Interview rétrospective : Loco Rodriguez – La Casa Del Phonky

Depuis une vingtaine de piges, un fanatique se dévoue entièrement à l’art qui lui permet de s’exprimer, sans concession aucune. Voici le résultat de ma rencontre avec ce fou du micro :

Peux tu te présenter pour les lecteurs du Bon Son ?

Loco Rodriguez, créateur / fondateur de la Casa del Phonky, depuis 1993, originaire de Taverny, banlieue Nord parisienne.

Pourrais tu revenir un peu sur ton parcours musical depuis le départ ?

A la base, on a débuté avec des démos, plus pour le délire que de la réelle promo. On faisait des concerts dans le quartier. Quand je dis « on » je précise bien qu’on était plusieurs a la base : Chiqui Pento, Ramonkota, Dj Tony M, et moi-même, plus pour la passion que vraiment lancer une carrière. On faisait de la musique comme d’autres auraient fait du foot.

Le réel départ pour nous ça a été notre rencontre avec Lone, en 95, via le gérant d’un shop qu’on fréquentait à Châtelet, « Double Source ». On se retrouve dans le 2 pièces qui lui servait de studio, et on enregistre « Psycho Phonky », enregistrement en 2 prises, pas spécialement calculé. Ça tombe dans les oreilles de mecs qui avaient une boite qui s’appelait « Crash Disques », un label qui produisait principalement des artistes rock et punk (Sergent Garcia avait débuté chez eux si je me souviens bien), et qui préparait une compile de musique alternative « Tchatche Attack ». Donc commercialisation de notre premier morceau.

On peut dire que ça donnait envie de continuer l’aventure, donc on a embrayé sur une collaboration en 97 nommée « Spanish Lab » avec Colonel Keef, un toaster avec de grosses influences ragga/hip-hop. Suite à quelques désaccords, chacun a continué son chemin. En 99, j’ai voulu rebondir, mais il n’y avait plus cette force de cohésion, l’esprit de groupe. Malgré ça, avec l’appui de Chiqui Pento en tant que producteur, on a décidé de remettre ça avec « Toujours en désaccord / Lève ton poing », et qui m’a amené a créer « Casa Phonk Music », qui n’était rien du tout à la base, il y avait pas de structure à proprement parler, juste mes fonds de poches que j’injectais là-dedans ! La même année, je rencontre les mecs de « Cumpaz », une marque de street wear. Ils avaient une petite start-up « Onorata Societa », je leur propose de sortir le premier album « Entra en la Casa » en 2002, avec un bon appui médiatique de la part de Cumpaz, qui avait pas mal de visibilité a l’époque dans les magazines et fanzines hip-hop.

Après cette période, j’ai fait pas mal de tapes de promo, le premier volume de « Casa Bandido » en 2005, et en parallèle la structuration du label Casa Phonk music avec mon poto de toujours, Il Capo Bastuni et le groupe Uzitalri. Et on fait passer Casa Phonk Music en loi associative en 2006. Partant de là on a sorti les albums de Capo et d’Uzitalri, et le 2ème album de la Casa « Barrio Guerilla ». En 2009, je bouge sur Toulouse, pour raisons familiales, je continue mon parcours mais malheureusement, une fois de plus, il manque vraiment la force du groupe qu’on avait créé autour du abel, mais je me bats quand même pour maintenir la Casa, je reste productif !

Ok, du gros taff, et une belle aventure, donc si tu devais choisir UN morceau parmi tous, celui qui représente le plus ce travail, ça serait lequel ?

« Psycho Phonky » sans hésiter, on va dire que c’était la genèse, là où le groupe était présent dans son intégralité ! Quoique, je pense aussi à « Pas de soupe pour des sous », extrait de mon album a venir, qui est placée sur une compile « Smells like Hip-Hop», avec un tracklisting fameux pour la scène hip hop des 90’s, ça me fait plaisir.

Au niveau de tes influences en matière de musique, est ce que tu pourrais un peu plus nous éclairer ?

On va dire que si je devais citer UN groupe, qui m’a rendu barjo, dès le début des années 90, c’est bien Cypress Hill. Il faut dire que Cypress avait un aspect à part sur la scène hip-hop à l’époque, les auditeurs appréciaient, mais pas autant que le Wu par exemple.

Cypress a su se démarquer avec ses visuels sombres, les crânes, puis même l’aspect « fusion » (métal/hip-hop) qui les mettaient un peu à part…

Toute cette imagerie des tatoos, des crânes etc. On va dire que ça venait plus du milieu rock dans ces années-là. Pour faire le rapprochement avec mon parcours, on a eu nous aussi cette image un peu rock revendicatif du fait qu’on était signé chez Crash Disques avec Spanish Lab. Quand les disques arrivaient en rayon, les mecs nous classaient dans la case « Rock Alternatif » ! Faut dire que ça m’a pas trop lâché, à la base j’ai toujours joué dans des milieux punk/rock, des squats, des espaces auto-gérés, pas souvent sur des scène « hip-hop » quoi ! Mais quand on a fondé le groupe il y avait clairement l’influence de Cypress, mais aussi la totalité des groupes qui pullulaient dans la fin des 80’s/90’s : Public Enemy, Kid Frost, Ice-T…  Plus tard Soul Assassins, Funkdoobiest, Delinquent Habits, Call O’da Wild, Buc Fifty, Volume 10. Sans oublier les bases : la soul, le funk, le rock oldies…

J’avoue que quand même, a mon avis, au delà de nos influences, on a su déterminer une identité propre, on a jamais été de pâles copies de Cypress Hill, ou Psycho Realm. Pour te résumer les années 90 pour moi c’était l’age d’or, aussi bien en France qu’aux States, avec les groupes français influencés par les groupes US : le Ministère AMER, Expression Direkt… Si tu connaissais un peu ce qui se faisait aux States, tu connaissais leurs références, mais ils avaient su développer leurs styles. Aujourd’hui t’as plus l’impression d’entendre la même chose, un genre d’usine.

Des influences anciennes mais des valeurs sûres donc, ce qui m’amène à te parler de ton rapport à l’écriture, de la manière dont tu abordes tes textes ?

Aujourd’hui, avec ma vie de famille, j’ai plus le même temps… J’écris de temps a autre, de manière privilégiée le soir, tu sais même si j’ai des idées le matin ou tout au long de la journée. Je me preserve, je mets ça de côté, dans un coin de ma tête, j’écris 2, 3 rimes, des idées, que je classe (je suis très organisé à ce niveau, organisé mais libre). J’me pose le soir, et j’m’inspire de ce que j’ai noté, des idées qui me sont venues dans la journée… J’écoute beaucoup d’instrus, c’est aussi important pour l’inspiration. Je taffe comme ça tous les jours.

Parlons un peu avenir, est ce que tu as un album en préparation ? Des projets ?

Y’a un album qui va sortir bientôt, des projets y’en a toujours. L’album était annoncé fin avril, mais bon avec les aléas de l’autoprod et de la démerde, il est repoussé un peu. L’album c’est « Loco Rodriguez VS Piloophaz : l’Appel du souterrain » entièrement produit par Piloophaz, il est sur les instrus, moi-même au mic, et à l’écriture.

« L’Appel du souterrain » c’est un peu une dédicace à l’univers underground, au delà de la situation que tu peux avoir dans le biz, c’est aussi un état d’esprit, qui recèle des sonorités. Il y a des groupes qui prennent du poids mais qui gardent cette teinte-là. Personnellement, j’suis assez satisfait d’être dans cette position, depuis mes débuts, dans l’underground. J’ai vu des groupes apparaître et disparaître, j’suis toujours là. Dans le rap, il y a un truc où il faut « percer ». Je sais pas pour quelle raison mais dans les 90’s, fallait signer, fallait « percer ». J’suis satisfait d’être là où j’en suis aujourd’hui, d’avoir le parcours que j’ai. Après si j’avais des opportunités aujourd’hui, je cracherais pas dessus, mais je sais pas si ce que je fais depuis 20 ans, ce son que j’aime, ma manière de le concevoir, serait compatible avec le travail des majors. Ils ne veulent pas de ce son-là, clairement. Quand tu vois les artistes émanant de ce pseudo « game », tu écoutes ce qu’ils faisaient avant et ce qu’ils font maintenant… Si pour monter faut faire de la trap, ou du son club… J’en connais qui font dans ce genre, ils y excellent mais c’est une histoire de génération, j’m’reconnais pas là-dedans, je veux continuer à faire ce que j’aime.

Et pour te voir performer, où peut-on voir la Casa del Phonky en ce moment ?

Là j’ai aucune date programmée, je m’y penche sérieusement car c’est ce qui paye aussi hein ! Mais là je sors d’une bonne série, puisque je suis parti en tournée en Espagne, Gijón, Barcelone, Madrid, avec DjamHellVice et Colossus, un groupe de métal madrilène (mortel) le Festival HipOp Session a Nantes sur la scène Michelet, et dernièrement avec les Ceremoneurs. Sinon on va dire que je cherche en ce moment : du tourneur, du booker, j’ai fait mes démarches mais c’est en suspens. Je dois avoir 2, 3 dates… En discussion, à suivre.

Un moment crucial dans l’interview maintenant…. Peux tu donner ton avis sur l’évolution de la scène actuelle du hip hop, de manière mondiale, qu’est ce qu’elle t’inspire, en terme de mouvement culturel ?

C’est assez dur à dire pour moi, étant issu de cette « ancienne école », ayant connu plusieurs périodes, on va dire qu’à la période où j’ai connu cette musique c’était riche, un truc de fou, autant aux States qu’en France, ça arrivait fort ! Aujourd’hui j’ai constaté une évolution dans le flow, la maîtrise du flow, la manière d’écrire, la manière de dire… Mais aussi une régression dans l’état d’esprit et dans les thèmes.

Les apparences sont mises en avant ?

J’ai l’impression que les groupes qui apparaissent aujourd’hui, j’veux manquer de respect à personne hein, mais c’est des bobos qui sont venus s’encanailler. les gars de l’époque : Ministère A.M.E.R, Sarcelles, Expression Direkt, « Mantes la Folie » comme ils disaient, c’était pas pareil, y avait une autre dimension. Je trouve que ça devient triste, c’est triste l’image générale qu’on nous renvoie du hip-hop, même aux States, ça change. Déjà àl’époque quand on a vu arriver la crunk je m’y faisais pas.

Pour ma part, tant que le « Hip-Hop » dans sa globalité garde un pied dans la rue, qu’il est fait par des gamins de la rue, avec leurs seuls moyens, en bas de l’échelle, à la MJC du quartier, au coin de la rue, la base populaire en fait. Pas par des mecs formés dans des écoles de deejaying, ou ce genre de trucs, ça reste l’essentiel. On va dire que l’industrie musicale ne reflète pas ce qu’est vraiment ce mouvement aujourd’hui. Si tu veux du bon rap, de la musique qui a cette teinte-là, il faut que l’auditeur aille la chercher.

Pour terminer, je te laisse le mot de la fin, si tu as des choses à dire à tes auditeurs, tes futurs auditeurs, aux lecteurs du Bon Son…

J’ai encore des projets, j’vais continuer à représenter la Casa del Phonky. J’ai 40 piges passées, ça me pose pas problème, j’ai un album qui va arriver, j’en planche un autre, en parallèle un projet avec les Ceremoneurs, le site internet aussi. Y’a de l’activité ! Que les auditeurs restent à l’affût, j’continue le taff… Un grand merci à tous ceux qui suivent la Casa del Phonky, à toi et au Bon Son.

Toujours disponible à l’écoute : Loco Rodriguez VS Piloophaz et en téléchargement libre : La Mixtape du Souterrain.

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