Le Bavar, des ‘Champs de canne’ aux ‘Inédits vol. II’ – Interview

C’est place Jules Joffrin, mairie du 18ème arrondissement, que le RDV est fixé par le Bavar. C’est à deux pas d’ici, au bar « Les Potos » situé rue du Poteau (!) que nous nous asseyons pour évoquer l’actualité de la Rumeur avec les Inédits vol.2 et le site internet, revenir sur les débuts du group,e et vérifier si le Bavar l’était autant en interview que sur mp3.

Comment a été conçu ce nouvel album ? D’où est venue l’idée ?

Alors, déjà, première rectification : ce n’est pas un album, c’est un disque concept. On a 4 albums à notre actif, et en fait entre chaque album on essaye de lancer des mixtapes, des compilations. On avait déjà lancé « Nord Sud Est Ouest » vol. 1 et 2, Les Inédits 1, on s’est dit « Pourquoi pas les Inédits 2 ? » Ça tombe pile, d’autant plus que le dernier album est sorti en avril 2012, ça fait un peu plus d’un an, c’est la durée de vie d’un album en tout cas pour nous. On avait fait « Les Inédits 1 » qui avaient très bien marché, c’était des fonds de tiroirs : des sons qu’on n’avait pas sorti, des bouts de freestyles, des extraits de radio, des morceaux de live… Pour les Inédits 2, on avait envie d’avoir une approche différente : des titres inédits, enregistrés et cadrés spécialement pour ce projet sans pour autant qu’il ait l’envergure d’un album. Il est conceptualisé mais il est moins travaillé dans la promotion. C’est un choix, mais on essaye à chacun de nos disques qu’ils soient qualitatifs. C’est ce qui fait qu’il fonctionne bien et ça nous permet de réinvestir dans d’autres projets derrière.

Ça nous permet aussi d’occuper l’espace et de pouvoir maintenir un rythme de cadence de sorties. C’est un disque qu’on a voulu en hommage à nos 3 volets qui nous avaient fait connaitre dans le milieu du rap entre 1997 et 1999. La Rumeur, c’est surtout un collectif d’individualités, trois identités différentes. On s’est dit « on va se partager ce disque à trois et essayer de rassembler nos trois univers solo ». Dans la conception c’était « chacun écrit et enregistre ses titres de son côté ». On ne s’est même pas faits écouter jusqu’à tant que le disque sorte ! D’après les retours, ce qu’on a vu c’est que c’était beaucoup dans la complémentarité. Effectivement, 17 ans de travail ensemble, ça fait qu’on sait ce qu’on attend des autres et ce qu’on a envie de faire, et comment mettre la barre un peu plus haut à chaque fois. Il y a une concurrence saine en interne, on fait du rap, c’est du challenge, on a envie d’avoir des bonnes punchlines, de choisir des bonnes instrus en adéquation avec l’humeur du moment. Donc ce disque c’est trois univers solo qui appartiennent à une humeur particulière aussi.

« C’est un disque qu’on a voulu en hommage à nos 3 volets qui nous avaient fait connaitre dans le milieu du rap entre 1997 et 1999. »

Comment expliques-tu ce retour aux sources d’un point de vue musical ?

On a sorti L’ombre sur la mesure avec des boucles un peu plus jazzy, après on a eu Regain de tension qui appartenait à son époque et qui avait des fréquences beaucoup plus électro, beaucoup plus dures, Du cœur à l’outrage qui se situait un peu entre les deux avec des boucles un peu plus soul, et pareil pour Tout brûle déjà. On ne se refuse rien. On a envie de faire de la musique, du moment que ça sonne hip-hop. On peut emprunter au rock, au reggae, à l’électro, à la soul, au jazz. C’est comme une espèce de bilan, on avait envie de boucler la boucle des trois volets, ça appartient à l’humeur du moment ; on pose les valises, on regarde le chemin qu’on a fait et on regarde où on va aller. Si les boucles jazzy/soul ressortent plus, c’est parce que ça se prête le mieux à ce qu’on avait envie de raconter, tout simplement.

C’est pas une attente du public ? Les retours sur les instrus et sonorités de Tout brûle déjà ne vous ont-ils pas influencés ?

Non. Il y a toujours des gens qui te diront qu’ils ont préféré tel disque ou telle époque, après moi je m’en fous. On fait nos disques comme on les entend, du moment que ça correspond à ce qu’on a envie de raconter sur le moment. Je ne sais pas quelle direction musicale va prendre le prochain album, mais on n’est pas là dans les calculs. On fait au fil de ce que notre DJ nous propose. Des fois, il y a des sons qui vont sortir de l’ordinaire, mais on prend ce qui nous fait kiffer.

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Qui réalise les prods de l’album ?

Il y a Soul G et Demon qui a réalisé trois sons. Lui sort de l’électro, et Soul G a une patte beaucoup plus soul comme son nom l’indique. C’est un DJ vraiment talentueux avec une oreille musicale, et qui n’hésite pas à nous proposer des trucs.

On a parfois l’impression que ta voix est différente par rapport à tes derniers morceaux comme « P’tite Laura » ou « Tellement à faire ». Est-elle trafiquée ou as-tu posé différemment ?

Non, elle n’est pas trafiquée ma voix. Peut-être sur le morceau « Sã », elle est travaillée pour donner un côté aérien au morceau, un côté « nappe hypnotisante ». Après tout dépend des conditions dans lesquelles tu enregistres, et la direction que tu prends au mix. Si tu m’avais dit « par rapport au premier volet », je t’aurais dit « ouais, effectivement, il y a eu pas mal de cigares qui sont passés sur mes cordes vocales ! » Il y a des morceaux que tu racontes où tu te poses un peu plus, et des morceaux qui ont un côté un peu plus frontal. Et puis il y a aussi des intonations différentes, c’est-à-dire que le flow, le ton et la musique ça fait un tout mais il faut essayer de ne pas le reproduire à chaque morceau sinon tu fais la même chose ; donc oui tu adaptes un peu ton flow et ta diction par rapport à l’instru et au thème. Quand j’écoute des morceaux de Prodigy de Mobb Deep, le morceau « Genesis » où il parle un peu de sa maladie c’est posé, et sur des morceaux plus anciens comme « Survival of the fittest », c’est plus rappé, plus frontal, plus dur.

Au niveau du format encore disponible en physique –ce qui n’est pas le cas de tous les albums- c’est une demande du public ou une volonté du groupe ?

Bah écoute on fait des CDs, on fait des vinyles, ça fonctionne, ça c’est cool, on ne va pas se priver d’en faire ! Le numérique, effectivement, commence à prendre une place de plus en plus importante dans le paysage musical. Si le CD est amené à disparaitre, on en fera peut-être des collectors comme pour les vinyles, mais oui je pense qu’on continuera à le faire parce qu’on vient de cette époque. Bon, on ne va pas faire des K7 puisque maintenant plus personne n’achète des K7 ! Mais s’il y a une demande, et comme on est attachés au produit physique… Ecouter de la musique en numérique, je le fais bien sûr, sur l’ordinateur mais voilà… Tant que ça fonctionne, qu’il y a de la demande, on va le faire. Peut-être que dans 5 ans, 10 ans, ça sera comme ça. Mais s’il reste une poignée d’irréductibles, ben on en fera quand même mais à quantité réduite.

Donc là, t’es en train de dire que La Rumeur est partie pour durer encore au moins 10 ans ?

Bien sûr ! Bien sûr que ça va durer 10 ans encore !

Qu’est-ce qui fait votre longévité ?

C’est la diversification. Les années précédentes, entre les albums, on s’est investi dans l’image. Hamé a réalisé un court-métrage qui s’appelle « Ce chemin devant moi » produit par La Rumeur Prod et qui a quand même été sélectionné au festival de Cannes, il y a eu un long-métrage produit par Canal + qui a eu une trentaine de diffusions (NDLR : « De l’encre »), on vient d’ouvrir un gros site d’informations hip-hop, on appelle ça un webzine initié par des MC’s.

Comment est née l’idée ? Via votre entourage ?

Un site, c’est quelque chose qu’on avait déjà sous une forme un peu plus simpliste pour mettre en avant nos projets et notre actualité. On s’est beaucoup servis des réseaux sociaux type Twitter, Facebook, les chaînes Youtube et Dailymotion. On les gère nous-mêmes, avec quelques contributeurs. On a vu effectivement que ça nous permettait de nous passer de certains relais pour pouvoir faire notre promo, et qu’on pouvait aussi proposer quelque chose d’autre, c’est-à-dire de l’information mais du point de vue des dominés. Ce qu’on fait sur notre page Facebook, c’est mettre des liens et relais de diverses infos qui nous semblent importantes, ça peut être même humoristique, ça traite de tout, tu vois on ne se refuse rien encore une fois. C’est du sport, du graff, de la danse, du cinéma, des articles bien écrits… La suite logique, c’était avoir un site qui élargit le choix des possibilités. Avec une rubrique hip-hop, on va pouvoir mettre en avant notre marque, là on commence à sortir des t-shirts mais on va prendre encore une autre direction que ce qu’on faisait à la base.

Toujours avec Brick City ?

Oui, toujours avec Brick City, qui est un peu le designer textile de La Rumeur.

C’est un site participatif, accessible à tout le monde ? Est-il alimenté par vous-mêmes ? Comment fonctionne-t-il ?

Il est alimenté principalement par nous. On travaille bien sûr avec les gens qui ont monté notre site, c’est une boîte qui s’appelle « La Première Idée », on travaille avec un webmaster qui s’appelle Marc, qui gère beaucoup la partie technique et qui déjà était très actif sur notre page fan La Rumeur. Après, s’il y a des contributeurs qui veulent envoyer des trucs, on regarde et forcément on trie, on ne peut pas tout mettre. Là, c’est notre bébé, il est en train d’apprendre à marcher, à s’allaiter, on lui laisse le temps de mûrir un petit peu mais pour un début, c’est bien, il est relayé par Mediapart, par 20 Minutes… on est contents du résultat. Pour en revenir au contenu, on avait envie d’un truc facile, ludique, ergonomique donc c’est beaucoup de contenus vidéos, pas trop de pavés en terme de lectures, parce que pour moi la lecture ça reste quand même sur le support papier. Sur Internet, tu te niques les yeux à lire des trucs, t’as pas la même appréhension.

http://dai.ly/x175eay

Mais aujourd’hui, c’est inimaginable de se lancer dans une version papier d’un magazine comme vous aviez pu le faire à l’époque ?

Tu fais bien de le dire car ce site est la suite logique de ce qu’on avait commencé à faire avec La Rumeur Mag. Pour le coup, c’était des articles rédigés par nos soins. La Rumeur Mag nous a valu un procès avec le ministère de l’Intérieur pendant 8 ans. C’est un peu la suite, une mutation vers le numérique. Quand on a fait La Rumeur Mag, c’était un magazine gratuit, qui a été ensuite attaqué et on a été obligé de détruire les stocks. C’était que de l’oseille qui partait en fumée, même si ça a fortement contribué à notre promotion et à véhiculer notre discours. C’est aussi ça, pouvoir véhiculer ce qu’on a envie de dire et qu’on ne peut pas toujours mettre en musique.

Tu parlais du procès ; avec le recul, c’est une bonne leçon donnée à la Justice ? C’est un tremplin promotionnel pour La Rumeur ?

On peut difficilement donner des leçons à la Justice et au Président de la République…

C’est une victoire quand même !

Oui, c’est une victoire de résistance surtout. On peut dire des choses, se faire attaquer, être limite à terre mais se relever et continuer d’avancer le poing en l’air, et finalement on finit par remporter cette victoire, c’est-à-dire être relaxés. Si ça peut encourager certains dans leur résistance, tant mieux. Nous, on ne prétend pas vouloir rentrer dans le système et inverser les rôles. Au moins, notre dignité nous dit d’avancer en luttant, en résistant, et c’est ce qu’on a démontré à travers ce procès. C’était dur, c’était long, on en est ressortis essorés,  parce que ça coûte de l’argent, parce que tu n’as pas la tête à créer et faire des disques entre certaines audiences au tribunal. Mais « ce qui ne te tue pas te rend plus fort », la preuve, on a enchainé : albums, concerts, projets de films. Quand tu goûtes à cette victoire que tu as été arraché, t’en ressors avec plus de niaque et plus de choses à dire.

Pour revenir au projet Les Inédits 2, au niveau des invités on retrouve La Hyène qui gravite autour de La Rumeur depuis quelques temps, comment s’est fait cette rencontre ?

La Hyène, c’est devenu un ami. Il vient avec nous sur quelques scènes, ils ont fait la première partie de notre concert à l’Olympia (NDLR : avec K-Push, ils forment le duo 400 Hyènes). Je me souviens à l’époque, Ekoué devait faire une compile pour Wagram. Il a rencontré La Hyène, il m’a fait écouter et j’ai dit « Ouais effectivement, ça tue ». C’est vraiment le rap dans lequel on se retrouve. C’est différent de La Rumeur, ça parle du quartier, c’est du rap dur mais avec un regard sur la société qui est loin d’être naïf. C’est un rap conscient et engagé… (il réfléchit)…après ça me saoule les débats rap conscient/rap hardcore… c’est du rap, ça reste redondant.

Il y a une bonne alchimie…

Ouais moi je suis content de ce morceau. La Hyène, il a des ambiances plus dures, plus frontales, plus « quartier » et en terme de musique ça se ressent. Voilà, c’est mon invité, c’est comme si j’t’invite à la maison, j’vais pas te faire un plat que tu manges tous les jours et que t’apprécies. J’ai envie de te faire venir aussi dans mon univers. Là, musique bien soul, bien jazzy, il s’est prêté au jeu et franchement, je vois comment le morceau tourne et comment ça sonne, je me dis « pari réussi ». J’ai bien aimé l’inviter dans ces conditions-là. On va venir faire un morceau pour son album Ma violence vol.2, je vais plus aller dans son univers, c’est ça le but d’un featuring. Bien sûr tu ramènes ta patte, ta griffe, ton identité, mais tu viens dans mon univers, moi je le conçois comme ça un featuring. Franchement ce qu’il fait ça tue, ça me parle. Moi j’écoute mes potes ; la Hyène, Le Téléphone Arabe… après y’en a plein, je ne peux pas tout écouter non plus. Le petit Guizmo aussi j’aime bien.

Le Bavar - Le Bon Son

On a moins l’habitude de t’entendre médiatiquement qu’Ekoué ou Hamé, on va profiter de l’occasion pour parler de toi. Entre « 365 cicatrices » et « P’tite Laura » ou «Luttes intestines », ton rap a évolué et ta visibilité s’est accrue. On t’entend plus sur les albums et il y a aujourd’hui une grosse attente autour du Bavar…

Bah écoute je te remercie ! Effectivement, au départ on a nos univers chacun. Ekoué est arrivé en premier avec le premier volet pour ouvrir la brèche. En terme de rap, on a peut-être pas tous évolué tous au même moment, mais c’est vrai que depuis quelques années… Au départ, peut-être que ça m’arrivait de me dire que « Hamé m’a mis une claque là » ; aujourd’hui, on n’est plus dans ces débats-là. Chacun est conscient de ce que l’autre ramène. Et puis moi honnêtement, faire des interviews tout ça, ça me fait chier ! Je préfère dire ce que j’ai à dire dans la musique. Après, prenez-la, faites en ce que vous voulez.

En termes de présence sur les albums, on a l’impression que tu as plus de place que sur le premier album.

Ah, sur le premier album on était kif-kif. C’est le côté médiatique qui conditionne ta pensée. Mais par souci scénique, puisqu’on pense scène en écrivant, on équilibre, parce que c’est un show qu’on amène : on a envie que ça soit varié et différent. Donc non, on a tous des solos, des duos, des trios, parfois des combinaisons différentes… on n’est pas à un couplet ou deux près.

Nord Sud Est Ouest vol.2 t’a définitivement ouvert au public. Peux-tu revenir sur l’évolution de ton rap depuis Champs de canne à Paname ?

Il y a de l’eau qui a coulé sous les ponts. Avant NSEO 2, j’avais fait pas mal de featurings, avec B.James, avec Rocé notamment, et au bout d’un moment t’as quand même du rap dans les jambes. Je voulais m’aventurer dans un projet plus personnel, mais bon kickable toujours avec La Rumeur. Ekoué avait sorti le 1, je voyais le 2 en solo. Hamé n’était pas dispo car il était sur le projet l’Angle Mort. Finalement, on s’est dit qu’il fallait ramener quelque chose de plus que le volume 1.

Le prochain NSEO 3 sera donc consacré à Hamé ?

On ne sait pas. Ça sera peut-être tous les trois…

A quand un projet solo d’un des membres de La Rumeur ?

Un album solo ? Oui, on y a déjà tous pensé. Mais ça veut dire quoi ? Il faut le défendre, le promotionner… Les autres, ils font quoi en attendant ? Pourquoi pas… mais là c’est une manière d’arriver tous en solo mais tous en même temps. Si on sort un album solo par personne, ça veut dire répartis sur trois ans. On verra, on est plein d’ambition. Là, il y a une grosse tournée qui se prépare.

« Si on sort un album solo par personne, ça veut dire répartis sur trois ans. On verra… »

Vous faites combien de scènes par an ?

On n’en fait plus énormément, par choix, peut-être une trentaine de scènes par an. Il y a des années où on faisait 70 dates par an, mais on ne faisait que ça. Tu rentres chez toi éclaté après 3-4 scènes dans la semaine…c’est bien, moi je pense que c’est sur scène, toutes musiques confondues, que tu vois la capacité d’un artiste à fédérer un public et à défendre sa musique. Maintenant, on ne peut pas faire que ça non plus, parce qu’on nourrit d’autres ambitions, dans l’image, dans l’édition, plus tard la communication. On essaye d’installer La Rumeur comme une marque, une marque qu’on a envie de voir comme un relais qui nous permette de faire d’autres projets. On n’a pas envie d’être érigés en exemples, moi quand je peux parler à des petits, je leur dis : « Prenez des diplômes, faites des études, commencez par ne rien attendre des gens et montez des entreprises ». C’est ce qu’on a fait avec La Rumeur Prod. Ça nous permet d’être beaucoup plus crédibles avec différents partenaires, dans différents secteurs. On n’a pas envie de se refuser des choses.

Depuis le temps que vous tournez, y’a-t-il une ville qui t’a marqué particulièrement ?

Moi je dirais la Bretagne. C’est vraiment une région qui aime le hip-hop, où on est toujours bien accueillis. Plus qu’une ville, c’est la région. Des villes comme Rennes, Nantes, Brest… Au départ, je me souviens, on avait fait les Transmusicales de Rennes. Après Paris, c’est la région où on vend le plus de disques. Et puis la Suisse aussi, j’aime bien la Suisse et Genève.

C’est qui votre public ?

Notre public c’est des 25-35 ans. Voire plus ou moins. Des étudiants, des chômeurs, des mecs de quartier, des travailleurs, c’est un peu tout. Il n’y a pas de mômes de 15 ans comme aux concerts de certains rappeurs !

Détrompe-toi, mon petit-frère a 17 ans !

C’est vrai ce que tu me dis, bizarrement, on assiste ces derniers temps à un public jeune qui vient à nos concerts, mais ça reste minoritaire. Je vois des petits jeunes de 20 piges, ou des mecs comme ton petit frère qui a 17 piges qui ont toujours écouté La Rumeur car je pense qu’il y a un regain d’intérêt de ce public pour des groupes qui existent depuis longtemps. Mais bon, ce n’est pas que ça. Aujourd’hui, tu assistes à des concerts de certains rappeurs, t’as l’impression d’assister à des concerts de Chantal Goya ou Dorothée, tu vois ce que je veux dire ? Je ne citerai pas de noms mais bon, quand tu passes sur Skyrock en boucle, c’est à ça qu’il faut t’attendre mon pote.

Pourquoi il n’y a plus de combinaison avec Anfalsh ?

Incompatibilité d’humeur on va dire. Chacun prend sa direction, chacun fait ce qu’il a à faire. On n’a plus les mêmes objectifs, les mêmes attentes. On n’est plus en phase humainement. Chacun prend sa direction, on ne se savonne pas la planche et voilà.

Vous écoutez encore quand même les projets comme Asocial Club ?

Non, ça ne me parle pas. J’en ai entendu parler, mais je n’ai pas écouté… je ne sais même pas s’il existe un disque prévu pour ce projet !

Pour parler un peu de l’actualité, et dans un contexte ouvertement homophobe, une phase comme celle d’Ekoué sur NSEO 2 « Les rappeurs militent pour le mariage entre homosexuels », c’est de la provocation pure ou de l’homophobie revendiquée ? Et n’avez-vous pas peur de faire le jeu des extrêmes politiques ?

Non, on n’a jamais été dans ce discours-là : homophobie, antisémitisme… Nous à l’origine, on est dans la contestation. On n’a jamais fait du rap pour plaire. Si on avait voulu le faire, on aurait participé à des radios de merde et lissé le discours. Il y a un côté provoc’ aussi dans La Rumeur. Autant il y a des jolies phrases, des belles métaphores et de la poésie, mais autant des fois il y a des insultes gratuites. Il y a aussi un côté un peu plus rentre-dedans. C‘est comme quand tu t’embrouilles avec un mec, au bout d’un moment tu n’as plus envie de parler, t’as envie de l’insulter ou de le cogner. Mais il ne faut pas forcément y voir un côté extrémiste, homophobe ou  raciste. Si on a envie de dire « sale pédé » ou « négro », on le dira. On ne se pose pas ce genre de questions parce qu’on ne le voit pas comme un problème. Si ça peut faire le jeu du FN, peu importe les récupérations.

La Rumeur est née il y a 17 ans. Tu peux nous raconter les débuts ?

On a commencé à rapper avec Ekoué, on avait 15 piges. On a fait notre première scène en première partie de Timide & Sans Complexes, pour te dire… On n’a jamais été à l’école ensemble, on était amis de quartier. On se croisait quand on bitumait dans la ville et finalement le hip-hop nous a réunis. On voulait un petit lieu à Elancourt pour se réunir, pour écouter, écrire, faire nos délires. On a été voir la mairie, poliment ; un mec d’une MJC avait une ancienne classe d’école, et nous a dit : « Oui, on va vous ouvrir la salle, une ou deux heures par jour. » On a dit « Bon, ok » puis finalement on a fini par faire un double des clés et on leur a dit d’aller se faire enculer. On rentrait par effraction. On l’a squatté pendant trois ans cette salle, c’est là qu’est née La Rumeur.

« La rumeur, c’est le plus vieux média du monde, une espèce de parole informelle qui peut faire très très mal. »

Pourquoi le nom « la Rumeur » ?

On s’est pris la tête pour le trouver. La rumeur, c’est le plus vieux média du monde, une espèce de parole informelle qui peut faire très très mal. On l’a trouvé, un peu comme une punchline, on s’est dit que c’était mortel et que c’est ce qui correspond à l’idée qu’on se faisait du rap. C’était instinctif. Plus on avance, plus on se dit que ce concept il est vraiment mortel.

Et Le Bavar ?

Tu sais, c’était une époque où tous les mecs dans le rap singeaient ce qui se faisait aux Etats-Unis, notamment dans les noms qu’ils se donnaient. Du coup, tu savais plus ce qui était américain, français, franglais… Une fois de plus, c’était pour se démarquer de ce qui se faisait, et ça collait au concept. Et bavard, parce que j’ai des choses à dire.

On parle souvent des diplômes d’Ekoué et Hamé ; toi, on en sait un peu moins. Quel a été ton parcours scolaire ?

J’ai pris un Bac, j’ai pris un BTS, j’ai eu Bac+2. Après, quand j’ai voulu aller à l’université, c’était chaud, ils m’ont coupé la bourse, on avait besoin de thunes donc je me suis tourné vers la vie active. Mais c’était une époque où on ne pouvait pas se professionnaliser dans la musique, c’était un peu freestyle…

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Et surtout, je pense qu’on rêvait moins d’être rappeur qu’aujourd’hui !

C’est clair ! Mais bon, il y avait plus d’argent dans la musique. C’est aussi pour ça qu’on n’a pas lâché l’affaire. Donc je me suis arrêté à bac+2, et récemment, cette année, je me suis remis à faire des études parce que je me suis rendu compte qu’à un moment il me fallait certains outils techniques pour upgrader mon business. J’étais à Dauphine, j’ai validé une licence III de Gestion & Management. Je pense que je vais continuer, il n’y a pas d’âge pour se former. A tout moment dans la vie, il faut pouvoir prendre du recul. Moi, quand je me suis arrêté à l’époque à bac+2, c’est parce qu’on nous faisait miroiter qu’avec ce genre de diplôme, tu pouvais obtenir un travail et un salaire dignes d’une vie correcte. Non, ce n’était pas vrai ! J’ai essayé de vendre mon diplôme sur le marché du travail, tu ne récoltes rien, que des cacahuètes. Si je passe des diplômes, c’est pour mon épanouissement personnel et pour avoir des acquis un peu plus techniques et théoriques. Ça va me permettre de voir plus loin dans mes affaires, tout simplement.

Le son dont tu es le plus fier dans ta discographie?

Ouhla…. (il cherche)… Je ne sais pas, le morceau « 365 cicatrices » parce qu’il a contribué à l’histoire de La Rumeur et que c’est un de mes gros classiques. Il y en a d’autres… Le morceau « Tellement à faire », quand je vois comment il peut fédérer les gens en concert… C’est pour ça qu’on continue à le jouer.

Quels sont les projets à venir pour La Rumeur ?

Grosse tournée jusqu’à juillet 2014, Ekoué et Hamé travaillent sur un long métrage, le site va prendre de l’expansion, et puis un disque, on ne sait pas encore si ça va être NSEO 3 ou un album. Et puis les éditions, parce qu’on a envie de donner la parole à de jeunes auteurs ou des œuvres qui nous touchent. Le premier livre qui va être édité, c’est un mec qui a pris certaines de nos phrases et les a mises en image avec des photos. Après, il y a aussi une autobiographie de Nas qui va être traduite en français et dont on a acquis les droits…

Pour terminer, et puisque on te sait amateur, ta marque de cigare préférée ?

Il y en a plusieurs, mais ma préférée est Cohiba… Merci au site Le Bon Son !

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Les Inédits II disponible depuis le 12 novembre sur La Rumeur Mag.

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