Diomay, interview d’un « Gaucher »

Diomay est un de ces MC’s à la carrière étoffée, multicolore, et dont l’évolution artistique est indéniable. Artisan de la scène française des années 90s et proche de l’écurie Néochrome à ses débuts, il a toujours rappé en solo, et a toujours suivi ses envies musicales qui l’ont même mené à être l’un des premiers à importer la vibe Dirty South dans l’Hexagone. Respecté et reconnu par nombre de ses pairs (nombreux featurings, invitations scéniques…), sa discrétion médiatique vient se poser en paradoxe d’un rappeur ouvert et peu avare de mots lorsqu’il s’agit d’aborder la musique et l’actualité rap. Toujours en mouvement, et s’il ne semble pas bouger physiquement, il a pris le temps de répondre aux questions du Bon Son pour démontrer que son peura n’a pas pris une ride. Enjoy. 

Diomay, tu sors donc « Le Gaucher » qui est ton 5ème album, mais combientième projet ?

En fait c’est mon 6ème album solo. Après si on comptabilise tous les projets que j’ai sortis avec les différentes écuries que j’ai côtoyées, là on pourrait dire que ça en fait beaucoup : Néochrome, IV My People, French Dirty South et j’en passe.

Pourquoi une activité musicale si intense ? Est-ce vital ?

Tout le problème est dans la question. Dans le rap français, les auditeurs n’ont pas la notion du temps. Un artiste peut lâcher le mic pendant plusieurs années et revenir du jour au lendemain. Dans mon cas, mon dernier album est sorti il y a 3 ans déjà. 3 ans d’attente entre chaque album c’est pas mal je trouve. Aux Etats Unis par exemple, 3 ans c’est déjà trop long. Je dirais que la seule chose qui est vitale pour moi c’est de ne pas me relâcher. J’ai le choix entre me reposer sur mon passif ou prouver à chaque fois ce que je vaux. Si je devais faire un dernier parallèle avec les US, ils sont souvent jugés sur leur dernière sortie.

ANTOINE LE BON SON PHOTO 2

N’as-tu pas peur de « l’album de trop » comme on entend dire pour les old timers de type IAM ?

Cet album de trop, généralement, on le sent dès les premiers extraits que tu sors. Crois-moi, à chaque sortie, j’ai des gens qui attendent le moment où ils pourront dire que c’est mauvais. Vu les retours qu’ont eu des titres comme L’Addition ou Rendez Vous Dans 10 ans, on peut dire qu’on m’encourage à pousser le délire toujours plus loin. Il y a deux catégories d’MC’s : ceux qui te sortent un gros morceau et qui déçoivent projet après projet, et ceux qui affinent leur style d’album en album. Pour beaucoup, mon meilleur album était « 90 BPM », le dernier en date. Imagine si j’avais arrêté avant…

«Pour beaucoup, mon meilleur album était « 90 BPM », le dernier en date. Imagine si j’avais arrêté avant… »

De quoi se compose ton public ? Est-ce un public de fidèles depuis les débuts, ou au contraire un public qui va-et-vient au fil de ses attentes sonores ?

Dans mon cas, mon public ne peut être qu’un public fidèle. Tout simplement parce qu’il n’y a jamais eu de propagande autour de ma carrière. Beaucoup ont pu grandir avec moi, et il y a une chose qu’on peut leur reconnaître, c’est que celui qui achète mes disques le fait parce qu’il a vraiment apprécié car je ne suis pas suffisamment médiatisé pour que tout le monde parle de moi au même moment. Ça a ses avantages car souvent ceux qui citent certains MC qui ont du buzz, l’année suivante au même moment, ils te parleront de quelqu’un d’autre.

Le succès d’estime n’a-t-il pas été un frein à ta motivation et à ta progression dans la musique ?

Bien au contraire, c’est ce qui m’a permis de perdurer.

Pour en avoir déjà parlé avec toi, le fait de t’être constitué une carrière solo sans tenter une expérience en duo ou en groupe tient surtout à l’envie de faire tes preuves et ton chemin sans devoir rien à personne. N’y-a-t-il pas là non plus un manque de « rencontre » déterminante, un genre de MC avec qui tu aurais pu avoir l’alchimie nécessaire à l’ambition d’un projet à deux ?

En réalité, je n’ai pas choisi d’être un artiste solo. La première partie de ma carrière n’a été faite que de collaborations. Après tu dois connaître le fonctionnement du public qui trouve toujours l’autre qui pose avec toi moins bon, ou du moins, pas à leur goût. Ajoute à ça les problèmes d’égo et tu perds un temps fou. Le but est quand même de s’amuser, et pas se perdre dans des débats rap français pendant les séances de studio.

http://youtu.be/3ZsAF4R3ouA

Une carrière comme la tienne est chargée de succès, de surprises, de rencontres, de contrepieds, de déceptions. Mais y’a-t-il un regret particulier (une collaboration, une opportunité manquée…) après toutes tes expériences, qui demeure ?

Quand tu arrives à ton 6ème album, et que celui-ci est le plus attendu de tous, quand la plupart des mecs de ta génération n’en ont même pas fait deux, il n’y a pas de regrets. En revanche, il y a des erreurs à ne plus répéter.

Lesquelles ?

Je dirais trop de collaborations, pour moi c’est la principale. Si j’avais fait moins de collaborations, j’aurais encore plus de textes (rires). Il y a deux catégories de MCs: ceux qui font vivre le mouvement, et ceux qui vivent du mouvement. Salif, un des meilleurs, a beaucoup donné en featurings et il n’a jamais pris personne de haut. Mais à la fin, les jeunes en question vont plébisciter Booba. Pourquoi ? Parce que pour eux, il est trop haut pour faire un feat avec eux, du coup une légende que tu peux toucher n’en est plus une…

On parlait à l’instant de progression, d’évolution. Tu as beaucoup collaboré avec Alexi Kantrall dit « Le Roumain » sur tes derniers projets. Tu as d’ores-et-déjà annoncé que « Le Gaucher » serait quelque chose d’inédit, et la couleur musicale très différente du Diomay que les auditeurs ont eu l’occasion d’entendre jusqu’à présent. Tu peux nous en dire plus sur ce choix, et nous orienter sur ce à quoi l’on peut s’attendre ?

Le Roumain a tout simplement fait une pause méritée. Il avait produit entièrement mes 3 derniers albums. C’était pour moi l’occasion de partir à la découverte de nouvelles sonorités.

Qui pourra-t-on retrouver à la prod ?

The Nyx, El Gaouli, Zbona, Perso Le Turf, Diogène, Drumma Battalion.

Et pour les invités à partager le mic ?

Driver, Kefyr, Medric, Shor’Eze, Maxwell (Nostar).

Que doit-on comprendre sous le titre « Le Gaucher » ? Est-ce un qualificatif pour renforcer ton côté marginal de ce que l’industrie du disque -et en particulier du hip-hop- propose au quotidien ?

Non, en fait je suis gaucher et à travers cette particularité, j’ai voulu représenter tous ceux qui doivent s’adapter à un monde qui à la base n’est pas fait pour eux.

Les clips sont également quelque chose de très présent chez toi, depuis tes débuts. Comment conceptionnes-tu tes clips et qui les réalise ?

Le réalisateur de tous les clips se nomme Chris Enja, un passionné de cinéma et de clips US tout comme moi. On fait les story boards ensemble, ensuite il fait le reste à sa sauce.

Sortie digitale… et physique ?

Oui les deux, c’est très important pour moi d’avoir un support physique. J’ai d’ailleurs comme projet de sortir quelques vinyles collectors.

Des dates à venir ?

J’ai participé au Narvalow l’année dernière et je sais déjà que je suis programmé pour l’édition de cette année le 5 juillet. Les autres dates seront communiquées au fur et à mesure.

Le mot de la fin ?

Merci à toute l’équipe du Bon Son, rendez-vous dans 10 ans !

DLGLe Gaucher disponible le 10 février. Précommande : iTunes

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