Interview : Juliano

Pour la deuxième fois, voici un article réalisé par nos partenaires catalans du site Show Bizness et traduit par leurs soins, afin qu’il puisse être publié en français et en exclusivité sur Le Bon Son…

Zoxea, Paco, 1995, Swift Guad, Reverie, Eli MC… La liste des MC’s ayant fait appel à Juliano est longue, et pour cause : le beatmaker est prolifique et n’a pas peur de s’exporter. Retour avec lui sur son parcours, ses collaborations, ses influences et ses projets…

http://youtu.be/ruGCDCG1Gyw

Salut Juliano, peux-tu te présenter brièvement?

Juliano 34 ans, beatmaker depuis une quinzaine d’années. Je suis originaire de Valenciennes mais je vis à Nantes depuis quelques temps.

Comment as-tu commencé à être un artisan du beat?

Au début, j’étais un peu tout seul dans mon coin. Je savais que pour faire des beats il fallait un sampler et du coup à ma première paye, lorsque j’étais en formation, je suis allé dans un magasin de musique pour en acheter un. J’étais un peu perdu devant tous les modèles disponibles car je n’y connaissais rien, j’ai donc choisi le moins cher. J’ai pas mal galéré au début mais le côté positif est que j’ai persévéré et j’ai appris tout seul, de manière autodidacte. A l’époque il n’y avait pas internet donc j’étais dans l’impossibilité de me renseigner sur le fonctionnement des machines. Cela m’a forgé.

Comme beaucoup d’artistes, est-ce le rap des années 90 qui t’a poussé à te tourner vers cette passion ?

Exactement. J’écoutais beaucoup de rap français et américain à cette époque. J’ai connu le rap grâce à un de mes cousins qui était plus âgé que moi et à mon frère. Ils me ramenaient toujours les nouveautés. Je devais avoir à peine 7 ou 8 ans. Je suis rentré là-dedans comme ça. Avec des groupes comme NTM à l’époque de « Rapattitude », « Authentik », Assassin… Au niveau américain, si je ne devais mentionner qu’un groupe, ce serait Public Ennemy. Ensuite, j’écoute aussi beaucoup de funk et de reggae. Ma mère écoutait énormément de classiques reggae sur une platine vinyle à la maison. Du coup j’ai ensuite fait mes propres recherches sur ce style musical et j’ai découvert plein d’artistes. Musicalement, j’aime vraiment la vibe qui se dégage. Je serais même tenté de dire que je préfère écouter du reggae que du rap. J’ai été influencé également par la musique latine et le flamenco aussi, un petit peu de part mes origines. Mon père est pied noir espagnol.

Tu as la particularité d’avoir collaboré avec des MC’s français, mais aussi outre-Atlantique au cours de plusieurs featurings avec des latino-américains. Peux-tu nous faire un récapitulatif de ces différents morceaux ?

En France j’ai produit 5 titres de l’album « La source » de 1995, de même que Dans ta réssoi de Nekfeu et Alpha Wann qui a eu une certaine visibilité sur la toile. L’instru de C’est nous les reustas de Zoxea et Busta Flex est aussi de moi. En ce moment, je bosse avec Paco pour son futur album sur lequel je vais produire deux sons. J’ai créé également deux beats, « Tomo acta » et « Representar » pour le projet de Don Ksen « Cerevrolencia ». Il y a quelques mois j’ai collaboré avec Eli MC pour « La Poignée de Punchlines #34 » (scratchs de Dj Kashflow) des belges de Give me 5 prod. Tant son flow comme son niveau d’écriture m’ont agréablement surpris.

En ce qui concerne l’Amérique Latine, j’ai produit des titres sur l’album de la Etnia initulé « Vox Populi » . Le clip nominé dans plusieurs festivals a rencontré un franc succès. J’ai aussi produit Gracias de l’album « La voz de la calle ». Ensuite, avec la mexicaine Nefftys, nous avons travaillé ensemble sur le track Bien consciente de son premier projet. Pour son second EP, « Más raices que frutos », j’ai créé le beat de « No te rompas » à l’aide d’un sample de tango. J’ai fait en sorte qu’elle apparaisse sur la mixtape C.P.C.D.M.C de Swift Guad avec Don Ksen entre autres. A partir de ce moment, nous avons décidé de travailler sur un disque en commun avec Nefftys. De là est né « En el torbellino ». J’ai beaucoup de respect pour cet artiste donc je lui ai laissé une totale liberté dans le choix des prods et dans l´écriture.

J’apparais aussi sur l’EP de la colombienne Spektra de la Rima, « Recuento », sur le titre éponyme. Pour finir, j’ai composé le beat de « Bitches aint shit » de la rapeuse Reverie, originaire de Los Angeles.

Parle-nous un petit peu de ton projet « The beats and the bits ». Ce fût une idée originale de proposer une beat tape avec un livre…

En 2011, l’association 27 Sens s’est chargée de l’édition du livre « SP-1200 the art and the science ». Pour la réédition, le producteur m’a contacté pour me proposer de produire un LP avec une machine SP 1200. L’idée était de le distribuer avec le bouquin. Celui-ci contenait des interviews d’artistes que je respecte énormément comme par exemple Lord Finesse ou les français Needle Drifterz ou Imothep. Cela a été une expérience incroyable pour moi car le projet a été distribué dans le monde entier: Japon, Angleterre, Suède, Etats-Unis … Je crois que de tous mes projets, c’est celui dont je suis le plus fier. C’est d’ailleurs grâce à lui qu’est né le son « C’est nous les reustas » de Zoxea et Busta Flex.

Quel matériel utilises-tu pour produire ta musique?

Actuellement, je ne travaille plus avec des MPC. J’utilise un ASR10 en guise de clavier et une SP12. Avant, j’ai essayé à peu près tout ce qui se faisait en termes de machines. Pendant un moment, j’ai utilisé une SP 1200 et une MPC 3000 avec laquelle j’ai produit la chanson Question de choix de Paco. Je ne sais pas si cette habitude de changer souvent de matériel s’explique par une évolution naturelle ou si inconsciemment elle intervient dans le but de stimuler ma créativité. Je n’aime pas me sentir limité. Je suis très perfectionniste et j’ai besoin de me sentir satisfait à 100% avant de valider mon travail.

Quels sont les beatmakers français dont tu te sens proche au niveau artistique ?

En fait, je pense que le niveau du beatmaking français est relevé. J’aime beaucoup d’artistes comme par exemple Shar the analog bastard, Colonna, Blanka, Guts, Daams, Flev, Mani Deïz, Nizi, Dj Brans, Kyo Itachi, Azaia…  et j’en oublie forcément. Dernièrement, j’ai apprécié le projet de Phalo Pantoja intitulé « The butcher boy ». Je veux également mentionner Toolsy, un producteur qui travaille dans l’ombre mais qui a beaucoup de talent. Je l’ai invité à collaborer sur ma beat tape « The beats and the bits 2 » et pour le son final de « Da voice breaker ». Pour finir, j’aime beaucoup Al’Tarba, car je pense qu´il a apporté beaucoup au hip-hop en général.

Peux-tu nous expliquer comment est né ton LP « Da voice breaker ». Pour ma part, je trouve que  c’est une authentique merveille …

J’ai produit « Da voice breaker” d’une manière tout à fait naturelle. J’ai toujours aimé utiliser des samples de soul. Je me suis rendu compte que j’avais en stock un bon nombre de prods de ce même univers. J’ai donc décidé de les compiler dans un même projet. Je l’ai mis en téléchargement libre sur internet sans calcul ni promo. Je trouve que ces instrumentales se suffisent à elles-mêmes et offrent de bonnes musiques d’ambiance. Je pense d’ailleurs que je sortirai bientôt un volume 2.

As-tu des projets pour les mois à venir ?

Actuellement je travaille sur un track 100% féminin. J’ai invité plusieurs MC’s de divers pays à poser sur une de mes productions : Vel the Wonder (USA), Nefftys (Mexique), Rebecca Lane (Guatemala), Eli MC (France) et Reverie (USA). C’est cette dernière qui a choisi l’instru. Dans quelques mois, nous allons sortir un EP en commun avec Rebecca Lane. Je prépare aussi un feat avec Spektra de la Rima avec l’instru de « For real » extraite de « The beats and the bits 2 ». Le second volet de « Da voice breaker » est sur le point d’être finalisé mais je pense qu’il naîtra sous la forme d’un EP. J’ai d’autres projets en cours mais je préfère ne pas trop en dévoiler avant qu’ils soient concrétisés. De toute façon, je vous tiendrai au courant le plus vite possible.

Le mot de la fin ?

Humilité en toute circonstance. Le hip-hop n’appartient pas plus à certains qu’à d’autres. Peace, love, unity and having fun !

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Lire l’article original sur le site espagnol Showbizness.

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Olivier LBS

Doyen et autocrate en chef de cette incroyable aventure journalistique. Professeur des écoles dans le civil. Twitter : @OlivierLBS

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