Une journée chez les Narvalow

Rendez-vous pris en terre narvalienne en ce premier week-end de juillet, pour l’un des plus gros événements hip-hop de l’année en France, attendu avec ferveur par les amateurs de bon son et de bonnes vibes. Quoi de mieux que l’affiche préparée par Swift Guad et son staff pour commencer l’été sereinement ?

Un large panel de MC’s était attendu au stade Wigishoff de Montreuil, où la scène avait été judicieusement installée sur l’une des surfaces de réparation du terrain. Du rap rocailleux de Zesau au flow mélodieux de Kohndo, en passant par la technicité des MC’s du Gouffre où les débits énergiques de Seär Lui-Même ou A2H, il y en eut pour tous les goûts.

Le Bon Son a décidé, une fois n’est pas coutume, de laisser quelques-uns des MC’s conviés qualifier cette journée vouée à grandir et à se développer encore les prochaines années.

"Montreuil sous les bombes"!
Montreuil sous les bombes !

Les graffeurs chargés de pondre un décor à la beu-bon étaient parmi les premiers à arriver en fin de matinée. Les stands de nourriture africaine, de sapes, le barbecue, tout était fin prêt pour recevoir vers 13-14h les premières casquettes arrivées.

Koryaz – Dicidens : « Accueillant »

« Accueillant », c’est le mot choisi par Koryaz de Dicidens. Effectivement, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accueil réservé et la chaleur des bénévoles était palpable et participa au succès de cette journée. Des vigiles à l’entrée aux dames qui servaient le thieb au poulet, tous et toutes ont joué le jeu. Le prix, de 10 euros pour un show d’une dizaine d’heures et un défilé d’artistes de renom, assure au public un gros spectacle à prix très abordable. En se déplaçant à Montreuil ce jour, on pouvait ressentir cette sensation de victoire avant même le début du match.

On a une pensée ici pour les mères qui avaient pris du temps pour cuisiner les pastelles, le riz cantonnais et le thieb, ainsi que pour le responsable du barbeuc qui a dû lutter contre la chaleur des grilles et le soleil qui n’a pas pardonné les oublis de crème solaire ! Les prix des consos (boissons et sandwichs) sont plafonnées à des valeurs très raisonnables.

Le public, quant à lui, est composite et de toutes origines ; certains sont venus du Sud, d’autres de Bretagne, certains ont même fait le voyage en car de l’étranger (Belgique, Suisse).

Swift Guad & Lion Scott, immortalisés par ©Seum Shine
Swift Guad & Lion Scott, immortalisés par ©Seum Shine

« Après ça, vous allez payer 50 euros pour assister à Urban Peace ? » Swift Guad

Lavokato : « Bon état d’esprit »

Bon déroulement, bon état d’esprit. Lavokato nous a trouvé la parfaite transition puisque la mentalité des participants était globalement très bonne. Quelques accrochages dans la queue pour les grillades, mais rien de bien méchant à tel point que le SAMU a passé la journée sous sa tente. Un chômage technique bienvenu. Si la majorité des spectateurs étaient venus en équipe, on pouvait croiser ici et là des familles, des couples et même quelques personnes qui avaient dû voir naître le hip-hop…

Le Narvalow, micro en mains, a appelé le public tout au long de l’après-midi et de la soirée à incendier d’applaudissements et de cris les artistes, en rappelant que la préfecture autorisait le concert jusqu’à minuit. En contrepartie, il pouvait compter sur la discipline de ses auditeurs dont aucun débordement à la sortie de l’enceinte du stade ne serait à signaler, condition sine qua non pour espérer voir l’esprit du NCS perdurer les étés à venir.

Diky The Kid (Bim Bam Prod) by © Seum Shine

L’indis : « Interactif  »

L’Indis qualifie cette narvalerie d’interactive, car « le public est chaud, participe activement ». Effectivement, les quelques 2 000 supporters de rap français réunis ont donné de la voix. Harangués par l’inévitable Lion Scott et le charismatique Milky Way, les spectateurs n’étaient pas ceux du Stade de France un soir de match amical. Un rassemblement de kiffeurs, d’amateurs, de motivés à foutre le bordel, tous ont fait en sorte que l’on ne s’aperçoive pas de la fuite discrète du soleil et de l’arrivée de la lune.

Des cris, des backs, des « AAHOUUU » pour Furax et des « Lalalala » sur le titre « On s’en sort bien », les MC’s avaient la banane après leur passage. Mission réussie donc, grâce aussi à l’activité intense fournie par les DJ’s (DJ Fab, DJ Blaiz, DJ Enygm & DJ Mik) qui se sont relayés avec bonne humeur.

« J’veux du bordel là, oh ! On n’est pas à un concert de Kenza Farah! » Milky Way

Le Gouffre : « Gouffrerie »

Quelle Gouffrerie ! Pris au piège de sa propre question, Le Bon Son doit composer son article en plaçant l’adjectif le plus improbable et qui n’en est d’ailleurs pas un ! Vous l’avez deviné, on a croisé les Gouffriers au stand de sapes, en train de vendre leurs t-shirts à l’effigie détournée du fantôme de Ghostbusters. Joli clin d’œil que le symbole du groupe, équipé d’un énorme bidon rempli de rhum que « Chameau », un de leurs acolytes, fut chargé d’aller distribuer gratuitement aux supporters pendant le passage du Gouffre sur scène. A noter que l’on a pu découvrir physiquement le jeu de société qui accompagnera la sortie de la tant attendue mixtape Marche Arrière le 7 octobre prochain (cf Marche Arrière, qui es-tu ?). Une gouffrerie donc, puisque tout le monde semblait d’accord sur la qualité de l’environnement et des prestations proposées.

Nasme - Narvalow - Le Bon Son
Nasme par © Seum Shine

Diomay : « Compétitif « 

Alors que certains venaient se produire pour la deuxièmeou troisième fois, d’autres découvraient le plateau, mais tous les rappeurs présents avaient cette donnée en tête : la compétition.

Comme nous le rappelle Diomay, il y a toujours une part de compétition entre les rappeurs, notamment sur un tel plateau. Si l’atmosphère était au respect et les échanges cordiaux entre les MC’s, tous étaient venus pour confirmer que leur présence n’était pas due uniquement à leurs bonnes relations avec l’hôte narvalow. Des confirmés, on pourrait citer Paco, Matt Moerdock, les Zakariens ou Sheryo, qui n’ont pas déçu, accrochés à leur micros et leurs quinzaines de minutes imparties. Au rayon « découvertes », on a pu se frotter à quelques nouvelles têtes, comme Guilty, le groupe de Picardie, le crew Juste Cause, ou le duo Recto Verso. Le rap hispanophone était aussi à l’honneur, puisque des MC’s d’Amérique latine se sont succédés, et l’on a pu entendre au moins trois groupes différents chanter dans la langue de Cervantes.

Sëar Lui-Même : « Hip-hopissime »

Les culs de oinj au sol étaient légions et les gobelets bien vides à l’heure où Lion Scott et notre hôte Narvalow nous ont invités à quitter le stade tranquillement, dans le respect et le même esprit que la journée venait de se dérouler.

L’énergie de Nasme, l’engagement de La Gale –big up pour son soutien aux Antifas et le RIP à Clément Méric-, le flow inimitable de Kohndo, l’accent de Ladea, l’éternel humour de Loko, l’expérience scénique de Swift Guad…  la liste est très longue, le tableau d’affichage complet. Quand la musique s’arrête, on se sent repu. Régalé.

Blaiz, Enygm et Fab : un trio de DJ's au max
Blaiz, Enygm et Fab : un trio de DJ’s au max

Loko : « Immanquable »

Cette troisième édition, c’est une confirmation. Une confirmation d’un succès multiforme, d’un genre d’événement nouveau en France, car aucune journée-festival hip-hop français de ce type n’était pour l’heure recensé dans l’Hexagone. Si Paris a incontestablement pris du retard sur d’autres capitales du HH comme Berlin et son Graffitibox Summerjam qui grossit depuis 2001 ou le HipHop Kemp organisé en République Tchèque depuis 2000, le Narvalow City Show remet quelques Flic-Flac à l’heure. Bien qu’organisé sur une seule journée (pour le moment), il a le mérite de se dédier entièrement au Hip-Hop français et à ses activistes. MC’s très en vue, et quelques graffeurs, on ne serait pas étonné de voir d’autres disciplines comme le breakdance, le beatmaking, le beatboxing ou le deejaying faire leur apparition lors des prochaines éditions.

Ce NCS, c’est aussi une promesse pour Swift Guad qui, assuré du fort potentiel, peut viser encore plus haut. Un week-end où l’on assisterait à des battles, des combos break/rap, toujours dans le cadre du concept PARISHIPHOP, pourrait encore apporter plus de lumière et d’activisme à un art définitivement ancré dans les gènes de plusieurs générations.

Immanquable, on ne peut qu’être en accord avec Monsieur Loko. Les raisons sont multiples et détaillées dans ce live report, mais il n’existe en 2013, en France, aucun événement comparable. Si l’on peut se féliciter du fait que le festival PARISHIPHOP, le festival L’ORIGINAL de Lyon ou les HIP OPSESSION qui se déroulent à Nantes prennent aujourd’hui de l’ampleur, il faut soutenir et renouveler les remerciements au Narvalow et à son équipe de bénévoles altruistes du Narvalow Club.

Un accueil avec déférence, des prix hors compét’, des valeurs sûres au micro, une journée qui sentait bon l’été : Loko a le mot juste, « immanquable ».

Le K.O.H en un rayon de lumière, by © Seum Shine
Le K.O.H en un rayon de lumière, by © Seum Shine

Bémol

Même si l’on fera preuve de mansuétude, on terminera le live report par un point un peu critique concernant la line up, assez mal respectée car on aura pu constater un vrai écart entre les MC’s annoncés et ceux qui ont réellement foutu le feu sur la scène de Montreuil. Mais trop de noms absents nous auront forcés à pointer du doigt un surplus d’annonce qui laissera un petit goût d’amertume à pas mal d’amateurs sur place…

Les artistes absents sont finalement nombreux et la déception n’est que plus forte lorsque l’on sait la rareté des concerts de MC’s comme Hifi ou Nubi. Les noms de Pejmaxxx, Hugo TSR, Zoxea, Demi Portion, Koma, Deen Burbigo ou Zekwe Ramos seront, entre autres, également restés sur l’affiche à notre grand dépit. On a même pu s’attendre à des surprises évoquées au cours de la journée…finalement absentes ! Et pas des moindres : Ill des X-Men, Daddy Lord C, Flynt…

Il y a aussi eu des déceptions avec les MCs présents qui n’ont même pas eu le temps de passer (Nakk, Les 10…). Peut-être aurait-il fallu faire un tri avec quelques-uns des premiers groupes qui laissèrent le public de marbre, allongé dans l’herbe et assez désintéressé dans les premières heures. Certains auront eu droit à deux passages (Romano le Stick) quand d’autres auront carrément été coupés au bout d’un ou deux morceaux (Le Gouffre, Sheryo…) . Dommage.

Comme le suggérait Furax Barbarossa sur sa page FB après coup, un seul présentateur aurait peut-être permis d’enchainer plus vite et de laisser rapper ainsi les invités présents. À méditer…

Furax Barbarossa by © Seum Shine

Seule véritable et exquise surprise (à part Katana de l’Unité 2 Feu venu poser un titre), j’ai nommé Soklak, le temps d’un gros freestyle. Ça fait toujours plaisir d’avoir l’occasion d’entendre l’auteur notamment du classique « 14h du mat » et de très bons autres morceaux que l’on peut retrouver sur 1977 ou Maow Airlines.

Bilan donc très positif et si l’on ne se prendra pas au jeu très français de la notation, sachez que le Narvalow City Show emporte haut la main la palme de la journée Hip-Hop de plein air et de bonne volonté dans tous les sens du terme.

« Destiné à briller, ou à s’éteindre ». C’est évidemment la première issue que l’on souhaite vivement au Narvalow Club et à tous ses organisateurs et bénévoles. On ne peut que soutenir et remercier l’initiative et ceux qui ont fait (acteurs et spectateurs) de cette journée un symbole du mouvement rap en France. Un de plus.

Un grand merci à Seum Shine pour ses photos.

FLYER-DOS

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