Paco – l’interview « Paco-Errant »

Paco s’apprête à sortir son deuxième album le 13 octobre prochain, Paco-Errant, 10 ans après « A base de vers durs ». Nous sommes donc allés à sa rencontre à l’occasion du festival L’Interlude à Toulouse, une semaine de Hip Hop non-stop organisée début septembre par les assos CMF, La Doxa et Air 2 Zoo. Paco, qui assurait un set dans le cadre de la (folle) soirée Drop The Beat All Starz, est revenu sur la genèse de l’album, ainsi que sur son parcours, sa façon de voir le rap, ses projets… Magnéto :

Salut Paco, on t’a connu en 2004 avec l’album « À base de vers durs », quels sont tes faits d’armes avant ça ?

Pas grand chose. Je rappais avec un pote à moi sur Aubervilliers, J.C. On maquettait, on avait une MPC, on travaillait les morceaux comme ça, sans jamais rien concevoir en termes de projets. J’ai toujours rappé avec des potes, c’était le quartier, ça rappait comme ça. C’est seulement bien plus tard qu’on a commencé à vouloir créer le label Horizone avec Swift Guad, un pote de Montreuil. C’est ce qui a déterminé la sortie des projets. Sinon je rappe depuis 1997, j’écris depuis 1995.

Comment s’est faite la rencontre avec Swift Guad, avant Horizone Prod et votre duo « Hérésie » ?

Par le biais du quartier. C’était un pote à moi qui connaissait un pote à lui qui faisait du son. Et on s’est rencontré, on a commencé à faire des sons ensemble. Lui il était plus beatmaker, à l’époque où je l’ai connu il rappait pas. Il faisait des prods, on a commencé à faire des sons, on a sorti « A base de vers durs » à peu près à cette époque-là, et c’est comme ça que ça s’est fait : humainement, par le biais du quartier.

On parle encore aujourd’hui de cet album, as-tu ressenti cet impact à l’époque ?

Pas du tout. Et je vais te dire un truc : je le faisais sans trop m’en occuper. Et aujourd’hui limite je ne l’assume plus trop. J’ai vachement mûri, et dans cet album-là il y a des sons qui datent de 1998 / 1999, que j’ai remis au goût du jour et réenregistrés en 2001 / 2002 pour une sortie en 2004. On avait signé un deal avec Musicast, ça avait moyennement marché, mais on n’avait pas tous les moyens qu’on a aujourd’hui, à savoir internet et les réseaux sociaux. C’était indé, on stickait dans les rues… On a vendu un peu, mais ça a pas été le truc escompté non plus, qui nous aurait permis de sortir la tête de l’eau.

Puis par la suite j’ai arrêté le rap, tout simplement. J’ai eu ma fille, puis mon fils. J’ai privilégié la vie, j’ai arrêté le rap pendant 6 ou 7 ans puis j’ai repris récemment. En 2011 j’ai commencé à réécrire des textes, j’ai fait « Grande gueule », un clip sans aucun projet, mais qui a créé une dynamique, et donc j’ai fait d’autres sons par la suite. Voilà.

Plus de nouvelles jusqu’à fin 2012 donc, qu’est-ce qui t’a donné envie de revenir ?

J’ai pas mal bougé, je suis revenu sur Paris en 2012, j’ai recroisé des potes, il y avait des studios faciles d’accès, disponibles… J’ai enregistré le morceau « Grande gueule » sur une prod de Mani, un gars que je venais de rencontrer sur le net. On a clippé le morceau avec un pote à moi du quartier, le clip a bien tourné, ce qui m’a poussé à remettre le couvert.

10624620_545568298876347_6123759785421331457_n

Depuis ton retour, tu es plus prolifique que jamais. Comment es-tu passé de l’arrêt total à ce rythme effréné ?

L’écriture ça a toujours été facile. J’ai toujours écrit, même pendant la période durant laquelle j’ai arrêté le rap. Je ne rappais pas mais j’écrivais. Ça a toujours été un kif pour moi. Et à partir du moment où tu écris vite, et que tu as des mecs autour de toi qui t’envoient des prods de qualité régulièrement, le reste vient tout seul.

La première sortie après cette absence c’est l’EP « PacMan » en collaboration avec Mani Deïz, c’était une façon de reprendre en douceur ?

J’avais déjà l’album « Paco-Errant » qui était en chantier, j’avais déjà commencé à enregistrer quelques morceaux. Je bosse beaucoup avec Mani Deïz, mais je ne voulais pas que du Mani sur l’album. Mais vu l’alchimie qu’on a quand on bosse ensemble, on s’est dit qu’on se ferait un petit maxi à deux. Les gens attendaient depuis longtemps, donc on a voulu sortir un truc assez rapidement. La conception, de l’écriture au pressage, on mis deux mois à le faire. J’écrivais, j’enregistrais dans la foulée. On l’a sorti par nos propres moyens, sans distrib’ ni rien. C’était disponible via bandcamp et les réseaux sociaux. On a collé nos timbre et envoyé ça nous-mêmes. Ça a bien tourné donc ça m’a conforté dans l’idée de faire l’album. Donc j’ai mis mes oeillères, je m’y suis mis à fond et voilà : l’album est parti au pressage.

Sur « PacMan » y avait-il des morceaux destinés à l’album à la base ?

Pas du tout. On a enregistré le truc track après track, de façon à arriver à 8 ou 9 titres, en y rajoutant les prods pour arriver à un truc correct de 16 ou 17 titres. C’était vraiment pour faire patienter un peu les gens, sachant que l’album n’aura pas grand chose à voir avec « PacMan ». « PacMan » est vachement sombre, alors que sur l’album je me suis autorisé des trucs, je suis parti un peu dans tous les sens.

D’ailleurs comment en es-tu venu à travailler avec Mani Deïz ?

Je l’ai connu par Nacim Ol’Zico et également Metronom (avec qui j’avais eu l’occasion de travailler). Nacim Ol’Zico, qui habite à Etampes, m’a dit qu’un gars à côté de chez lui faisait des prods, tout bêtement. Il m’a envoyé une prod, j’ai kiffé, j’ai enregistré un son, et l’alchimie s’est faite comme ça. Ça fait trois ans, et depuis on bosse ensemble, c’est devenu mon backeur, c’est limite mon manager. Il me donne son point de vue sur tous les projets que j’entreprends, il a toujours son mot à dire. C’est un peu mon binôme. Et moi pareil sur ses prods j’hésite pas à le piquer quand il faut. C’est ce qui fait avancer le truc.

Aujourd’hui il est très demandé, est-ce que tu as l’exclusivité sur ses nouvelles prods ?

Ça j’en sais rien, faudra que tu lui demandes ! Ce que je sais c’est qu’il m’a toujours envoyé des prods. Des fois j’avais des trucs bien particuliers à lui demander, comme un sample de guitare bien flamenco ou un piano bien dark par exemple, et il a toujours su répondre à mes attentes. Le mec reste opé avec tout le monde, il est prolifique, donc ça fonctionne bien, tant mieux pour lui !

L’actualité c’est l’album « Paco-errant », comment te sens-tu à l’approche de la sortie de l’album, 10 ans après le premier ?

Bien, sans pression. Je suis content, cet album j’en suis super satisfait. Sur la trentaine de personnes qui ont eu l’occasion de l’écouter je n’ai que des bons retours. Je suis confiant, pour moi c’est le meilleur album que j’ai pu faire jusqu’à présent, c’est le projet le plus abouti en termes de cohérence. Le clin d’oeil est là pour ça : « Paco-Errant » / « pas cohérent », c’est par rapport à moi, ma vie. C’est les potes, la famille, je suis tous les soirs à faire les devoirs avec mes gamins, et aussi cette vie de rappeur que les gens s’imaginent que j’ai. C’est un peu ça le côté « pas cohérent » : ma vie est loin d’être celle qu’on peut s’imaginer. Sinon ça reste du Paco.

Quelle évolution vois-tu dans ton rap entre tes deux albums et les 10 ans qui les séparent ?

La maturité. J’étais jeune sauvageon, je chourravais des Vespas comme je disais dans un de mes textes. C’est l’époque où je ne faisais que des conneries, pas de responsabilités, pas de gamins… Ça se ressentait dans ma façon d’écrire. Aujourd’hui j’ai un message qui n’a rien à voir. Entre temps j’ai vécu, j’ai eu deux gosses, ce qui m’a mis du plomb dans le crâne. Si je peux inciter les jeunes à aller étudier plutôt qu’à aller cramer des voitures ou caillasser des schmitts, c’est bien. C’est la base de mon rap, du conscient.

Je suis un peu contre le rap que tu entends en radio, les trucs formatés qui mettent de la merde dans la cervelle des mômes, j’y suis confronté avec mon gamin de 11 ans. J’ai horreur du rap avec des phrases du style « Te déshabille pas, je vais te violer ! ». Ça choque mes tympans, je vois des gamins qui dansent dessus sans comprendre… Mon rap c’est du rap de trentenaire, dans mon public j’ai des darons de 40 piges qui viennent me check à la fin. C’est ça ma fierté aujourd’hui.

Et qu’est-ce qui n’a pas changé ?

La verve, la rage, la gnaque, la passion… Tous ces ingrédients qui font que j’écris toujours aussi vite. J’ai toujours envie d’écrire des nouveaux thèmes, de faire mieux, d’évoluer. Là j’ai déjà deux projets en tête qui sont déjà entamés alors que l’album est à peine pressé. J’ai presque fini d’écrire ces projets, j’écris vite par rapport à ce qui sort en fait.

D’ailleurs on sent un gros travail d’écriture, notamment sur un morceau comme « La bonne blague », sur lequel tu gardes la même rime sur tout un morceau. Sur les morceaux comme ce n’est pas un peu plus laborieux quand même ?

Non, une fois que tu es parti dans le délire… Pour « La bonne blague » j’ai commencé par un 16 mesures, après j’en ai fait un 24, puis je me suis embourbé dans la rime et je l’ai gardée jusqu’au bout. Mais c’est venu assez rapidement. J’ai fait pas mal de textes comme ça sur lesquels je garde la même rime. C’est un petit délire, c’est ma façon d’écrire : quand je prends la rime je ne la lâche plus, j’aime bien la triturer jusqu’au bout. C’est un peu mon concept, d’autres sons comme ça vont arriver.

Tu parlais de « PacMan » qui n’a pas bénéficié d’une grosse distribution, est-ce que sur « Paco-Errant » il y en aura une ?

Oui, il sera disponible en Fnac, sur iTunes, toutes les plateformes. J’ai signé avec Addictive pour un deal de distrib’. C’est plus pour déléguer le taf, et non pas pour faire du commercial. Passer des journées entières à préparer des colis, les envoyer, gérer la compta… Au bout d’un moment tu en oublies d’écrire des textes, préparer des sons, des lives, etc. C’est un tout, il ne faut pas être trop multi-casquette. Ça commence à bien marcher donc tant mieux pour moi, je ne vais pas m’en plaindre, mais je me sens obligé de déléguer, sinon je n’y arriverai pas.

10480219_540370552729455_3786680352421552961_n

Tu préserves ta passion d’une certaine façon.

Voilà. Je continue d’être productif. Là il y a des gens qui gèrent les choses pour moi, ça me permet de me concentrer sur l’essentiel : mon rap.

Mais si tu t’occupais toi-même de ta distribution, ça te permettrait d’être plus à l’aise financièrement…

Oui, mais je m’y retrouve finalement. Le temps c’est de l’argent. Je vais peut-être perdre 1 ou 2 euros sur chaque CD, mais j’ai du temps pour préparer d’autres choses, écrire, être productif.

Comment s’est effectué le choix des prods ?

Au feeling, j’écris sur des prods donc il faut qu’elles m’inspirent, me donnent envie d’écrire. Souvent j’ai une idée de thème tout de suite, et j’écris. C’est des prods de potes pour la plupart. Donc c’est humain, on se connaît et on a l’habitude de taffer ensemble. Ça se fait instinctivement.

Pareil pour les feats ?

Oui, c’est des potes, des gens que je connais depuis longtemps, qu j’aime bien, même artistiquement. Ça  reste avant tout une aventure humaine. L’idée n’est pas enregistrer chacun de son côté sans même se voir ni se check. Pas possible. On va passer un week end ensemble, limite écrire le truc ensemble. On va partager un truc.

Qui va-t-on retrouver en featuring ?

L’Indis, Anton Serra, Swift et Geule Blansh. En tout il y aura 20 titres. 21 même, il y aura un track caché, faudra le chercher dans l’album, et 9 beatmakers différents : Juliano, Mani Deïz, Stab, Al’Tarba, Low Cut, Nizi, Shaolin, Char et Itam.

La suite pour toi c’est une tournée ?

A partir d’octobre on va travailler un nouveau show, lâcher un peu plus d’exclus de cet album, chose qu’on n’a pas faite jusqu’à présent. Le show va commencer fin octobre, début novembre. On cherche des dates, mais on reste indé donc je n’ai pas d’agence de booking autour de moi. On cherche des orgas, chaque semaine je rajoute une petite piqûre de rappel : « N’hésitez pas à nous contacter si vous voulez nous voir dans votre ville ». On marche comme ça jusqu’à présent, « tournée » est un grand mot.

Tu fais beaucoup de plateaux, penses-tu un jour organiser un concert avec Paco en tête d’affiche, te faire un petit plaisir sur Paris ?

Pour l’instant c’est en projet donc je ne préfère pas trop en parler, tant que ça ne reste que des mots je ne vais pas m’étaler.

Le mot de la fin :

Procurez-vous « Paco-errant », ça sort le 13 octobre. Ça sera un bon parpaing : 10 ans de ma vie ! Plein d’autres projets arrivent, un gros big up à tous ceux qui soutiennent, et un big up à toi !

10624620_545568298876347_6123759785421331457_n

Paco-errant : sortie le 13 octobre (Précommandes : iTunes / Fnac)

Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec les petites icônes ci-dessous, et à rejoindre la page facebook ou le compte twitter du Bon Son.

Partagez:

Un commentaire

Commentaires

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.