Babzouz, le « Mic Gyver » du peura

Ce blase ne vous dit sûrement rien et c’est normal. Sorti tout droit de sa chambre, transformée pour la passion en studio d’enregistrement et de montage, ce jeune MC nantais en est à son premier essai en format long. Amateur de gros rap depuis de longues années avant de devenir peu à peu « kicker » lui-même, Babzouz présente avec audace son univers et son envie de passer de l’autre côté de la scène. Alors, est-ce un « pion sur l’échiquier » du Game de plus ou un MC en mission pour les faire déjouer ?

L’autoproclamé « Mic Gyver » du peura arrive avec un concept simple mais qui parlera à beaucoup : comment bien construire un album en posant les fondations sonores, textuelles et musicales avec peu de moyens ? Par « bien construire », comprenons ici « du travail de qualité ».

L’intro de l’album, le sample du générique de l’émission qui a traversé les époques, ravive le souvenir commun que l’on se fait de Richard Dean Anderson, capable de sauver la planète avec un cure-dents et de faire sauter une porte blindée avec une brosse à dents. Dans la continuité, la piste 2 nous plonge dans l’univers de Babzouz « avec modestie car [il] bosse avec un mic, une carte son et deux pauvres ordinateurs ». Et pourtant, l’idée de sampler l’instrumentale n’est pas sans risque, la réalisation et le flow apposé dessus valident totalement le pari pris. Son flow, d’ailleurs, évolue au fur et à mesure des titres, s’adaptant aux thèmes et aux instrumentales choisies. Les prods, elles aussi créées par notre MC/beatmaker, sont tantôt bonnes (Un pion sur l’échiquier), moins bonnes (Le but de la vie, Son reflet) ou excellentes (Délires infantiles). On dénote quand même un gros travail de sampling qui satisfera les amateurs de boucles soul/jazzy, et qui unifie le projet en lui donnant une cohérence globale indispensable. Babzouz n’est pas en reste en matière de beatmaking, loin de là.

Petit à petit, on rentre dans l’album comme on rentrerait dans La Manche par une journée chaude du mois de Juillet : timidement mais avec la conviction que le rafraichissement est là. On prend la mesure du travail à l’écoute de son flow, joueur et parfois aérien, qui tente de faire ressortir des thèmes recherchés et assez innovants. Ainsi, certains critiqueront l’éternel tacle glissé à l’intention des grands noms de la discipline « devenus les tapins du game » (titre « Tirons la chasse »), mais d’aucuns pourront rester indifférents à l’écoute du morceau « Irrespirable » : un engagement et une prise de position qui font du bien, dans une époque où la politique ne fait parler d’elle que pour nourrir les conversations de comptoir, et dont les frasques font que l’intérêt du peuple s’étiole au fil des ans. Idem pour « Du fric et du cul », véritable pamphlet où Babzouz et Lukulus le prophète égratignent un peu plus DSK et Cahuzac en narrant une journée dans leurs costumes respectifs.

« Cogiter ce premier album dans des conditions de chien »

Sa qualité d’écriture est indéniable. On retrouve des assonances et une technique inspirée de Casey, mais il s’ose à des rebondissements inattendus et quelques chantonnements qui lui confèrent une forme d’originalité authentique. Babzouz le dit lui-même : « Il n’y a que des Mic Gyver dans mon consortium !» Le choix des invités a donc été simple, se concentrant sur ses amis proches. Aucun nom de ceux sur la pochette n’est identifiable sur la Toile et si d’aucun ne massacre de morceaux, seul Mista Lova Lova, volubile, apporte une valeur ajoutée au titre « Rêve sanglant » par un flow détonnant et des rimes pleines d’imagination sanguinolente.

Mention spéciale pour la pochette (réalisée par un ami) qui illustre sobrement et efficacement le projet. Impossible d’ailleurs de ne pas penser à la punchline de Lino « J’fais pousser des roses sur un tas d’bouses », qui semble s’appliquer à la manière de travailler de Babz. Un travail de longue haleine, qui ne s’annonce pas simple pour un MC qui peint sa fainéantise naturelle endurcie (Le but de la vie), son avarisme et son goût pour les soirées entre potes (Histoire sans fin). Le tout avec une maitrise du temps incertaine, à moins que « Le sablier » impose un carpe diem qu’il se plait à respecter méticuleusement. On a la faiblesse de penser cependant que le taf fournit pour ce projet est une source de motivation spontanée et que ce projet en annonce d’autres. Attendons également de le voir en clip ou sur scène…

La qualité d’enregistrement, elle,  n’est pas optimum du fait des conditions d’enregistrement (mixage parfois imprécis avec la voix trop haute ou l’instru trop forte), mais pas au point de gêner l’écoute. Le format (album 16 titres), lui, est ambitieux pour quelqu’un qui ne s’était pas tenté sur un classique format maxi ou EP avant l’album. Il permet en tout cas de découvrir plus en profondeur l’étendue de son talent et sa capacité de production et d’écriture. Et comme il se plait à le rappeler dans son premier titre « Mic Gyver », « C’est que l’début ». Tant mieux, on en redemande. Ce blase ne vous dit toujours rien ?

Disponible depuis le 24 Janvier 2014, gratuitement sur : babzouz.bandcamp.com/

Plus d’informations sur la page Facebook de Babzouz.

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