir réalisé, d’avoir accompli quelque chose. Je vais le déblister, voir quelles conneries ils ont mis dans le livret. (rires) Je suis content.

Première question un peu bateau, mais que nous nous sommes posée : qu’est-ce qui t’a motivé à faire du rap ?

Je voulais passer le temps. Et ça m’a bien passé le temps, et maintenant ça me prend tout mon temps.

Il y a plein d’autres passe-temps en même temps…

En fait on choisit le passe-temps dans lequel il y a le moins d’efforts à fournir. Et le rap ne me demande pas trop d’efforts, ça rend bien sans trop que je force. C’est comme ceux qui sont grave forts aux jeux vidéos et qui n’arrêtent pas d’y jouer toute leur vie. Je pense que c’est le principe des passions, des passe-temps.

Dans « Pour eux » tu dis « Je ne fais pas de rap à mi-temps ». Vis-tu de ta musique ?

Je n’en vis pas mais j’en fais tout le temps, et je vais bientôt en vivre. En tout cas je fais tout pour. Après on est venu me chercher aussi : j’ai eu des propositions de producteurs, de gens un peu sérieux. J’ai une vraie équipe autour de moi, c’est pour ça que je le fais vraiment à temps plein maintenant.

Dans une interview pour Cultiz, j’ai lu que tu avais commencé en rappant sur des titres de la Sexion d’Assaut… Quels titres en particulier ?

Je sais plus… Si, « 9ème zone arrive » de Maître Gims je crois que je la connaissais par coeur. Et surtout tout un tas de freestyles qu’ils faisaient dans la rue. Je ne sais pas pourquoi mais c’est ça que je retenais par coeur. C’était plus des couplets que des morceaux. « Nous néglige pas » aussi, toute La Terre du Milieu j’ai trouvé ça incroyable.

Tu viens d’Aulnay-sous-Bois, Sefyu a-t-il fait partie de ceux qui t’ont donné envie de te lancer ?

Donné envie non. J’ai bien aimé Sefyu, à l’époque de « La vie qui va avec », c’était génial.

« Quand tu vois un babtou y’a une hagra qui va avec. »

Exactement, c’était au moins sincère de sa part. (rires)

Tu valides donc la phase ?

C’est plus ou moins vrai, après ce n’est pas une fatalité. La hagra ne va pas avec tous les babtous. Après c’est un fait, il y rarement des bandes de babtous dans les quartiers qui mettent tout le monde à l’amende.

NQNT est annoncé depuis longtemps, qu’est-ce qui explique de tels délais ?

Ce sont les maisons de disque. En fait quand on a sorti « Autiste » on les a attirées, on a réveillé tout le monde. Il a donc fallu rencontrer tout le monde pour voir toutes les propositions, et c’est ça qui prend énormément de temps. Il faut rassembler les équipes des deux côtés, et ça se fait sur deux ou trois rendez-vous… Interminable. C’est pour ça qu’on a perdu un an.

Ça ne t’a pas frustré ?

Si, de fou. Là tous les morceaux que vous écoutez ça fait un an que je les ai faits. C’est un peu relou mais c’est pas grave.

Du coup être en indé pour ce projet, ça ne t’aurait pas plus convenu que de passer par des maisons de disques ?

Ce ne sont pas les mêmes expos, en indé je n’aurais jamais pu faire les clips que j’ai faits. Je ne sais pas si j’aurais pu avoir un tourneur… Peut-être que si. Etre dans un circuit, avoir une production, une maison de disque en licence derrière c’est confortable, j’ai moins de choses à penser. Et je suis très mal organisé. Et très jeune. Donc c’est plus facile comme ça. Je suis un grand flemmard.

Mais sur cet EP plus spécifiquement, tu ne t’es pas dit que le sortir en indé aurait pu attirer les maisons de disques ?

C’était notre but de le sortir en indé. On avait une semaine ou deux de retard, mais on a quand même sortir le clip d’ « Autiste ». Et suite à ce clip tout le monde s’est excité sur notre gueule. Au lieu de faire les mecs qui partons en indé on a pris des gros chèques.

« Aulnay-sous-Bois » a l’air d’être le titre le plus apprécié depuis la sortie récente de l’EP, comment tu l’expliques alors qu’il a un format plus conventionnel avec un message, moins sans queue ni tête que ce que tu livres d’habitude ?

Je pense que le message, au contraire, est particulier. Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de morceaux qui parlent de la banlieue comme ça. Et c’est facile d’approche. Même si beaucoup de gens aiment beaucoup ce que je fais, le NQNT, ça reste quelque chose de complexe dans lequel ils ne comprennent pas tout, sur lequel il est difficile de s’accrocher. J’en ai conscience. « Aulnay-sous-Bois » c’est le morceau le plus clair en fait, avec un message sur la banlieue très peu courant, donc c’est presque normal que les gens le retiennent.

Parle-nous de ce message justement…

Je parle de la glorification de la « crapulerie ». C’est vraiment des trucs de fils de lâches.

D’ailleurs dans les commentaires encore, on peut lire des critiques à ce sujet, sur le côté conventionnel, qui serait calculé. Qu’est-ce que tu leurs répondrais ?

Calculé j’en sais rien… Je voulais me professionnaliser, je ne pouvais pas faire des morceaux comme ceux que je fais dans ma chambre ici. J’ai des gros moyens, je suis en HD, je ne peux pas me contenter des espèces d' »à peu près » que je pouvais me permettre dans ma chambre et qui donnent un côté un peu stylé, avec un grain. Mais quand tu es en studio et que tu fais ça, ça n’a aucun sens. C’est du gâchis même. J’ai ça entre les mains, je ne vais pas faire le branleur mais essayer de livrer quelque chose de carré. Après si c’est conventionnel, je vous baise tous, c’est de la bonne musique avant d’être conventionnel.

Donc tu n’es plus un branleur en fait ?

Si, mais je suis un branleur qui se force. J’ai toujours été conscient de ma condition et j’essaie de m’en sortir. Et c’est dur.

Le plaisir est toujours là ?

Je fais exactement la même chose : j’enregistre mes morceaux dans ma chambre, je maquette beaucoup et je ramène ici. On voit si c’est bien, si tout le monde aime, et s’il y a des problèmes de prods ou de textes on revoit ça ensemble. Je fais vraiment ce que je veux, les producteurs ont plus un rôle de douanier. Ils disent : « Ça on prend, ça on prend pas. » Ce qui fait que ce qu’ils prennent, je le voulais en fait. Il y a des trucs que je veux mais qu’ils ne prennent pas, mais ça ne sortira juste pas. Ils ne me briment pas, à me casser les couilles en me disant « Fais ci, fais ça… »

Ça ne te dérange pas que des morceaux que tu aimes ne soient pas sélectionnés ?

C’est un compromis ! Ils me payent beaucoup de choses, au bout d’un moment je ne peux pas faire le roi. Je suis produit, j’ai des gens derrière qui font beaucoup de choses pour moi. Il faut que je les écoute un minimum, c’est donnant-donnant. Je ne peux pas me permettre à 22 ans de dire à des mecs comme Merkus, Tefa ou des anciens : « J’vous baise, on fait ça sinon j’me barre. » Ça n’a pas de sens, ça serait surréaliste de faire ça. Le compromis qu’on a trouvé c’est que je fais ce que je veux, et ils prennent dedans.

Comment prends-tu les critiques que peut avoir le public des premières heures par rapport à ces nouveaux changements dans ta musique ?

(Il réfléchit) C’est comme si un mec qui commençait une marque de street wear dans son quartier et au marché faisait de l’oseille, et se mettait à avoir des magasins un peu partout en France. Je ne vois pas comment on peut lui en vouloir, le mec continue à faire la même marque. Et puis dans la forme être chez moi c’était une contrainte puisqu’il y avait des choses que je ne pouvais pas mixer, mais déjà à l’époque il y avait des morceaux comme « Smiley », « Que fait la police ? », « Ass propos » avec AD… Il y avait du dirty partout en fait, j’avais annoncé la couleur.

Qu’est-ce que le fait de travailler avec quelqu’un comme Tefa (qui a produit entre autres 2Bal 2Neg’,  Diam’s, Kery James, Kool Shen…) a changé dans ta façon d’aborder un nouveau morceau ?

(Il réfléchit) Dans la façon de rendre plus compréhensibles mes textes. Je ne saurais pas trop comment te l’expliquer. Ils n’étaient pas très familiers à mon discours et surtout à mes formules de phrases qui sont un peu farfelues, tirées par les cheveux. Et au final ça leur passait au-dessus. Tu ne fais pas de la musique pour que ça passe au-dessus des gens et que ça ne plaise qu’à un public de niche qui écoute vraiment à fond. Il faut que ça plaise à beaucoup de gens et que ça aille vite je pense.

Quel est le rôle de tes producteurs dans ce projet donc ?

Douaniers. Mes producteurs sont des douaniers. Je leur ramène des morceaux, ils aiment ou pas, et s’ils aiment on enregistre au propre. C’est la même recette qu’avant, je fais juste un effort parce que je sais qu’ils vont me pousser à aller vers un audimat qui n’est pas le même. Un audimat plus large, et il faut donc que les gens me suivent un minimum. Mais ça reste très tordu quand même ce que je fais. Il y a encore des gens qui ne comprennent pas ce que je dis. Ça reste encore un peu nazi encore, quand j’écoute « Par Toutatis » par exemple ça part dans tous les sens. C’est un peu nazi.

Et le fait de devoir abandonner des morceaux ne te frustre pas ?

J’ai trouvé un super concept pour tous ces morceaux qu’on n’a pas sélectionnés pour l’EP, on va voir ce qu’on va faire. Mais pour le moment c’est une surprise, je ne peux pas trop en parler.

Sur le timing et la stratégie, tu suis leurs conseils ?

Ce sont des compromis de temps, d’argent, etc. Quand j’étais dans ma chambre ce n’étais pas la même chose, je m’en battais les couilles, je faisais les clips moi-même, je n’avais de comptes à rendre à personne. Alors que là on a des réalisateurs, ils doivent rendre le truc, plus une énorme prise de tête pour passer sur Vevo… Donc la stratégie ne dépend plus que de moi, j’ai des envies et on essaie de faire avec, il y a plein de propriétés à prendre en compte.

On t’a aperçu dans le Before récemment, qu’est-ce que ça change par rapport aux interviews que tu as l’habitude de donner aux médias spés ?

Quand je regarde mes premières interviews je ne les aime plus, je les déteste ! Je ne savais pas comment réagir devant une caméra, j’étais tout sourire… Maintenant c’est fini, je sais ce que je dois dire, je sais où je vais… Je sais qui je suis. Je serai tout le temps pareil maintenant que ce soit sur TF1, M6 Musique ou « Touche pas à mon poste ».

Cet EP annonce un album, tu en es où ?

Il est fini. Je vais rajouter des morceaux pour qu’il soit bien chargé, mais il est fini là. En ce moment j’écoute l’album, il est incroyable.

A quoi peut-on s’attendre ?

J’ai trouvé le groove. Je l’ai trouvé sur « Par Toutatis ». Maintenant sur tous les morceaux que je fais il y a du groove. C’est dans les temps, ça rebondit tout le temps, c’est magnifique. (rires) Non mais c’est bien foutu, bien moins anxiogène. Je n’en peux plus de cette anxiogénité.

Dans les sonorités ça se rapprochera donc de « Par Toutatis » donc…

« Flowjob », « Par Toutatis », mais il y aura des morceaux aussi barrés que « Horrible ». C’est jamais cohérent ce que je fais donc je ne peux pas te dire s’il y a une recette…

AD il continue de jouer un rôle ?

C’est mon backeur, il est présent sur toutes les scènes. Là j’espère qu’il va sortir son EP. Sinon j’ai tout le temps un million de prods à lui à écouter, là par exemple pour NQNT c’est lui qui fait l’intro, et « CQFD » c’était lui aussi. Et je prie qu’il devienne un rappeur solo plus fort que moi. Je vois le potentiel en lui, il est bon.

Cette recherche technique dans tes textes, on la retrouve beaucoup dans des collectifs dans lesquels règne une sorte de compétition positive : L’Animalerie, L’Entourage… C’est quoi ta compétition autour de toi ?

Moi c’est clairement d’éclater AD. Je trouve qu’AD est plus fort que moi, c’est clairement lui que je veux mettre à l’amende.

Une relation saine en somme…

C’est super sain parce qu’il le sait et qu’il veut me mettre à l’amende aussi. Le tout c’est de se l’avouer. Quand on ne se l’avoue pas, ça devient malsain.

Sur le freestyle de L’Animalerie N°02062014,2 sorti en juin dernier, AD est quand même très chaud

J’ai trouvé qu’il avait un groove plus entraînant que le mien mais je l’ai tué quand même : j’ai fait plus de rimes, dit plus de choses. De manière générale AD rappe mieux que moi, mais je suis meilleur que lui.

A part AD il n’y a pas de feats sur l’EP, c’était voulu ?

J’avais des choses à dire, il n’y avait pas de place pour laisser des couplets. Et puis quand je fais un morceau je le finis. Pour un feat il faut que j’abandonne un couplet ou que je ne finisse pas un morceau… C’est un peu complexe pour moi le principe de feat.

Prévois-tu des featurings pour ton album ?

Ouais. (sourire) Je pense que c’est important aussi. Un CD sur lequel on n’entend que ma voix c’est un peu relou. Ça fait du bien d’avoir d’autres voix.

Tu ne vois pas le featuring comme une osmose à un moment donné ?

C’est des batailles, on est des rappeurs ! Les feats que j’ai faits n’étaient pas des morceaux à thèmes, c’était vraiment de la compet’, à qui fera le meilleur couplet. C’est souvent ça. Après pourquoi pas faire un vrai morceau avec une vraie idée derrière, mais pour le moment je n’ai pas ce genre d’idée en tout cas.

Ton couplet sur le freestyle N°18012013 de L’Animalerie avait aussi marqué les esprits…

(Il coupe) Celui-ci il est issu d’un super morceau qui ne sort pas, je suis trop énervé !

Va-t-il y avoir un morceau officiel avec des membres de L’Animalerie ou Oster Lapwass ?

C’est probable, avec Oster on s’envoie des prods, on est en train de se parler et de se remettre en contact. Donc ça risque fort d’arriver. Avec des membres de L’Animalerie j’aimerais bien… J’aimerais bien faire une sorte de méga cypher en fait. Il faudrait que je m’organise parce que les morceaux de 10 minutes c’est toujours emmerdant, et j’ai beaucoup de gens à inviter. Peut-être faire un cypher en trois parties comme Lil Wayne.

Un peu comme le morceau Ma b**e et ma voix de Missak sur lequel tu avais été invité ?

Oui voilà. Ou comme les rassemblements de vampires d’Alkpote.

Pour conclure, un mot de la fin ?

Vald en physique sur vald.tv ! Rejoignez-moi sur les réseaux sociaux, je vends mon pull Redskins pour ceux que ça intéresse ! Et le 5 novembre à L’International ! De l’amour à vous d’être venus.

Vald_NQNT

NQNT : disponible depuis le 27 octobre.

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Olivier LBS

Doyen et autocrate en chef de cette incroyable aventure journalistique. Professeur des écoles dans le civil. Twitter : @OlivierLBS

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