Interview : Slob Design

Nous avons découvert le travail de Slob Design d’abord via quelques pochettes d’albums. On pense notamment à celle de l’album de Ritzo (pour « Point Zéro ») ou à ses collaborations avec les Kids Of Crackling. Mais ceci ne reflète qu’une partie de son travail puisqu’il réalise aussi des clips et est à l’origine des vidéos concept « Lyrics sur mesure(s) ». Nous avons voulu en savoir plus et sommes allés à sa rencontre. Slob Design, pour Le Bon Son.

Peux-tu nous résumer ton parcours en quelques lignes ?

Slob, graphiste et bricoleur de vidéos, la presque-trentaine… Originaire de Caen, résidant sur Paname depuis 2008. J’ai toujours kiffé le dessin. Le graphisme est venu bien après. J’ai découvert Photoshop au lycée, j’ai ouvert le logiciel, j’me suis dit « c’est quoi ce truc de ouf », j’ai pris la photo d’une meuf, je lui ai mis 8 bras et 3 yeux et j’me suis dit « c’est ça que je veux faire plus tard ». Ensuite, études à Nantes… En 2007 j’ai rencontré Demi-Portion par l’intermédiaire d’un pote et c’est là que j’ai vraiment commencé à bricoler 2-3 trucs…

Tu réalises des clips pour Ismaël Lesage entre autres, comment choisis-tu les artistes avec qui tu travailles ?

C’est plutôt les artistes qui viennent me voir à la base. J’ai jamais démarché, je ne suis pas dans cette optique, je ne suis pas là pour prospecter, on est dans un milieu artistique, je laisse les choses se faire… Y’a pas de critères particuliers. On me contacte et suivant le feeling, notre vision du truc, etc. On décide ou pas de travailler ensemble. Concernant Ismaël par exemple, ça fait un moment que je sais qui c’est, c’est un grand de chez nous, il a connu « l’ancienne époque » avec son groupe Ambusquad, et il évolue désormais au sein de la structure Red Drum Muzik. Je l’ai rencontré en 2012, je l’ai invité sur mon projet « Lyrics sur Mesure(s) » et c’est depuis qu’on taffe ensemble.

Parle-nous du concept des « Lyrics sur mesure(s) »…

Alors, comment dire… C’est une idée qui m’est venue un matin en me réveillant, c’est aussi con que ça. Je me suis dit pourquoi pas faire un projet avec des gens avec qui j’ai collaboré artistiquement parlant, et d’autres que j’ai rencontré avec qui le courant est bien passé. Du coup je suis parti sur l’idée d’un support vidéo, concept un peu à l’arrache, où j’irais filmer les MC’s sur leur « territoire » avec mon sac à dos et mon matos. J’envoyais une sélection de faces B, je leur demandais de gratter un truc dessus, ils m’envoyaient ça dans la foulée et on clippait sauvagement le truc. Ca s’est vite limité à 5 zones, à la base je voulais en faire plus, mais le manque de temps a fait que je ne voulais pas commencer quelque chose que j’aurais du mal à boucler. Je ne voulais pas trop faire trainer le truc.

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J’ai donc fait Caen, Rennes, Limoges, Sète, et Paris. C’était cool, on a fait ça sans trop de prise de tête, c’était voulu. Au bout de la dernière session vidéo, pour donner une finalité au projet j’ai voulu compiler tout ça en version audio et le mettre à dispotion gratuitement sur le site Grizzmine. Char, qui avait enregistré le dernier son du projet avec Katana et Sk.Micaz, m’a suggéré de mettre un peu d’inédit dans la version audio. C’était une bonne idée. J’avais un court laps de temps pour gérer ça, le mix, les visuels de la tape, vu que la date était déjà annoncée… J’ai donc invité Ritzo, Ham Mauvaise Graine et Vin-Mar de Mental Combat. Ils ont répondu présents, j’ai eu les sons rapidement, et mon pote White Widow a mixé tous les sons en quelques jours, a placé des scratches, et a fait une intro bien cool. 41 MC’s au total sur ce projet, des bons moments, c’était un bon kiff…

Tu as des clips en préparation ?

Ouais ouais, pas mal de trucs sur le feu… On a sorti trois clips l’année dernière avec Ismaël, là on charbonne sur trois autres clips dont un est sorti récemment, tous issus de son projet « Le Bestiaire » dont la 2ème partie sort vers la rentrée. Actuellement avec Isma on taffe sur un clip où on va vraiment se faire plaisir, un délire qui nous parle très bien à tous les deux… Y’a aussi un clip de Rask, de l’équipe Mental Combat, en feat. avec Frères de Sons qui devrait débouler à la rentrée. Puis un deuxième pour Rask, avec un concept particulier, qui devrait être tourné bientôt. Y’a l’ami Y.E, avec qui on va se faire plaisir, c’est une co-réal, c’est dans les préparatifs depuis un moment mais ça va se faire, on risque de se marrer. Et puis quelques trucs et surprises avec les potos de 14Basse, qui se préparent en scred. Après y’a d’autres trucs, mais c’est pas encore le bon moment pour en parler…

Au Bon Son on t’a découvert via tes pochettes de disques. Quelle est celle dont tu es le plus fier ?

Dur… (sourire) Tu me mets dans l’embarras là. Une des dernières, pour laquelle j’ai eu beaucoup de bons retours notamment, c’est l’album de Ritzo, « Point Zéro », univers très froid, musicalement et visuellement. J’ai kiffé bossé là-dessus. La cover du « Bestiaire part.1 », sorti en 2013, aussi… Là on taffe sur la partie 2, avec toujours un référence à ce côté bestial. Dans un autre délire, j’ai bien kiffé le grain amené sur le projet PacMan, de Paco et Mani Deïz, pochette classique sans thème précis, pliée un lendemain de cuite.

Comment définirais-tu ta patte ?

Deuxième question compliquée… Tu m’en veux ! (sourire) Peut y avoir une certaine technique, une manière d’aborder les choses qui se ressent visuellement. On m’a déjà dit « on reconnait ta patte », mais ça veut dire quoi en fait ? Chaque MC à son délire, son univers, sa personnalité, que j’essaie de traduire visuellement par rapport à son projet. Ça peut arriver aussi que je parte sur un délire archi simple, sans fioriture, sans concept détaillé de fou, mais qui va fonctionner. Des fois ça peut m’arriver aussi d’être taxé de « sombre », mais ça c’est de la faute des gens avec qui je bosse (rires). De toute manière les univers trop pep’s, édulcorés, fluos, c’est pas trop trop mon truc à la base. C’est surtout des codes esthétiques qui peuvent revenir sur tel ou tel projet qui font qu’on peut éventuellement te reconnaître. Après c’est difficile de dire « ouais, moi j’ai une patte, elle est comme ça et pas autrement ». C’est plus aux gens de s’en apercevoir. Pour résumer je travaille assez spontanément, je sens le truc, j’y vais à fond. Et puis peu importe la manière de faire, ce qui compte, c’est le résultat.

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« Des fois ça peut m’arriver aussi d’être taxé de « sombre », mais ça c’est de la faute des gens avec qui je bosse (rires). »

Comment procèdes-tu avec les artistes, que ce soit pour un clip ou une pochette : tu leur fais des propositions ou ils arrivent un cahier des charges bien précis ?

Premièrement, on se détermine une direction sur le projet… C’est quoi ? La couleur musicale ? Les thématiques ? Les prods ? Généralement on me fait écouter quelques maquettes. Ce qu’il me faut impérativement quoiqu’il en soit c’est un titre, évidemment sans titre je ne fais rien. Une fois qu’on a le titre, on essaie d’en tirer une idée, une atmosphère, ou alors on en parle vite fait, suivant la demande. En général sur la forme, on me laisse carte blanche. Si le rappeur me dit « je veux ça, j’aimerais bien qu’il soit mis en forme comme ça, avec ça, ça et ça… », on échange, on voit ce qui le fait ou pas, et go. A chaque fois, je fais en fonction des infos qu’on me donne… c’est toujours différent. Y’a pas de recette précise, le cahier des charges est parfois bordélique. J’aime aussi quand y’a une certaine exigence de la part du MC, quand il sait où il veut aller, généralement ça reflète un travail musical soigné. Visuellement, on peut partir sur du conceptuel comme sur du très classique. En graphisme ou en vidéo. Raconter une histoire c’est bien, mais faut pas se louper. Je ne veux pas faire dans la facilité pour « faire comme », ni dans quelque chose qui soit trop élitiste pour « faire différent »… Ca reste hip-hop. C’est le mot d’ordre. Au final je considère qu’un visuel doit pas être chiant à regarder, c’est déjà assez éphémère, tu passes pas trois heures à décortiquer une pochette, ça tue ou ça tue pas. Point. Regarde, pour PacMan par exemple, Mani m’appelle, me dit on va faire un maxi avec Paco, ça urge un peu, on a shooté en despee entre un grec et un concert, 24 heures après le visu était près, et le reste de la pochette s’est fait rapidement.

Qu’est-ce qui t’inspire un visuel chez un artiste ?

Sa personnalité, déjà. Un mélange de ce qu’il est et ce qu’il a mis dans son projet, sa direction artistique… Ce qui est intéressant là dedans c’est que tout le monde est différent, y’a plusieurs styles de rap, des rappeurs qui tuent mais qui n’ont pas la même façon de faire, et heureusement.

Quelles sont, selon toi, les maladresses les plus fréquentes sur les pochettes d’aujourd’hui ?

J’ai l’impression que la créativité des pochettes, suivant certaines périodes, varie en dents de scie. A force de vouloir faire trop créatif dans la forme, on peut taper à coté et perdre ce coté hip-hop, parce qu’à la base on parle de ça, non ? Ça peut partir dans le surréaliste, limite hipster… laisse tomber… A l’inverse, tu peux faire un visu terrible, qui reste « hip-hop » sans tout voir à travers un prisme rap-béton-quartier… Sinon tu tombes vite dans le plagiat, même involontairement. Ou faire comme machin, au point de calquer, c’est pas possible pour moi. Le MC avec des lunettes de soleil, en 1er plan devant un tas d’immeubles pris au pif sur Google, des hélicos, des explosions de partout, avec un titre clinquant bien dégueulasse… Souvent ça pique les yeux. Mais ça existe encore. Des maladresses techniques, des trucs fait despee j’en vois souvent… Tout est une question de dosage.

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Quelles sont tes prochaines commandes ?

Beaucoup de choses. Je t’ai parlé des clips à venir, mais au niveau des pochettes y’a pas mal de trucs qui vont arriver également. Déjà Pand’Or, on va rebosser ensemble, et en attendant son projet « Dans ma boite » dont je me suis occupé est sorti y’a pas longtemps. L’album de Lacraps arrive le 3 octobre. Y’a Paco et son album « Paco-Errant » juste après qui sort le 13. Mes potes de 14Basse à la fin de l’année. Nasme aussi. Ham Mauvaise Graine, qui au passage est une de mes plus grosses claques en rap français. Il va arriver avec un truc ultra-lourd. Sekel du 91. Mani Deïz, avec qui je bosse tout le temps. Y’aura Rask de Mental Combat. Ismaël Lesage. Y’aura aussi l’album de Katana, entièrement illustré par Wild Sketch, j’vais m’occuper de la mise en page et la façon dont les illustrations vont vivre dans toute la pochette. Comme on a procédé avec Marche Arrière, en gros. Y’a Stab, beatmaker que je connais depuis peu, qui fait du très bon taff. Aussi Joe Fellaga, pour son projet Micro-Test qui arrive début septembre. DJ Blaiz’ pour Appelle-moi MC vol.2, grosse compil en prépa. Arsel MC, avec qui on va pas tarder à se mettre au boulot. Et 2-3 surprises. Bref, y’a du boulot.

Ton top 3 perso des pochettes de rap français ?

Difficile de se limiter à trois… Y’a la pochette d’Asphalte Hurlante de La Caution, un coté Hot-Wheels version rouillée que j’ai vraiment kiffé, ça correspondait bien à l’atmosphère du skeud. L’homicide volontaire d’Assassin aussi, c’est fort… NTM pour J’appuie sur la gachette, un des premiers trucs que j’ai eu entre les oreilles : un gun, une douille et le reflet du groupe dans une flaque. Ca bute. Venom aussi, « Un justicier dans la ville », super fort. « Sexe, violence, rap & flooze » de Busta Flex, c’est noir et blanc, brut de décoffrage, lumière dure, pas de titre sur la cover, ça défonce. Et pour finir, parce que c’est dur d’en donner que trois, la cover du 2ème album d’Ideal J, Le combat continue.

Et en rap US ?

Pareil, va y’en avoir un peu plus que trois… Le premier album du Wu déjà, une putain de photo en mode secte et des visages fantômes, un flou d’arrière-plan qui tue. Pochette légendaire. Récemment y’a eu les illustrations de « Wu-Massacre » aussi, c’est beau. P.E, les covers des 3 premiers albums, dont « Fear of a black planet »… tueries. Mos Def pour « The new danger », une belle photo, un logo Parental, et hop. Et je finirais avec Bumpy Knuckles et son « Crazy Like a Foxxx », trois tons principaux, noir, rouge et jaune, une peinture minimaliste, artisanale, j’aime bien. Le projet solo d’Havoc, « 13 », c’était pas dégueu non plus. Et puis une dernière, le premier Mobb Deep, pas de chichis, simple et efficace, tu sais que t’as pas affaire à du rap en plastique.

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Vis-tu de ta passion ?

Avec ce que je fais dans le rap, non, pas vraiment. C’est irrégulier. En ce moment j’ai un taff à côté, en agence de com.

Le meilleur pour la fin : pourquoi « Slob » design ?

En fait « Slob » ça vient de l’époque où je tagguais. Je précise « tagguer » parce que j’ai graffé un peu mais c’était succint. On trainait en ville avec les potes, on chapardait, on posait nos blazes à droite à gauche, c’etait des bons moments, j’en garde des putains de souvenirs. « Slob » c’est de l’argot cainri, c’est de l’auto-dérision; ça signifie grossomodo « crade, salaud, bordélique », ça collait pas mal je trouve. Ceux qui me connaissent savent (sourire).

Slob Design : Facebook / Chaîne Youtube

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